Cameroun : 4,8% de croissance en 2016, le FMI appelle à la vigilance sur la soutenabilité de la dette

YAOUNDE, (Xinhua) — L’économie camerounaise enregistre un léger repli avec une croissance de 4,8% en 2016 après une performance proche de 6% en 2015, estime le Fonds monétaire international (FMI), qui appelle les autorités à la vigilance pour la soutenabilité de la dette publique, face à l’accroissement des financements extérieurs et des emprunts sur les marchés financiers.

Dans l’édition 2016 de son Rapport sur les perspectives économiques régionales en Afrique subsaharienne présenté mardi à Yaoundé, la capitale du Cameroun, l’institution financière basée à Washington (Etats-Unis) s’inquiète de la décélération vertigineuse de la croissance du continent à un taux de 1,4%.

C’est “le niveau le plus bas depuis plus de 20 ans”, a déploré Céline Allard, chef de la division des études régionales du département Afrique en mission au Cameroun pour la circonstance avec une délégation d’autres économistes du Fonds parmi lesquels Mario de Zamaroczy, chargé du suivi des performances de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), à laquelle le Cameroun appartient.

Le FMI explique cette contreperformance principalement par la chute persistante des prix des matières premières et le manque de réformes structurelles et économiques nécessaires pour atténuer les effets de cette conjoncture difficile, en particulier pour les pays producteurs de pétrole, qui pâtissent lourdement de cours bas du baril depuis 2014.

Le début de la décennie avait pourtant été marqué par des taux appréciables d’environ 5% de moyenne annuelle, l’un des plus robustes du monde à l’époque.

“Nous prévoyons une situation où les prix des matières premières ne vont pas remonter au niveau qu’ils ont connu encore au début de la décennie 2010. C’est pour cela que nous appelons les pays d’Afrique subsaharienne les plus touchés à réagir de manière très urgente”, a fait savoir dans un entretien avec Xinhua Mme Allard.

Selon l’économiste française toutefois, “le Cameroun s’en sort encore relativement bien, à un taux de croissance de 4,8% prévu pour cette année. Donc, il est relativement moins touché que les voisins de la région ou autre pays producteur de pétrole. Ceci dit, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas agir et agir de manière urgente, car le Cameroun aussi a un rôle moteur pour la région de la CEMAC”.

Le défi, a-t-elle expliqué, est de “préserver la stabilité macroéconomique d’un côté, une inflation faible, des déficits faibles, une dette qui n’augmente pas trop et aussi faire en sorte que les investissements publics très importants qui sont faits en termes d’infrastructures débouchent sur un dynamisme du secteur privé et permettent que la croissance persévère et soit durable et inclusive”.

Au cours des dernières années, le gouvernement camerounais s’est lancé dans la construction d’importantes infrastructures pour accélérer le développement économique et renforcer la compétitivité de l’économie nationale, aujourd’hui appelée à compétir avec les économies européennes plus performantes.

C’est la conséquence de l’ouverture progressive du marché camerounais entamé en août, en application des clauses de suppression des barrières douanières établies dans le cadre de l’Accord de partenariat économique (APE), un accord de libre-échange conclu par le Cameroun avec l’Union européenne (UE) en 2009 mais décrié par l’opinion publique camerounaise.

Pour financer ses projets d’infrastructures, en plus de lourds financements contractés auprès des partenaires bilatéraux et multilatéraux après avoir bénéficié d’un allègement de la dette dû à l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) de la Banque mondiale en 2006, les autorités multiplient depuis 2010 des emprunts sur les marchés financiers.

La situation n’échappe pas à l’attention du FMI, qui reconnaît en même temps au pouvoir de Yaoundé l’impératif de mobiliser des ressources pour impulser le progrès et améliorer les conditions de vie des populations.

“Ce qui est très important à garder en tête pour les autorités, ça va être la soutenabilité de la dette à long terme. Le pays s’est engagé dans des investissements très importants, qui sont importants pour la croissance future. Mais maintenant ce qu’il faut bien garder en tête, c’est que la dette n’augmente pas trop fortement”, conseille cependant Céline Allard.

Pour les projets à venir, il s’agit, insiste-t-elle, de “faire en sorte qu’on ait bien analysé le rendement qu’ils vont avoir en termes de croissance future et aussi en termes de financements, s’orienter le plus possible vers des financements qui soient concessionnels pour ne pas alourdir le poids de la dette”.

Ces recommandations se fondent sur l’environnement mondial marqué par un durcissement des conditions de financement. A cause de cette situation, les taux d’obligations en Afrique subsaharienne dépassent aujourd’hui les 8%, estime le FMI.

Au sein de la CEMAC (composée en outre du Congo-Brazzaville, du Gabon, de la Guinée équatoriale, de la République centrafricaine et du Tchad), le Cameroun passe certes pour “une exception” concernant les contrecoups de la chute des matières premières, grâce à sa diversification économique avec pour base le développement agricole derrière la production pétrolière.

Le cacao, le café, la banane, le coton, le caoutchouc ou encore le bois sont notamment autant de produits qui fournissent des ressources en devises à l’Etat camerounais en dehors du pétrole.

Mais, l’incidence de la dégradation du climat sécuritaire due aux attaques de la secte terroriste nigériane Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord et les tensions également engendrées par des groupes armés centrafricains à l’Est pèse lourdement sur le budget public.

Si les autorités camerounaises s’accordent sur les défis à relever, elles se montrent en revanche optimistes pour l’atteinte de leurs objectifs de croissance. Elles maintiennent leur projection de 6%, sur la même tendance que l’année dernière.

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