Le Kenya, leader mondial du paiement mobile

Mpesa Kenya

C’est en mars 2007 que le système M-Pesa – « M » pour mobile et « pesa » qui signifie argent en swahili –, est officiellement lancé par Safaricom, le premier opérateur de téléphonie mobile.

Il ne s’agit pas d’une monnaie virtuelle mais d’un mode de transfert d’argent. Le détenteur d’un compte M-Pesa apporte la somme désirée à un opérateur local, qui crédite son compte. Un SMS prévient le destinataire qui, à son tour, récupère le cash auprès d’un agent local. Dans un premier temps, le plafond est fixé à 500 dollars, les frais d’envoi sont très faibles et fixes.

Le succès est fulgurant. Les raisons sont en grande partie les mêmes que celles expliquant l’essor du téléphone portable (80 % des Kényans en possèdent un). M-Pesa permet de parer aux mauvaises voies de communication. Il s’appuie sur un impressionnant maillage d’agents locaux : des milliers de petits vendeurs, présents dans tous les quartiers, dans les centres-villes comme dans les bidonvilles, en zone urbaine comme rurale. Le contexte politique de l’époque est un élément accélérateur. En 2008, le pays connaît de graves violences post-électorales. « Les gens ont vite compris l’intérêt d’un système qui évitait que l’on se déplace », souligne Jean-Michel Huet, directeur associé du cabinet de consultants BearingPoint.

Faible accès au système bancaire

Le système a su répondre à l’une des principales difficultés d’un pays en voie de développement : le faible accès des populations au système bancaire. Non seulement le nombre d’établissements est faible, mais la majorité des habitants est trop pauvre pour s’offrir les frais liés à un compte.

Dernier ingrédient de la réussite : la bienveillance des autorités. « L’Etat n’a pas mis de frein en termes de régulation des secteurs télécoms et surtout bancaire. C’est fondamental », souligne M. Huet. Safaricom a pu développer un service réservé dans d’autres pays aux seules institutions bancaires. « Non seulement on lui a permis de le faire, mais de le faire simplement », souligne l’expert. Face à une population rurale où l’analphabétisme est élevé, le système ne prévoit ni paperasse ni démarche dans de lointaines administrations.

Avec le temps, les possibilités se sont élargies. Il est possible de régler des factures, des frais d’hôpital, une inscription à l’école ou de verser une paie. Dans les rues de Nairobi, on paie son taxi avec son portable, on s’offre une robe au marché. Les travailleurs urbains envoient de l’argent à leur famille en zone rurale. Safaricom a été rejoint par d’autres opérateurs. Sur 43 millions de Kényans, plus de la moitié (25 millions) utilisent le paiement mobile, selon la Commission des communications du Kenya. Le nombre d’agents locaux s’est aussi étendu : il s’élève à 91 750 personnes sur tout le territoire.

Depuis 2010, le système est entré dans une nouvelle phase : la création de comptes bancaires. Le paiement mobile ne permet ni prêt ni épargne, pourtant considérés comme des leviers pour le développement. Nés de partenariats entre Safaricom et des banques kényanes, M-Kesho et M-Shwari proposent désormais la création de comptes bancaires entièrement gérables avec son téléphone portable.

Sept ans après le lancement du paiement mobile, les transactions ainsi réalisées ont été estimées, pour l’année fiscale 2012-2013, à 10,5 milliards de dollars, soit 7,6 milliards d’euros (le produit intérieur brut annuel du Kenya est de 37 milliards de dollars). « Il s’agit du deuxième moyen de paiement après le cash. On estime que 40 % des flux financiers se font par téléphone mobile », souligne M. Huet. Si le Kenya est en tête, d’autres pays africains comme la Tanzanie ou le Sénégal se sont lancés dans l’aventure. « Ce n’est que le début de l’histoire, poursuit l’expert. Les services se développent pour les transferts d’argent à l’international. Les sommes en jeu sont là colossales. »

Charlotte Bozonnet

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