Oui, le Cameroun est gouverné !

Pour mieux se situer, lire d’abord le contexte de cette publication

Les périodes préélectorales sont toujours propices aux affabulations, aux histoires loufoques, et aux révélations inattendues, brodées à partir d’une réalité avec laquelle certains acteurs politiques et sociaux prennent souvent toutes les libertés, puisqu’il s’agit moins de viser la vraisemblance que de choquer ou d’indigner l’opinion, de détruire un adversaire, de travestir les faits à son avantage.

Quoi de plus normal, après tout, l’esprit de compétition et une certaine ambiance électrique, à cinq jours du début de la campagne électorale, peuvent générer l’irrationalité et l’agressivité. Est-ce suffisant pour justifier une analyse du genre « Le Cameroun est-il gouverné ? » telle qu’on a pu la lire chez un confrère de la presse quotidienne hier ? Chacun peut en juger.

Dans cet inélégant pamphlet mal documenté et présenté comme le fruit du journalisme d’investigation, il n’est en effet question que d’opinions personnelles et de jugements peu nuancés, pour défendre une thèse posée une fois pour toutes, comme une vérité absolue : le Cameroun n’est pas gouverné, parce que son président est absent. Si ce type de « démonstration » en trompe-l’œil était porté par un homme politique, on serait sans doute plus indulgent. Mais un journaliste, éclaireur de consciences s’il en est, dispose de toute une panoplie de contacts et de documents pour appuyer des assertions péremptoires qui pourraient jeter le trouble dans l’esprit des populations, à quelques semaines de l’organisation du double scrutin du 30 septembre 2013.

Qu’on se comprenne bien : ce n’est pas le principe de porter la critique à l’exécutif, ou au chef de l’exécutif, qui est remis en cause. Loin s’en faut. Dans un système démocratique, la liberté d’expression est consacrée et a fortiori celle de la presse. La preuve la plus éclatante que le Cameroun est non seulement gouverné, mais bien gouverné, c’est que ce type de critique puisse être publié, en dépit de sa légèreté même. Y a-t-il preuve plus parlante que les droits et libertés fondamentaux sont garantis aux citoyens que le ton si libre de la presse ?

Moins que le principe de la critique, ce qui gêne donc ici c’est la sinistrose délibérément entretenue et l’aveuglement pathologique qui, malgré les résultats et les avancées notoires du pays, choisissent le déni de la réalité, pour des motifs inavoués. En décrivant la réalité camerounaise comme apocalyptique sans aucune nuance, on tombe dans l’excès et le manichéisme des populistes, ce qui ne peut pourtant tromper personne, parce que la sagesse populaire admet que « ce qui est excessif est dérisoire ». Et rien n’est jamais ni totalement blanc, ni totalement noir. Nous sommes donc là face à une forme extrême de la pratique journalistique, qui travestit la réalité, se nourrit de fiction délirante : le journalisme d’instigation. A ne pas confondre avec l’autre forme noble – le Journalisme d’investigation.

Cela dit, les lecteurs jugeront eux-mêmes de la pertinence des arguments avancés dans ce dossier et des faits dénoncés. Nous nous contenterons de nous interroger : certains souhaitent-ils voir revenir le Cameroun à un système autocratique, où le président serait omniprésent et omniscient, interventionniste ? Ce président doit-il par ailleurs être le président du seul Rdpc, ou le président de tous ? Gouverner, n’est-ce pas tenir le gouvernail, pour donner la direction, le cap ? Une fois que le rôle de chacun des membres de l’équipage est connu, à travers la feuille de route, le Premier ministre, chef du gouvernement, est censé coordonner de fait l’action gouvernementale. Ce qu’il fait de belle manière.

Mais ce dossier a le mérite de soulever d’autres problématiques : sommes-nous, nous Camerounais, condamnés à rester de vils copieurs, à répliquer ce que tel ou tel autre pays a fait ? N’avons-nous pas notre voie propre à tracer, notre sillon à creuser, qui définiront la voix du Cameroun, unique, originale, dans le monde ? Nos résultats, dans tous les domaines, ne sont-ils pas significatifs, attestés par les partenaires au développement ? Ce qui est construit solidement, mais dans la discrétion, est-il inopérant, sans intérêt ? Certes, le Cameroun, pays aux innombrables ressources peut faire mieux. Mais seule la critique constructive, de bonne foi, bien ciblée, constituera l’aiguillon nécessaire au gouvernement. Parce qu’elle sera toujours plus porteuse que la logorrhée creuse et les outrances polémiques.

Marie Claire NNANA

Directeur général de la Sopecam, éditrice de Cameroon-tribune

Texte publié dans Cameroon-tribune du mardi 10 septembre 2013

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