Cameroun: Faible consommation de l’aide

 

L’étude en question a été réalisée par Jenny Scharrer, du « Global public policy « institute » de Berlin . Elle porte sur la capacité d’absorption de l’aide extérieure au Cameroun et s’intitule « Analysis of factors restraining the capacity of Cameroon to absorb foreign Aid ».

Présentée pour la première fois au public le 28 janvier 2010, au cours d’un atelier de restitution ; le but de cette première rencontre était de permettre au gouvernement et à la société civile de l’enrichir. La seconde réunion du genre, tenue hier, 15 avril 2010 à l’hôtel Mont Febe de Yaoundé avait essentiellement pour but d’amener les gestionnaires de crédits dans les différentes administrations publiques du Cameroun à se l’approprier définitivement. Pour Thierry Mertens, Président du comité multi bailleurs, ce rendez-vous, capital à son sens, constitue une « étape importante sur le chemin de l’amélioration de l’efficacité de l’aide, objectif en vue duquel les pays partenaires et la communauté des bailleurs de fonds se sont dotés de la désormais célèbre déclaration de Paris ».

L’étude de madame Jenny Scharrer met à nu le déficit de collaboration et de communication interministérielle dans la mise en oeuvre des programmes et projets nécessitant la contribution de plusieurs administrations. Elle évoque le cas du projet d’appui au secteur éducatif (PASE) qui a longtemps souffert d’un problème de collaboration entre le MINEFOP, le MINEDUB, le MINESEC et le MINESUP. Il en est de même du projet de renforcement de la sécurité et de la sûreté aérienne en Afrique centrale (PRSSAC) qui a également souffert de l’absence totale de collaboration entre la gendarmerie, la police, la douane, le ministère des Transports, les ADCet l’Autorité aéronautique. Il y a le cas des projets de construction des hôpitaux dont les routes d’accès ne sont pas réalisées longtemps après. Tout comme le cas des hôpitaux dont les systèmes d’approvisionnement en eau potable sont mis en place très tardivement etc. Jenny Scharrer dans son étude fait état d’un projet pour lequel des équipements ont été bloqués pendant plusieurs mois à la direction générale des douanes à cause du non paiement des frais d’importation alors que ces équipements bénéficiant du régime d’admission temporaire, n’étaient pas soumis à cette procédure, car ils devaient être exportés après utilisation.

Non respect des engagements

L’étude parle de « l’incompétence très médiocre » des responsables en charge de la gestion de certains programmes. « Beaucoup de cadres impliqués dans les projets n’ont pas de formation requise pour concevoir, exécuter, suivre, évaluer et élaborer des TDR (termes de référence, Ndlr) ; la désignation des coordonnateurs de certains projets et des autres membres de l’équipe de gestion desdits projets par les ministères concernés ne tient nullement compte du profil requis au regard de la nature et de la complexité de ces projets ; d’où la maîtrise très approximative des projets et des documents y afférents par ces personnels », souligne l’étude qui dénonce par ailleurs la non finalisation des cadres stratégiques, réglementaires et législatifs, ainsi que le non respect des engagements pris par l’Etat dans le cadre des accords de financement des projets. Exemple : « le projet d’appui au secteur de l’éducation dans le cadre duquel la mise en place d’un fonds d’appui à la professionnalisation prévue dans l’accord de financement y afférent n’a jamais été engagée depuis plus de 3 ans ». Jenny Scharrer met l’accent sur la gouvernance qui laisse à désirer.

Elle souligne pour l’étayer, les mauvaises pratiques observées au niveau de l’application du code des marchés public. Elle fait remarquer que certains membres des commissions multiplient les réunions, non pas pour s’assurer de la bonne qualité des offres, mais pour avoir plus de perdiems (chaque réunion donnant lieu au versement des perdiems), ce qui allonge la durée d’exécution des projets. Voilà autant de dérives (la liste n’est pas exhaustive) qui font que des aides accordées au Cameroun traînent dans les caisses des bailleurs des années durant, sans que le moindre franc puisse être débloqué. Dieudonné Takouo, directeur de la coopération Nord-Sud et des organisations multilatérales l’a reconnu hier 15 avril 2010à Yaoundé. Pour mettre fin à cela, Roger Mbassa Ndiné, secrétaire général au ministère de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire a affirmé à l’ouverture de l’atelier que « d’importants efforts restent encore à fournir par tous, et plus particulièrement par l’administration camerounaise pour améliorer durablement la performance de nos portefeuilles de coopération, notamment en neutralisant tous les facteurs qui freinent notre capacité à utiliser convenablement le concours mis à notre disposition par nos partenaires au développement ».

Focal: Une aide pourtant gracieuse et précieuse

L’aide publique au développement (APD) représente une part importante des ressources pour les investissements publics au Cameroun. A ce titre elle joue un rôle crucial dans les programmes de développement économique et social. Cependant la faiblesse de l’absorption et les retards dans les décaissements des ressources mises à disposition par les partenaires techniques et financiers est un facteur limitant qui remet en cause l’optimisation de l’aide publique au développement et la nécessité de l’amélioration quantitative de cette aide. Les rapports sur la mise en oeuvre des différentes stratégies des partenaires au développement du Cameroun, notamment celles de la Banque mondiale et de la Banque africaine pour le développement (BAD) relèvent une très faible consommation des crédits et dons mis à disposition. Ceci se traduit par un impact souvent faible des programmes et projets mis en oeuvre. Dans le document de stratégie pour la croissance et l’emploi, le gouvernement considère la question de l’incapacité d’absorption des crédits, notamment extérieurs comme fondamentale et essentielle pour la mise en route de la stratégie de développement économique et social du pays. Avec le diagnostic posé par Jenny Scharrer, assorti de propositions telles que le recrutement sur une base compétitive des gestionnaires de crédit, les partenaires espèrent juguler le fléau.

En effet, le risque induit par cette faible capacité à consommer les financements plombe tous les efforts concertés du gouvernement et de ses partenaires pour résoudre de façon durable les problèmes de bien être des populations. A ce titre, la faible absorption est un facteur qui engendre un infléchissement majeur du niveau des investissements publics avec des conséquences dommageables sur la croissance et la réduction de la pauvreté. Cette problématique est d’autant plus cruciale que la crise économique mondiale actuelle conduit déjà à un resserrement des ressources internes de l’Etat et à une baisse de la contribution de ses partenaires techniques et financiers. En commençant par l’atelier d’hier, le gouvernement se montre déterminé à engager en urgence une batterie de mesures dont l’objectif principal est de neutraliser les facteurs structurels, institutionnels et fonctionnels freinant la capacité d’absorption de l’aide extérieure.

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