L’ultime Reconnaissance: Merci Pius

Lannonce de la nouvelle
Abattus, désespérés, empathiques, le Cameroun et sa diaspora se sont réveillés en sursaut; cueillis à froid, malgré la canicule du moment, par l’annonce du décès tragique de Pius Njawé survenu dans l’Etat de Virginie.

Une disparition tout aussi inopportune que bouleversante, à un moment contre-indiqué. Tant l’homme incarnait une espèce rare d’africains, de camerounais qui, très tôt portés par le vent de la mission collective, n’ont pas résisté à l’appel ultime du service publique.

Pius NNjawé savait prendre en compte les exigences et les contraintes de l’exécution d’une mission guidée par une vision d’intérêt commun et appartenait de ce fait à cette crème d’hommes qui savent, même dans le tumulte, croire en des lendemains meilleurs en s´appuyant sur la tonique majeure d´un courage rompu à toutes épreuves.

Le visionnaire
Figure majeure de la liberté d’expression au Cameroun, ne pratiquant pas la langue de bois, ce “self made man” méprisait à souhait la filature et l’adversité ; en témoigne sa persistante haine de l’imposture et le flegme qui le caractérisait dans la fidélité aux principes de vérités éternelles.

Il s’attelait sans compromission à résister aux mirages que laissait miroiter sa fonction d’homme publique. Homme de communication se débarrassant volontiers des coups tordus et de la délation, il renonça jusqu’à ses derniers instants de vie à porter un masque hideux et encombrant. Le masque ignoble, difforme et déshumanisant de ces personnes qui, sous l’ivresse de leur popularité souvent indicible et inattendue, voient leur ego atteint d’une hypertrophie de second degré incurable. Etre célèbre n’était pas son but, être utile était son obsession.

Loin d’un profil de star de Hollywood dont les canons de distinctions se veulent très souvent préconçus et préétablis, et à bien d’égards discret dans sa vie de tous les jours, l’homme s’imposait par la force de ses idées. La longévité du journal Le Messager, l’organe de presse pour lequel il était jusqu’à sa mort directeur de publication, et surtout la précocité de ses aspirations du haut de ses 22 ans pour un monde, une Afrique, un Cameroun meilleurs sont, toute proportion gardée, des éléments renseignant sur l’homme qu’il était. Il fut et reste un illustre défenseur des libertés collectives et individuelles, un avocat des libertés d’expressions et idéologiques, un fidèle disciple de la récidive évolutive.

Sa mort est un symbole fort de son entrée dans notre iconographie nationale et continentale. Plusieurs réalisations et contributions sont à mettre à son actif : sa participation à la constitution du ferment de notre unité nationale, ses prises de positions en la faveur de la suppression des luttes partisanes pour un Cameroun plus juste. Le rôle de guide précurseur qu’il incarnait, l’exemple pour ses pairs, congénères et confrères qu’il était et le repère qu’il était devenu pour les générations futures sont quelques illustrations de sa transcendance.

La mort
L’impolitesse de la mort nous impose quelquefois des poses, des moments d’arrêts, des silences. Elle, la mort s’impose à notre quotidien bruyant et résolument contraignant, qui lui fait par ailleurs allégeance et ce malgré les exigences existentielles et circonstancielles pour la survie qui lui sont inhérentes.

La mort, la perte d’un être cher, aussi bien que la douleur inextricable et les peines y associées nous conduisent presque toujours vers les hauteurs de la méditation, de la rétrospection, vers les cimes de l’introspection. Que la perte de ce Baobab de la presse écrite soit un point d’inflexion pour nous qui continuerons le digne combat pour la victoire de l’excellence sur la médiocrité, le triomphe de l’abnégation, la témérité dans l’adversité, le triomphe des libertés.

Interpellation
Pius Njawé s’en est allé avec son enveloppe corporelle, sa matière physique ; puissent son oeuvre, son attitude fondatrice, nous servir de balise, de canevas.

