Côte d’Ivoire: La Table-ronde de la dernière chance

Notre dernière position sur la situation en Côte d’Ivoire commençait par  après le Rwanda  mais peut-être que nous aurions dû remonter jusqu’à Haïti, la première république Noire. La longue histoire du déni de notre humanité est si catastrophique que souvent, nous devons parer au plus urgent : l’oppression au quotidien. Nous racontons alors leur histoire. Cela prend un grand respire pour se souvenir qu’il y a 50 ans s’est tenue quelque part en Afrique sous colonisation, une fameuse table ronde qui a vu hélas, la victoire de leur domination sur notre libération. L’Afrique fut confiée aux réformistes de Monrovia contre les révolutionnaires du groupe de Casablanca : Pas démocrates les Africains ?

50 ans de l’empire du chaos

C’est un Africain, Samir Amin qui a trouvé le mot juste : l’empire du chaos. Cela ne se raconte pas. Il faut l’avoir vécu, vivre en Afrique ces cinquante dernières années pour comprendre ce que c’est que la guerre, pas celle de cent ans (pourtant cela leur a pris cent ans pour anéantir Haiti…) ni celle des tranchées : il n’ y avait aucun abri possible dans nos pays ces cinq dernières décennies : nous étions tenus à la transparence par des systèmes de renseignements qui ont rendu fou un Sékou Touré,(juste parce qu’il a osé dire ” Non “), abattu des baobabs comme Um Nyobé, en pleine forêt camerounaise,  rasé des villages entiers (comme ceux autour du lac Nyos , si près de nous !), dissous dans de la soude Patrice Lumumba : les assassins des 9 de Bépanda n’ont rien inventé. Le Napalm avant la lettre… une guerre chimique, pire que l’apartheid qui priva tant de Steve Biko de leur jeunesse. Le fusil retourné au Burkina Faso contre un frère d’armes : Sankara ! Une guerre totale : l’horreur à l’état pur.

 Rien à voir ni avec un film (1) ni encore moins un livre(2). Pour l’instant, on se contente de quelques documentaires …diffusés sous cape pour les privilégiés –combien exactement ?- qui disposent d’un ordinateur ! Au Cameroun par exemple, il n’y a plus aucune salle de cinéma. Des livres, nous en avons écrits des tonnes, pour raconter notre vie dans des pays décrétés à  sous-développer : un milliard de personnes réduits en sous-hommes pendant un demi- siècle et  sous des régimes ” autoritaires “, notre humanité bloquée  au stade de tribus dans lesquelles les femmes et les enfants vivent au quotidien avec des monstres. Combien d’Africains ont lu ces livres ? Ils sont soigneusement cachés dans vos bibliothèques. Ceux de Mongo Beti ont même été interdits  sous la première république du Cameroun: il a dû se battre pour que l’un d’eux circule un peu en France…terre des Lumières !

Et à son enterrement, quand  la seconde république a voulu se fendre d’une médaille pour vieux nègre, Odile Tobner  l’a jeté aux orties : Ah Odile, si tu savais notre fierté pour ton geste ! C’est ce qui a fait défaut à l’ami Pius : une grande dame. Voilà pourquoi des féministes ont dit dès les années 80 que ” les femmes africaines n’ont pas de problèmes de  développement “(3). Vous ne pouvez pas recevoir un frère chez vous,  non seulement il  vous prend tout, mais alors Tout… pour qu’il vous déclare ensuite  que vous êtes ” pauvres et très endettés “. Pire, vous ne pourrez vous en sortir que par lui, à coups d’aide et de cargaisons d’humanitaire. Voilà pourquoi  une femme camerounaise  (faisant écho à Mzimela Sipo, un autre africain de chez  Winnie M.) a soutenu à 50 ans, une thèse (4) en sciences politiques pour démontrer scientifiquement que l’Occident nous a imposé des régimes totalitaires sur toute l’étendue du continent  africain, histoire de nous protéger des Chinois !

