A la faveur des concertations organisées par le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) depuis le 24 août 2010, l’on a vu défiler dans le bureau de René Sadi, les anciens Premiers ministres Simon Achidi Achu, Peter Mafani Musonguè, Inoni Ephraïm, le président de l’Assemblée nationale Cavaye Yeguié Djibril par ailleurs deuxième personnalité du pays. Même Laurent Esso, secrétaire général de la présidence de la République, bien qu’il ne fasse partie ni du bureau politique ni même du comité central du Rdpc a été reçu en audience. «C’était un adoubement, un acte d’allégeance collectif et solennel » note un observateur de la scène politique qui se dit surpris d’une telle confiance accordée par le président Paul Biya à celui que certains n’hésitent plus à présenter comme son dauphin.En effet, il y a lieu d’être surpris car, au regard des textes de base du Rdpc, René Sadi n’était pas habilité à présider des rencontres avec le comité central et le bureau politique du parti.
Selon le deuxième alinéa de l’article 61 de ces textes, « en cas de force majeure ou d’empêchement du président national et à la demande des 2/3 de ses membres, le comité central se réunit sur convocation et sous la présidence de l’un de ses vice-présidents suivant l’ordre du jour fixé par le bureau politique ». Même en ce qui concerne les rencontres avec le bureau politique, l’article 67 de textes du parti indique que qu’il « se réunit aussi souvent que nécessaire sur convocation et sous la présidence du président national ».
Couronnement
Cette extraordinaire montée en puissance de René Sadi a d’ailleurs quelque peu choqué dans l’opinion. L’image du ministre chargé de missions recevant des ministres d’Etat et même Cavaye Yeguié Djibril, la deuxième personnalité du pays a alimenté les débats. «Il faut savoir qu’en sa qualité de secrétaire général du Rdpc, René Sadi a rang et prérogatives de ministre d’Etat » tente de justifier l’un des fidèles du dernier carré de René Sadi. « Il a reçu mandat du président national du parti pour effectuer ces consultations donc, c’est comme si c’est le président national qui recevait en consultation toutes ces personnalités. Cela n’a rien de choquant. En plus, il ne faut pas confondre le parti avec l’administration » tente de justifier un cadre du parti ayant requis l’anonymat. Malgré cette distinction que l’on veut opérer au Rdpc entre la parti et l’Etat, l’on a bien vu que l’audience de René Sadi à Cavaye Yeguié Djibril, initialement prévue le 11 octobre 2010 a finalement eu lieu le 14 octobre c’est-à-dire le dernier jour. Et le président de l’Assemblée nationale a été reçu en dernière position. Un indice protocolaire qui démontre bien le malaise qu’il y avait de séparer les
casquettes politiques des fonctions administratives et institutionnelles.
En tout cas, après avoir reçu en consultation toutes ces personnalités en lieu et place du président national du parti Paul Biya, René Sadi assume plus que jamais une posture politique qui le place au-dessus des autres dauphins supposés dont les noms sont souvent cités dans la presse. Au moment où une certaine opinion, des Ongs et puissances étrangères s’inquiètent des risques de déstabilisation liés à sa succession, Paul Biya a-t-il voulu envoyer un signal ? Même s’il n’y a aucun doute qu’il sera candidat à la prochaine élection présidentielle, le chef de l’Etat sait qu’il n’a plus l’énergie de 1982. Il doit désormais penser à sa relève. Et, comme certaines crises de leadership internes au Rdpc sont latentes, il a sans doute voulu trancher. Avec la subtilité et le tact politiques que l’on lui connaît.