La France se prépare à intervenir en Centrafrique, c’est en tout cas ce que nous susurrent avec insistance nos médias… et M. le ministre Fabius, à la peine sur ses autres chantiers diplomatiques, Syrie, Iran, nous informe sur un ton grave que « le pays est au bord du génocide » [AFP21nov13] ! Au goutte à goutte, petit à petit, l’idée d’une guerre juste et nécessaire s’instille dans les esprits, presque par effraction subliminale, en quelque sorte.
Toutes les autres diversions tentées ces dernières semaines ont échoué à détourner l’attention du public, à canaliser durablement l’opinion afin de l’éloigner du spectre des plans sociaux, des barrages routiers, des radars et des portiques autoroutiers flambant neuf, des cadavres qui s’accumulent dans les banlieues marseillaises et le pays mis en coupe réglée par des bandes nomades ! Rien n’y fait.
Ni les coupables omissions de la presse grâce auxquelles l’on minimise ou l’on ignore les divers épisodes de fronde sociale qui secouent le pays… Ni la banane de Mme Taubira, ni les libérations, à point nommé, d’otages hexagonaux, ne sont parvenus à détendre l’atmosphère et à rasséréner des céfrancs en proie à une féroce anxiété fiscale.
Ajoutons que dans le premier cas évoqué – celui du fruit exotique prisé des pongidés et autres hylobatidés vivant hors de leur biotope d’origine – la présomption de “montages”, de mises en scène victimaires, est forte… photomontages à la clef. Car l’art de fabriquer ou de modifier des événements en temps réel, a réalisé ces dernières années de formidables et fulgurants progrès.
Autrefois seule la rumeur, volontaire ou spontanée, possédait la faculté de réorienter la réalité dans un sens ou dans un autre, d’inverser les faits, d’exonérer les coupables et de stigmatiser des innocents. Mais les techniques étaient alors rudimentaires, l’onde de choc ne dépassait pas avant longtemps certaines limites. Maintenant sa propagation est immédiate, elle atteint en un éclair, par le truchement des satellites, les frontières linguistiques les plus reculées… tout en sautant allégrement toutes les barrières sociales.
L’exemple de l’étrange attentat du marathon de Boston constitue à ce titre un cas d’école que les experts officiels et les écoles de guerre – psychologique en l’occurrence – doivent ou devraient traiter et analyser de près(1). Depuis l’époque des authentiques massacres nationaux ou de proximité, favorisés par les guerres, mais étouffés par la coupable indifférence des politiques et des médiacrates2, nous vivons désormais dans un monde où la manipulation de l’images, permet le passage indolore du virtuel au réel, ceci permettant de recréer à volonté des réalités idéales au-delà de la triviale réalité … de fausses-semblances épousant à merveille les structures immanentes de notre imaginaire individuel et collectif… les peurs, les haines, les ressentiments, les espoirs, les sidérations et les inhibitions qui sont les “signifiants maîtres” de nos comportements.
Léon Camus 23 novembre 2013
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Notes :
1 – Pour les anglophones élémentaires, aller aux premières images (trois portraits) qui laissent rêveur quant aux modernes capacité de construire une “réalité de synthèse”, c’est-à-dire totalement artificielle en substitution de la réalité vraie : http://www.youtube.com/watch?v=rfqy… – Vidéo 9’42’’
« From 9/11 to the global economic collapse is our society being manipulated systematically to produce fear, force obedience, and keep us disunited ? Does media power make deception and manipulation now a real science ? ».
2 – Faut-il donner des exemples ? Inutile de revenir sur le génocide des Tutsi du Rouanda en 1994, perpétré avec la complicité tacite de la Communauté internationale. Notons cependant que certains grands malheurs en occultent d’autres tout aussi grands, parfois plus. Ainsi la guerre qui faisait rage depuis 1914 à l’Ouest du sous-continent européen, a-t-elle favorisé les immenses massacres des Chrétiens de l’empire ottoman : génocide arménien, extermination des grecs et des assyro-chaldéens par centaines de milliers. Les déportations concentrationnaires et les grandes hécatombes de la seconde Guerre mondiale ont également fait oublier les camps où furent décimés par la faim, le froid et la maladie les prisonniers de guerre des armées vaincues la Croix rouge y étant interdite… ou encore les extraordinaires déplacements forcés de populations de l’Est vers l’Ouest à partir de janvier 1945 qui s’égrenèrent en autant de marches de la mort, à peine moins terribles que celles au cours desquelles agonisa trente ans plus tôt, le peuple arménien.