Voilà pourquoi pour commémorer nos 50 ans de résistance cette femme a convoqué la première session d’une assemblée des peuples camerounais (en mai 2010) pour  prendre comme principale résolution ” abolir les tribus “ non seulement au Cameroun(5) mais partout  en Afrique où elles furent créées comme arme de destruction massive de notre humanité !

Et Laurent vint…

C’était du temps du ” parrain “ comme ils disent. Rien ne se passait sur ce continent de 1960 à (1993) la mort d’ Houphouët- Bouagny  sans  que celui-ci en soit informé : une lourde responsabilité devant   l’histoire… Comme nous le racontait Samba Diarra en 1997: la fracture dans le destin de la nation ivoirienne date certainement pour une part des faux complots d’ Houphouët Boigny.(6) Laurent Gbagbo comme bien d’autres résistants de notre génération, était en cavale dans les années 80. Nous nous sommes rencontrés à cette période dans le cadre des débats du Centre culturel africain qu’organisait Abel Eyinga à Paris dans une sorte de semi-clandestinité. Il venait  y présenter son premier livre(7), accompagné de Simone…( ?) et envisageait de rentrer en Côte d’Ivoire, tenir tête au ” Vieux “ sur place pour une alternative démocratique : tout un programme. Il disait : ”  La Côte d’ Ivoire est un pays sous-développé. Il nous faut donc nous battre contre cette situation que nous ne considérons ni comme une malédiction, ni comme une fatalité…

” Or l’histoire nous enseigne qu’aucun peuple asservi ne peut faire efficacement face aux défis de l’humanité sans avoir au préalable brisé ses chaînes.  Le sous-développement dans la servitude accentue le sous-développement. Nous savons bien que la démocratie n’est pas un remède miracle qui va résoudre par enchantement tous nos problèmes. Mais elle constitue un préalable indispensable. Nous avons une agriculture à penser pour sortir des pièges que nous a légué l’ère colonial ; nous avons une politique énergétique à mettre en place et à mener avec constance afin de créer les conditions d’une industrialisation véritable ; nous avons à redéfinir le rôle de l’école et l’orientation de la médecine ; en somme nous avons à combattre  la faim, la maladie, l’ignorance, la rigueur du marché international et l’appétit vorace des impérialistes ; bref, nous avons un pays à bâtir : je suis le président, vient-il d’ajouter !

” Cette tâche n’est pas au-dessus de nos forces. L’exécution d’une œuvre aussi gigantesque que la construction nationale exige que chacun se sente concerné ; il faut pour cela que les Ivoiriens soient impliqués dans le débat politique national, qu’ils aient une prise sur les choix fondamentaux de leur pays ; qu’ils sachent qu’ils ne sont pas des robots à qui l’on demande seulement de produire sans savoir à quoi (ou à qui) cela sert de produire. Il faut responsabiliser nos citoyens depuis les paysans jusqu’aux plus hauts responsables de l’administration en passant par les ouvriers et les cadres du secteur privé. Une telle mobilisation implique que les Ivoiriens fassent consciemment et librement le choix d’une politique. A ce niveau, la liberté n’est plus simplement un concept moral ni une donnée politique ; la liberté est le levier le plus puissant du développement économique “.Voilà ce qu’écrit –en 1983* l’homme qui réussit l’exploit aujourd’hui de faire tomber tous les masques, et de mobiliser la fameuse communauté internationale contre la libération de l’Afrique, Laurent Gbagbo.

Mais où sont les femmes ?

