L’Organisation non gouvernementale Transparency international, on se rappelle, avait, ses dernières années, jeté un pavé dans la mare en accrochant à son tableau de chasse nombre de chefs d’Etat africains suspectés, à tort ou à raison, de sanctifier les détournements et la corruption. Ainsi, et pour ne citer que ceux-là, les présidents Denis Sassou N’Guessou du Congo, Paul Biya du Cameroun, Teodoro Obiang N’Guema de la
Guinée Equatoriale et le regretté Omar Bongo Ondimba du Gabon avaient-ils été accablés de régner sur des biens mal acquis en Europe, aux Etats-Unis ou dans certains paradis financiers asiatiques.
On se souvient aussi de cette levée de boucliers dans nos palais, au lendemain d’aussi graves accusations qui n’en finissent pas de décourager les bailleurs de fonds, les partenaires au développement, et de sonner la rebellion dans les rangs des oppositions africaines qui n’en demandaient pas plus. Mais si la sentence de Transparency International est restée sans suite, elle aura eu le mérite de fouetter l’orgueil personnel de ces accusés de luxe qui ont, enfin, et après bien de décennies scotchés au pouvoir, sonné le cor pour aller à l’assaut de la corruption ; cette gangrène qui hypothèque le développement de nos Etats.
Résultat : en Côte d’Ivoire, volonté de Gbagbo, les rongeurs de la filière café-cacao sont aujourd’hui des “natifs” de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) ; au Cameroun, Paul Biya a dû interrompre sa partie de golf pour engager sa fameuse opération Epervier qui a décapité nombre de sociétés d’Etat, et continue de faire frémir les gourous de l’administration publique.
Du côté de N’Djamena, Idriss Deby Itno qui vient d’entamer son petit quart de siècle à la tête de l’Etat tchadien, et qui veut réécrire son curriculum vitae, leur a aussi emboîté le pas en réussissant cet exploit de mettre hors d’état de nuire davantage le maire de la capitale, le général Mahomat Zene Bada, accusé de détournement de deniers publics de plus de 4 milliards ; et trois de ses ministres qui auraient touché des pots-de-vin évalués à quelque deux milliards de francs CFA, destinés à l’achat de manuels scolaires.
Un message fort et digne d’intérêt au moment où le Tchad inscrit son nom en lettres d’or dans le cercle privilégié des pays producteurs de pétrole et, surtout, pour qui sait que tous ces bannis du festin impérial sont issus du Mouvement patriotique du salut (MPS), le parti au pouvoir.
Nous aurions applaudi à tout rompre si ces opérations “mains propres” n’étaient pas intervenues à la veille de consultations électorales, et au moment où d’aucuns rêvent secrètement de s’éterniser au trône, hélas. Mais qu’elles permettent d’assainir nos finances publiques ou pas, nous ne saurons rester sourd à l’évangile de nos potentats, “faites ce que je vous dis de faire, mais ne faites pas ce que je fais”.
Mais que l’arbre tchadien ne cache point la forêt africaine, car ils sont encore une foultitude ces prédateurs hissés au sommet de nos Etats et qui confondent en toute impunité patrimoine national et patrimoine familial. Reste à espérer que les exemples suscités, bien que tardifs et sur mesure, fassent tache d’huile ; le Cameroun, le Gabon et le Tchad n’ayant pas le monopôle de la corruption.