Musellement de la presse: Henriette Ekwè entendue par la police

Selon cette journaliste qui jouit du plus grand respect de ses confrères, tout a commencé jeudi 8 avril 2010 par un coup de fil du premier adjoint préfectoral. Son interlocuteur dit vouloir en savoir davantage sur le journal Bebela qui parait à Douala et dont Henriette Ekwè en est le directeur de publication. Le jour suivant, vendredi 9 avril 2010, elle reçoit un autre coup de fil du même correspondant. D’abord inquiète de cette sollicitude inhabituelle, elle se rassure vite. Le week-end passe. Hier lundi matin 12 avril 2010 aux environs de 8 heures, « tata » comme l’appellent ses jeunes confrères, reçoit un autre coup de fil, cette fois-là du commissaire central n° 1 de la ville, qui lui signifie que ce sont les Renseignements généraux qui font une enquête de moralité sur elle pouvant déboucher sur une éventuelle nomination.

Bien que les informations soient du genre à apporter du baume au cœur, connaissant les manœuvres du régime et sa sainte horreur de la presse, Henriette n’est pas tranquille. Alors qu’elle venait d’achever ses courses, son téléphone crépite. L’interlocuteur au bout du fil lui rappelle le rendez-vous et l’informe de ce qu’il aura plutôt lieu dans les locaux de l’Emi -Imigration. Prenant ses précautions, elle s’y rend en compagnie d’Alex Gustave Azébazé, premier secrétaire du Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC), et de Guy Mossi, directeur de publication de l’indice, un journal traitant de l’information économique. Y étant, ses deux accompagnateurs sont priés de gagner le large.

Incitation à la révolte

Henriette Ekwè se retrouve alors en face de toute la hiérarchie militaro policière du Littoral. Selon ces hauts gradés, ordre leur a été donné de mettre en garde la vice-présidente de l’Union des journalistes du Cameroun (UJC) à qui il est reproché d’avoir participé à une émission sur le 26è anniversaire du putsch manqué du 6 avril 1984 sur Equinoxe Télévision. Au cours de cette émission, elle aurait déclaré que tous les ingrédients étaient prêts pour qu’on en arrive à une situation similaire à celle du 6 avril 1984. Des propos qualifiés par ses interlocuteurs comme relevant de l’incitation à la révolte. « Sur ces entrefaites, souligne Henriette Ekwe, j’insiste pour prendre la parole dans le but de leur dire que j’ai assisté à cette émission en tant que citoyenne et que j’ai fait une analyse de la situation et qu’ils pouvaient solliciter de leurs politologues qu’ils m’apportent la contradiction. Ils vont me dire qu’on n’est pas ici pour le débat».

A la réalité, cette histoire survient un mois après la lettre dans laquelle, Henriette Ekwè, après avoir suivi l’arrestation d’un de ses collègues journalistes, avait décrit dans le moindre détail les mauvaises conditions de détention de ces hommes de média. Depuis lors, cette combattante de la liberté de la presse n’a eu de cesse de recevoir des menaces et des intimidations. L’audition d’Henriette Ekwe hier lundi 12 avril 2010 intervient avant le procès de 4 autres journalistes prévu ce jour. Décidément le pouvoir semble avoir véritablement déployé le rouleau compresseur contre la presse.

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