Il est né d’une femme, en Côte d’Ivoire en 1945. Docteur en histoire, diplômé de la Sorbonne (on l’oublie quelque fois) chargé de recherches, il  fut directeur de l’institut d’histoire, d’art et d’archéologie africains, membre du conseil de l’université d’Abidjan. Emprisonné en 1969 (15 jours) et en 1971, 2 ans (janvier 1971-mars 1973). Il a été contraint de fuir son pays en 1982 lorsque le régime d’Houphouët-Boigny déclencha contre les enseignants le ” complot de février “. Il a vécu en exil à Paris pendant six ans. De retour au pays natal en 1988, il recommence alors le long combat pour une Côte d’Ivoire prospère et progressiste avec les forces alternatives de son pays  qu’il coordonne depuis les années 60 au sein du Front populaire ivoirien  avec le soutien militant de Simone, du nom d’une célèbre féministe…   J’ai adoré la coiffure de Simone à la prestation de serment de Laurent : une dure à cuire ! Nous sommes toutes avec vous. Et  en guise de bonne et victorieuse année, voici trois morceaux choisis sur les milliers de motions  de soutien que j’ai reçues depuis trois ans et en avant-première des cinq cents à publier bientôt,  dont une, après ma première chronique(8) sur la situation en Côte d’ Ivoire :

1-

Chère Marie-Louise,

Je te présente tous mes vœux pour 2011. Je sais que ton vœu le plus cher serait qu’une véritable démocratie s’instaure dans ton pays. Je le souhaite pour le peuple camerounais… Que penses-tu de la côte d’Ivoire?
Ton restau a-t-il pu ré ouvrir?

Je t’embrasse.

M-D
 
2-

La même amie qui me veut tant de bien m’écrit ce qui suit, après avoir lu ma position sur ce qu’ils appellent pudiquement la ” crise ivoirienne “ et qui n’est qu’une guerre ouverte contre tous les révolutionnaires africains :

” J’ai lu ta diatribe, je trouve, sauf ton respect, que c’est un sacré salmigondis. Tu mélanges toutes les valeurs. Il faudrait admettre que la colonisation occidentale relève d’une autre époque. Tous les peuples quand ils l’ont pu ont colonisé d’autres peuples. La France s’est offert cinq siècles de colonisation romaine. L’Espagne sept siècles de colonisation arabe. L’Afrique du nord est le fruit de multiples colonisateurs: phéniciens, romains, juifs, arabes, vandales turcs puis français.

C’est parce que la mare nostrum était un nid à pirates turcs qui emmenaient en esclavage les Européens que la conquête de l’Algérie s’est faite. Ne parlons pas de l’Amérique du sud ou du nord etc. les plus grands esclavagistes sont les Arabes qui traitent encore les Africains d’une façon ignoble. Les cars d’Africains expédiés femmes et enfants mourir dans le désert par Khadafi, c’est maintenant. Je ne te parle pas de la façon dont les Arabes du golfe persique traite leurs émigrés. Une parfaite horreur. Quant aux Islamistes ce sont des fanatiques plus que dangereux. Des fous de Dieu qui crient que des vierges les attendent au paradis et se font sauter avec des explosifs. Leur racisme est immense, leur misogynie encore plus. Les femmes sont de la merde pour ces gens-là: les esclaves de leur seigneur et maître répudiable à merci! Si la vie en France était aussi abominable que ça, pourquoi fuient-ils leur pays pour y vivre? Certains des jeunes de banlieues élevés, les garçons, comme des princes, tournent mal. Ils vomissent la France , mais ne pourraient pas vivre dans leur pays.

Ton discours est un discours de haine, tu rejettes l’Occident et ses valeurs. Même mal appliquées, elles ont le mérite d’exister. Cela dit, le fric mène le monde et le communisme auquel j’ai cru n’a rien résolu. Où vivre ? Pas dans un pays totalitaire en tout cas!!! Ton discours victimaire est dangereux. Tu fabriques de la haine et la haine est mauvaise conseillère. Comme le fanatisme, elle résout tout dans le sang et tout le monde y laisse quelque chose. J’ai toujours été contre la colonisation comme mes parents, antiraciste, contre le libéralisme sauvage, mais Ben Laden m’a fait comprendre que j’avais de la chance de vivre en Occident un pays où des valeurs universelles sont des valeurs légales. Si liberté, égalité, fraternité ne sont pas toujours respectées, cette triade républicaine existe et dans les cercles que je fréquente on en défend les valeurs.
 

