Consternation au Cameroun: le journaliste Ahmed Abba écope de 10 ans de prison

Une très lourde peine quand on sait que pendant tout le procès, l'accusation n'a pas pu apporter la moindre preuve de ce qu'elle lui reprochait (non-dénonciation d'actes de terrorisme, d'apologie et de blanchiment).
10 années, ou plutôt huit –puisque sa détention provisoire jalonnée de tortures a duré environ 20 mois-, c'est le temps que notre confrère devra passer derrière les barreaux après le verdict rendu le 24 avril par la justice militaire après un procès émouvant. Après, il devra également verser à l'Etat une somme de 55 millions de francs CFA à titre d’amende. Il pourrait aussi purger 5 bonnes années supplémentaires de contrainte par corps s’il ne parvenait pas à payer cette amende. En tout cas, à moins que la Cour d'Appel que ses conseils ont décidé de saisir dès ce mardi matin, n'en décide autrement.
Le journaliste qui est en réalité coupable d'avoir enquêté sur l'organisation terroriste Boko Haram, n'avait pas jusqu'ici fait que clamer son innocence, mais avait également fait traduire par son employeur (Radio France Internationale) les textes de ses reportages en langue haoussa, et le moins qu'on puisse dire est qu'aucun de ses rendus n'a permis de le prendre en défaut de sympathie pour les fous barbus qui sèment la terreur du Nigeria au Niger, en passant par le Cameroun, le Tchad… ! N'empêche que la justice camerounaise qui n'avait pas encore condamné un citoyen depuis l'introduction dans le code pénal de la très controversée loi réprimant le terrorisme, aurait décidé de faire de lui un cas exemplaire. Du coup, la “clémence” du Tribunal, si on peut ainsi considérer la chose, parait d'autant plus dérisoire que les chefs de non dénonciation d'actes terroristes et blanchiment des produits de terrorisme, ne reposaient sur rien d'autre que le fait que le journaliste n'ait pas joué les indicateurs de police, mais se soit évertué à donner une information équilibrée mettant parfois en cause les excès de l'armée sur les populations civiles. Des excès certes compréhensibles au regard du caractère asymétrique de la guerre menée contre le Cameroun par les terroristes qui rend difficile l'identification exacte de ces derniers, mais qui ne sont nullement justifiables, pas plus que les difficultés du front n'exempte les soldats au front de se plier devant l'impératif catégorique du respect des droits de l'homme, ou des critiques des journalistes dont ils entravent très souvent l'exercice de la profession, sans autre raison que celle de faire l'important.
Il a été reproché au journaliste d'avoir parfois annoncé des actions d'éclat de Boko Haram avant même qu'elles aient eu lieu, preuve qu'il était de connivence avec les terroristes, ou qu'il participait à leur stratégie de communication. Mais jamais la preuve de cela n'a été apportée. Nul ne doute que si cela avait d'ailleurs été le cas, RFI n'aurait jamais attendu que le gouvernement camerounais s'en aperçoive pour se séparer d'un collaborateur aussi énigmatique.
On en arrive tout simplement à la déduction que désormais, les journalistes qui couvrent les actions au front devront aller prendre leurs informations auprès du ministère de la défense, et les relayer sans y changer le moindre iota, ou alors se constituer en indicateurs volontaires de police. Et pourtant, c'est l'information vraie, équilibrée, qui permet au monde de connaître les défis auxquels le Cameroun et son armée font face, et les décide à nous venir en aide en nous apportant l'aide nécessaire pour enrayer le terrorisme sans avoir besoin de décimer nos propres populations au passage ou d'emprisonner tout le monde, ce type de guerre faisant du reste passer tout le monde pour suspect, y compris au sein de l'armée-même. Ce n'est pas seulement au cinéma qu'on voit des militaires ou des policiers trucider des personnes qui sont au courant des manœuvres de l'ennemi ou des gangs avec le(s)quel(s) ils ont secrètement pactisé. Le gouvernement camerounais et son bras séculier, la justice, devraient en tenir compte avant de réprimer à tout va les journalistes coupables “d'apologie du terrorisme”, de “non dénonciation d'actes terroristes” et de “blanchiment des produits de terrorisme”

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