Dans un Cameroun où la crise identitaire est l’un des aneurismes pathologiques les plus sévères sclérosant toutes les strates sociales et particulièrement une jeunesse déjà donnée en pâture aux despotes, dans une nation où l’homme ordinaire végète, sans véritables modèles, sans ancrage et perspectives, dans un pays où hier encore le sport très souvent évoqué comme seul véritable sujet de fierté fait aujourd’hui l’objet de nos jérémiades, ne sommes nous pas en droit de nous poser les questions fondamentales et y apporter des Réponses Vraies pour le Cameroun de nos enfants?

Ne serait-il pas définitivement indiqué à cette période charnière de notre vie nationale d´emprunter la voie de la sagesse? D’implorer la maestria? D’oeuvrer comme ce grand Homme dans la continuité pour la bonification des idées centrales de prospérité à tous égards? Ne serait-il pas judicieux que nos choix de vies soient épurés, soustraits du vanil et mieux, couverts du manteau de l’essentiel? Quels « vecteurs directeurs » pour le changement de soi? Quelles logiques de réflexion porteuses de fruits durables pour nos sociétés? Il est temps de reconsidérer notre héritage, nos legs à la postérité!

Encouragements
La mort, cette inconnue mystérieuse et fidèle à elle-même, balaie sur son passage comme un tsunami de magnétisme à grande échelle tout ce qu’elle rencontre.

Avant – hier, c’était Rudolph Duala Manga Bell, Ruben Um Nyobe, Martin Paul Samba, Félix Moumié, Ernest Ouandjé, Ossendé Afana …nos pères fondateurs. Hier, les victimes des villes mortes, les victimes de la catastrophe de Nsam, les étudiants du drame de Soa, Eboa Lotin, Daniel zock Ambassa, Marc Vivien Foe, Mongo Beti, et les combattants discrets de tous les jours qui sont morts quelquefois dans l’anonymat total et continuent de mourir… Enfin, aujourd’hui, oui aujourd’hui, c’est le serviteur Pius Njawé, le père de l’assiko, Aladin Bikoko, et nos parents qui peut être de façon moins spectaculaire se meurent dans les hôpitaux du fait de la quasi inexistence dans notre pays d’un système de santé viable et du fait de la précarité des établissements de santé et centres de soins, reflet parfait de nos institutions pour ne citer que ça.

A l’endroit de tout Africain, Camerounais orphelin, veuf ou veuve, ayant perdu un parent des suites de maladie, par accident, lors d’une catastrophe naturelle, d’un crash d’avion, de mort naturelle ou tout simplement mort par la simple cupidité d’autres hommes et l’expression de la bêtise et des bas instants humains, nous renouvelons le sens de nos encouragements sincères: quand s’abat le désespoir, s´élève l’espoir des persévérants. Ils sont partis mais tout n’est pas perdu.

Expression de notre gratitude
Merci à tous ceux qui comme Pius Njawé nous auront permis d’entrapercevoir une vision collective sur une spirale supérieure du savoir universel; une trajectoire unique vers un nouvel horizon socioculturel, historique et institutionnel pour ce pays, qui malgré son état de mort comateux, de mort clinique prolongé et avéré entretien le paradoxe d’un amour sans faille venant de ses fils.

Nous évoquons et invoquons le courage là où règne la peur. L’amour et l’harmonie, là où la disgrâce et la haine ont droit de cité. Nous vous avons perdus chers parents, notre cause n’est pas pour autant entendue car les dividendes des vrais combats comme ceux que vous avez menés sont très souvent récoltées à titre posthume. En cela, vous êtes vraisemblablement des hommes d’exception. Vous appartenez non seulement au temps présent, mais bien plus aux générations futures.

Vous n’appartenez, certes, plus à la dimension visible, vous êtes morts, partis, oui physiquement … mais vous vivez et vivrez par la mémoire dans nos mémoires, notre imaginaire et imagerie collective et serez très certainement récompensés et décorés par le tribunal atemporel, impartial et implacable de l’histoire. Nous continuons, malgré les circonstances douloureuses, les convulsions à répétitions de la vie et son lot de difficultés de combattre le bon combat ayant la ferme assurance et l’intime conviction que nous verrons un jour, une autre Afrique, un autre Cameroun, celui dont nous rêvons.

Guy-Rodrigue Anicet, KOMPANE MULEMA.
“Tondo muna nongo kaneni o tondino oa mene”

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