Choléra : Où sont passées les élites mémorandistes du Grand nord ?

Dans le langage approprié de la sécurité civile on peut logiquement parler de catastrophe. De Maroua à Ngaoundéré, en passant par Garoua, le choléra sème la mort. Des vies humaines des pauvres Camerounais vivants dans ces régions sont ainsi en danger. Il est difficile aujourd’hui de vivre dans les villages des régions de l’Adamaoua, du Nord, et principalement de l’Extrême-nord (qui a déjà subi il y a quelques mois des grosses inondations suites à des pluies torrentielles) sans être habité par la psychose d’être infecté par cette terrible maladie qui semble n’avoir subitement resurgi qu’au pays de Paul Biya.

Au niveau du gouvernent, après des atermoiements honteux sur le nombre de victimes, et alors que la côte d’alerte avait longtemps été atteinte, le ministre de la Santé publique, André Mama Fouda, est finalement descendu sur le terrain pour mesurer l’ampleur de la catastrophe. Accompagné du secrétaire d’Etat à la Santé publique, Alim Hayatou, il est retourné à Yaoundé, fortement bouleversé et édifié du désastre causé par cette maladie, non seulement dans la région de l’Extrême-nord, mais aussi sur son extension dans les autres régions du Septentrion. « La situation est grave. Il faut faire absolument quelque chose, d’abord pour maîtriser l’épidémie, ensuite pour apporter de l’aide nécessaire en terme de médicaments aux victimes », précisait alors une source proche du ministre de la Santé publique.

En fait, informé dès le début de l’épidémie, alors qu’il se trouvait à l’étranger, Paul Biya avait alors instruit le Premier ministre, Yang Philémon, de tout mettre en œuvre au niveau du gouvernement pour faire face à la situation qualifiée alors de dramatique. D’où le voyage de Mama Fouda à l’Extrême-nord. Plus tard, alors que l’ampleur du mal se voulait grandissant et extensif, Paul Biya a instruit le ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République afin qu’il puisse tenir un réunion au niveau de la haute hiérarchie du pays, avec tous les acteurs du gouvernement concernés, avec pour objet, la situation de l’épidémie du choléra dans les régions septentrionales du pays. A l’issue de cette réunion, le ministre de la anté publique a pratiquement été sommé de refaire un autre voyage (du 11 au 13 août 2010) dans le Grand nord. Cette fois il était accompagné du ministre de l’Eau et de l’énergie. A l’issue de ce voyage, le deux ministres ont tenu un point de presse commun à Yaoundé. En cette occasion, ces membres du gouvernement ont annoncé les mesures qui sont prises au niveau du gouvernement, à savoir, la prescription des règles d’hygiène élémentaire à travers la construction des latrines et de 250 forages pour l’acquisition en eau potable.

Pas d’action individuelle ni concertée

C’est vrai que face à l’ampleur de la catastrophe, on peut bien se poser la question de savoir pourquoi le chef de l’Etat (qui doit savoir que près de 300 Camerounais ont déjà perdu la vie dans le Grand nord à cause de cette épidémie), ne soit pas directement impliqué dans la recherche des solutions comme on peut le voir ailleurs dans d’autres pays où les gouvernants prennent au sérieux les problèmes vitaux auxquels leurs peuples font face. Faut-il attendre qu’il y ait mille morts de choléra, ou au-delà, pour que le président de la République puisse par exemple convoquer une réunion de crise, genre conseil ministériel, ou tout autre réunion adéquate afin de penser des solutions définitives pour juguler la catastrophe de l’épidémie de choléra  qui sévit actuellement dans le Septentrion? En tout cas les causes humaines de la propagation de cette épidémie sont connues : il s’agit principalement d’un problème de carence en eau potable. Et pour le cas de l’Extrême-nord, cela fait suite aux inondations dont ont été victimes certains villages de cette région.

Si la responsabilité de l’Etat et de ses dirigeants peut être logiquement engagée face à cette situation bouleversante, celle des élites locales ne l’ai pas moins. En effet, depuis le début de la catastrophe de l’épidémie du choléra dans le Grand Nord, on n’a pas senti de manière ouverte une organisation efficace des élites des régions septentrionales du Cameroun, pour venir en aide aux populations meurtries par ce drame. Un haut cadre du ministère de la Santé publique approché par Le Messager explique : « Il faut comprendre que l’apport des élites extérieures et intérieures de ces régions est important dans cette situation. Les élites face à la catastrophe, ne peuvent pas rester amorphes comme on l’a vu jusque-là ; et attendre que l’Etat réagisse d’abord sur tout. Il s’agit quand même d’une épidémie qui touche des familles, dont leurs familles. C’est vrai qu’il y a une affaire d’accès en eau potable qui regarde l’Etat central. Mais les autres problèmes d’hygiène et salubrité dans les familles concernent d’abord les élites. Beaucoup font comme si c’est l’Etat qui doit apprendre aux gens qui vivent dans ces régions actuellement touchées par le choléra, comment construire les latrines dans les concessions, ou alors qu’il faudrait se laver les mains une fois que l’on rentre des toilettes où on est allé assumer des besoins pressants… »

S’engager vite

On peut en effet s’étonner que des élites politiques et intellectuelles du Grand nord, et principalement celles qui, il y a quelques années ont rendu public un mémorandum sur la situation de leurs régions d’origine, soient restées silencieuses face à la situation de la catastrophe de l’épidémie du choléra qui sévit actuellement. Tout comme d’ailleurs les élites du Grand nord proches du pouvoir en place qui ont revendiqué de manière fortement tonitruante, il y a quelques années, l’exclusivité d’accès à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Maroua. Toutes ces personnalités, suffisamment identifiables, sont restées silencieuses alors que le choléra depuis sème la mort de Maroua à Ngaoundéré en passant par Garoua. Aucune action individuelle ou collective, comme à l’avait vu par exemple lorsqu’il fallait faire fléchir le gouvernement et le chef l’Etat afin de faire entrer en priorité les fils du Septentrion (quelque soit le niveau) à l’ENS de Maroua, ou encore lorsqu’il fallait maîtriser le « rebelle » Limane Amate qui annonçait son intention de mettre fin au régime Biya.

Au final, faut-il alors comprendre comme l’on s’en doutait déjà, que pour certaines élites de premier plan du Grand nord, il n’y a d’actions que lorsque des prébendes sont à quérir à travers des situations politiques liées aux positionnements politiques égoïstes ?

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