Gbagbo n’a pas à être sermonné par ce petit crétin de S… J’ai eu honte en l’entendant. Cependant au vu de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, je pense que l’Afrique n’est pas prête pour une   démocratie qui donnerait au peuple des chefs d’Etat qui ne soient pas corrompus, il y aura beaucoup de sang qui coulera avant. De plus il faudrait que les Africains cessent leurs discours victimaires, cessent de tout mettre sur le dos des autres, de l’Occident et de la France. Les Chinois et les USA poussent derrière tout ça et j’ai grand peur pour l’Afrique!!!

Je pense que je parle dans le vide; J’ai de l’admiration pour toi. Tu crois à ce que tu fais et dis, mais tu es probablement dans un cocon qui ne te fait pas voir certaines réalités. Trop de propagande derrière tes propos. J’aurais préféré une analyse de la situation de la Côte  d’Ivoire, qui, vue de la France , n’est pas claire. Tu parles comme un tract électoral. Dommage!
 Amicalement. “(9)

3-

Chère Marie-Louise,

J’avais juste envie de te dire combien j’avais été heureuse de faire ta connaissance ainsi que celle de ton cher mari, René. Merci de m’avoir, par l’intermédiaire de Corinne, donné ton livre avec ta dédicace, livre fort intéressant que Pierre a commencé à lire avant que je ne le fasse moi-même. Il est très intéressé par les actions que tu as menées. Je suis allée ” te chercher ” sur Internet et j’ai lu. C’est que tu n’as pas ta langue dans la poche ! Il est vrai que si tu avais espéré pour entreprendre (cf. ce que disait Guillaume d’Orange) tu te serais arrêté depuis longtemps et ton restaurant n’aurait pas été fermé. Dommage que tu ne sois pas un homme, tu aurais fait avancer les choses et c’est toi qui serais la présidente du Cameroun. (10)

Je suis une femme, heureusement pour l’Afrique. Car c’est nous qui avons la solution pour sortir de l’impasse actuelle et libérer nos peuples.  Je veux faire avancer les choses et le président de la Côte d’ Ivoire l’a bien compris à sa dédicace (11) que voici :

Pour Marie-Louise Etéki, en espérant que ce petit travail pourra servir à notre lutte commune contre les totalitarismes africains.  Et c’est signé : Laurent Gbagbo, le 22 /7/89 (il y a 20 ans… à Paris et juste après la célébration du bicentenaire de la Révolution française par François Mitterrand!)

——————-

Notes

1- Film sur la Françafrique  :50 ans sous le sceau du secret http://www.youtube.com/watch?v=oxeY05yBt1U&feature=related

2- Livre : Kameroun- Une guerre cachée aux origines de la Franc-Afrique 1948-1971, éd. La Découverte , Paris

3- Etéki-Otabela Marie-Louise : Les femmes africaines n’ont pas de problèmes de développement, Icref-Canada 1992

4- Etéki-Otabela Marie-Louise : Le Totalitarisme des Etats africains, le cas du Cameroun, L’ Harmattan-Paris 2001

5- L’Assemblée des Peuples camerounais sur Dailymotion : (http://www.dailymotion/video/xcokjc_cameroun-l-assemblée-des-peuples-ca_news)

6- Samba Diarra : Les faux complots d’ Houphouët-Boigny, fracture dans le destin d’une nation, Karthala, Paris 1997

7- Laurent Gbagbo : Côte d’ Ivoire ” Pour une alternative démocratique “, L’ Harmattan Paris 1983

8- Marie-Louise Etéki-Otabela : Après le Rwanda, la Côte d’Ivoire…qui sera le prochain ? In Le Messager et in Mutations du 15 déc.2010

9-    M.D (de France, le 03/01/2011 )

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