Nécrologie: Le dernier uppercut de Joseph Bessala

Le premier médaillé camerounais aux Jeux olympiques, ancien champion d’Afrique des welters, est décédé de suite d’un AVC  samedi 24 avril 2010 à l’hôpital général de Yaoundé. On le savait très malade depuis 2005. Mais « Jo » comme  l’appelaient affectueusement ses amis, tenait malgré tout le coup. Il souffrait en fait d’hypertension artérielle. Une vilaine maladie qui lui faisait des misères. On se souvient qu’il a fait une crise d’AVC en juillet 2009 au point d’être interné à l’hôpital Central de Yaoundé. Pour l’occasion, il avait alors reçu la visite du ministre de la Santé André Mama Fouda et celui des Sports et de l’éducation physique, Augustin Thierry Edjoa. Depuis son relatif rétablissement, Joseph Bessala passait tout son temps à son domicile, situé au quartier Ngousso, à un jet de pierre du stade omnisports de Yaoundé. Il était ainsi, le premier sportif camerounais à avoir décroché une médaille d’argent aux Jeux Olympiques, « réservé en famille et plutôt sociable au dehors », comme le définissent ses proches.

A 62 ans sonnés, Joseph Bessala, menait jusqu’à sa mort une vie plus qu’austère. Sa vocation première n’était pourtant pas le noble art. Mais après s’être essayé au football, il opte finalement pour la boxe. La chance commence à lui sourire à la veille de la Coupe des tropiques, organisée par le Cameroun en 1964. Sa réputation de puncheur poids plume est parvenue aux oreilles des responsables du ministère des Sports, qui recherchent des pugilistes. Ils ont entendu parler de lui, le contactent et décident aussitôt de l’enrôler dans la délégation à ces Jeux sous-régionaux. A Yaoundé, le gaucher expédiera tous ses adversaires, dont les plus robustes tiendront à peine jusqu’au deuxième round : KO à tous les coups. Il remet ça aux Jeux africains de Brazzaville (1965), de Lagos (1966) et de Lusaka (1967). Ses crochets du gauche balaient tout sur leur passage.

Le véritable déclic interviendra aux Jeux Olympiques de Mexico en 1968. Joseph Bessala est aligné dans la catégorie des mi-moyens (67 kilogrammes). Il marche littéralement sur ses adversaires pendant la phase des éliminatoires. Le combat en finale semble inégal. « Le démolisseur », avec sa taille moyenne, est face à un adversaire filiforme qui tutoie les 2 mètres. L’Allemand de l’Est Manfred Wolke gagne la partie aux points. Il est accueilli en héros national à son retour au pays natal. Reçu en grandes pompes et décoré par le président Ahmadou Ahidjo, il recevra en prime une voiture et une maison dans un camp d’habitations à loyer modéré (HLM). Le flambeur s’envole pour la France où il passera 4 années. Il veut « devenir champion du monde » et s’engage dans une carrière semi-professionnelle, mais les réalités du milieu l’amèneront à faire le deuil de ses illusions.

Il revient au pays écoeuré en 1972. Il n’est pourtant pas au bout de ses surprises, car il retrouvera sa maison occupée par un inconnu qui le traite comme un imposteur. Il ira protester au ministère de la Jeunesse et des sports, et, au bout de quelques mois, est relogé mais cette fois dans une maison de location de l’Etat. Une escouade de militaires armés viendra l’en déloger au milieu des années 80 au petit matin, « sans la moindre explication ». Il gagne la petite maison qui faisait jusqu’à sa mort sa fierté, et qu’il avait réussi à bâtir « avec les petites économies ramenées de France ». Il se lance dans une carrière professionnelle dans la catégorie des welters, et, en juillet 1974 à Yaoundé, foudroie le Zaïrois Clément Tshinza. Il dispute et gagne son premier titre continental l’année d’après, face au Ghanéen Eddy Blay.

Mais toutes les belles histoires ont une fin, et celle de Joseph Bessala connaît sa première alerte cinq ans plus tard. A Abidjan, il met son titre en jeu pour la troisième fois face à l’Ivoirien Salam Ouedrago Attila, qui le domine aux points. Le vaincu, comme souvent, est amer et crie au « complot ». Il repart tête basse, et quelques mois plus tard, il s’étale littéralement : un K.O. face au Marocain Mokhtar Mimoun. C’est grâce à son épouse couturière, comme il aimait à le rappeler, qu’il réussissait à tenir le coup. On se souvient qu’il confiait en 2005 à un reporter de l’agence Panapress que tous ses espoirs résident en la mansuétude du président Paul Biya. « Je veux qu’il ait pitié de moi, je suis vieux et fatigué. Je n’ai rien pour nourrir ma famille, et le prie pour qu’il me trouve une maison et de quoi encadrer les miens, ne serait-ce que pour tout ce que j’ai fait pour le Cameroun ». Le boxeur s’en est allé, laissant à la postérité le souvenir d’un vrai conquérant. Adieu « Jo ».

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