Sangaris sur le départ, la Séléka dans les starting blocks

Rompu aux us et coutumes des chefs de guerre, François Hollande a vigoureusement félicité ses troupes à Bangui, vendredi 13 mai, en annonçant le retrait de la force française Sangaris de Centrafrique. Saluant le « succès » de cette opération qui devait être « éclair » et qui dura finalement plus de deux ans, le président français n'a pas manqué d'applaudir la réussite de l'élection présidentielle de mars dernier. Celle-ci n'a t-elle pas porté, dans le calme, Faustin-Archange Touadéra à la tête de l'Etat alors que celui-ci n'était même pas étiqueté « candidat de la France » ? Une belle leçon de démocratie que le président français a appelé de ses voeux à « servir de référence en Afrique ».

De quoi presque faire oublier les ratages qui assombrissent considérablement le tableau. Des accusations de favoritisme des militaires français à l'égard des milices chrétiennes anti balaka contre la Séléka, alliance de mouvements rebelles à majorité musulmane, à l'affaire des viols d'enfants par des éléments des forces internationales, Sangaris fut loin d'un long fleuve tranquille.

Recomposition

Aujourd'hui, son succès déclaré n'a rien d'une évidence non plus. Malgré l'apaisement des violences entre Séléka et anti-balaka qui ont ensanglanté le pays pendant plusieurs mois, la Centrafrique reste le théâtre d'une multitude de conflits entre bandes rivales qui se disputent l'accès aux ressources sur le territoire.

Scénario catastrophe, le départ de l'armée française pourrait désormais permettre à la Séléka de renaitre de ses cendres. Selon une source centrafricaine bien informée, plusieurs indices laissent craindre une recomposition de cette organisation démantelée en partie sous la pression des militaires français.

Le 26 mai, les chefs d'état-major des quatre factions issues de l'éclatement de la Séléka ont en effet déclaré leur intention de s'unir à nouveau. Selon la même source, le nouveau gouvernement mis en place par le premier ministre, Simplice-Mathieu Sarandji, et la haute administration qui font la part belle aux anciens caciques de l'ex président François Bozizé, excluent en revanche largement les représentants des anciens rebelles et les tribus de l'Est sommés de déposer les armes avant tout dialogue. « La négociation conduite par le gouvernement est très peu diplomatique, susceptible d'attiser les tensions » relève la même source. « Or, le départ des militaires français enlève une épine du pied des ex Séléka qui pourraient être tentés de revenir à la charge ».

Le double jeu tchadien

Par ailleurs, le récent séjour du célèbre chef rebelle centrafricain Noureddine Adam dans la capitale du Tchad N'Djamena, malgré l'interdiction de voyager qui lui a été imposée sur décision du Conseil de sécurité de l'ONU, inquiète. Véritable pompier pyromane en Centrafrique, le président Idriss Déby qui a fait et défait les présidents centrafricains depuis plusieurs décennies est depuis longtemps soupçonné de collusion avec la Séléka. La présence de mercenaires tchadiens dans les rangs de l'organisation avait provoqué, en 2014, la colère des populations centrafricaines qui avaient réclamé leur départ. Des membres du contingent tchadien de la force africaine, la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine) déployée au début de la crise, avaient par ailleurs été accusés de soutenir, en sous main, la Séléka.

A travers Noureddine Adam, Déby chercherait-il à réactiver ses leviers d'action sur l'échiquier politique centrafricain afin de peser sur de nouvelles autorités qu'il n'apprécie guère ? En facilitant la venue de sociétés pétrolière chinoises en Centrafrique lorsqu'il était premier ministre de François Bozizé, Touadéra s'était en effet attiré les foudres du grand voisin tchadien peu partageur en la matière. Déby s'en souvient bien. Un accueil glacial a été réservé à Touadéra lors de sa première visite en tant que nouveau chef de l'Etat centrafricain à N'Djamena.

Dans le contexte actuel de misère profonde qui mine la société centrafricaine alors que les armes circulent encore facilement sur le territoire, la recomposition de la Séléka pourrait rouvrir les plaies du pays encore à vif. Cette fois sans le pansement Sangaris.

 

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