Afrique du Sud: l’avenir judiciaire de Zuma s’obscurcit, la carrière de Dlamini aussi!

Les avocats de Jacob Zuma et le parquet sud-africain ont renoncé jeudi à réclamer l’abandon de poursuites pour corruption engagées contre le président, nouveau coup de théâtre dans une affaire qui tient le pays en haleine depuis une dizaine d’années.

A la surprise générale, les représentants de ces deux parties ont convenu à la barre de la Cour suprême d’appel de Bloemfontein (centre) que la décision judiciaire antérieure d’abandonner les charges qui pèsent sur le chef de l’Etat était “irrationnelle”.

Le parquet et M. Zuma faisaient appel devant cette instance de la décision d’un tribunal de Pretoria qui, en 2016, avait ordonné le rétablissement de 783 chefs d’inculpation pour corruption, fraude fiscale et extorsion de fonds contre M. Zuma.

La Cour suprême d’appel a mis jeudi sa décision en délibéré à une date qui n’a pas été précisée.

Une éventuelle décision ordonnant de rétablir les poursuites contre l’actuel chef de l’Etat ouvrirait la possibilité d’un procès.

M. Zuma est accusé, alors qu’il était vice-président, d’avoir touché des pots-de-vin pour un contrat d’armement d’un montant de 4,2 milliards d’euros signé en 1999 par l’Afrique du Sud avec plusieurs firmes européennes, dont la française Thales.

Il avait alors été formellement inculpé, mais ces poursuites avaient été abandonnées en 2009 au motif qu’elles avaient été, selon le parquet général, motivées politiquement.

M. Zuma était alors engagé dans une furieuse bataille politique avec le président de l’époque, Thabo Mbeki.

Limogé de son poste de vice-président en 2005 à cause de son inculpation, M. Zuma avait ensuite pris sa revanche en prenant la direction du Congrès national africain (ANC, au pouvoir) en 2007 puis en écartant M. Mbeki de la tête du pays un an plus tard.

Depuis, le principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), essaie par tous les moyens de faire rétablir les charges qui pèsent sur M. Zuma.

La DA a enfin obtenu satisfaction en 2016, lorsqu’un tribunal de Pretoria a ordonné leur rétablissement.

Face à une Cour de Bloemfontein très sceptique, le parquet général et les défenseurs de M. Zuma ont rapidement renoncé jeudi à faire accepter leurs arguments sur les motivations “politiques” de l’inculpation de l’actuel chef de l’Etat.

– ‘Décision irrationnelle’ –

A un juge qui lui demandait s’il défendait l’abandon des poursuites, l’avocat du président Zuma, Kemp J. Kemp a répondu de guerre lasse: “non, je ne le défends pas”.

“En d’autres termes, ils (les procureurs qui ont prononcé un non-lieu) ont pris une décision irrationnelle ?”, a alors insisté le juge Azhar Cachalia, reprenant mot pour mot l’argumentation du tribunal de Pretoria l’an dernier.

“Je pense que oui”, a lâché M. Kemp.

Cette volte-face a ravi l’opposition. “Cela ouvre inévitablement la porte à un procès contre le président”, s’est réjoui à l’issue de l’audience un député de la DA, James Selfe.

“Nous sommes évidemment très contents de la tournure que cette affaire est en train de prendre, mais en même temps franchement agacés qu’il ait fallu huit ans et demi de batailles juridiques dans plusieurs tribunaux de ce pays pour en arriver là”, a ajouté le député devant la presse, “ce n’était absolument pas nécessaire”.

L’opposition a multiplié ces derniers mois, en vain, les motions de défiance devant le Parlement et les plaintes en justice pour précipiter la chute du président, dont le deuxième et dernier mandat doit s’achever en 2019.

M. Zuma est mis en cause dans une série de scandales politico-financiers qui provoquent des tensions au sein-même de l’ANC au pouvoir, qui doit choisir son futur dirigeant en décembre.

Si la Cour suprême d’appel rend une décision défavorable à M. Zuma avant la conférence élective de l’ANC, elle pourrait peser sur la course à la succession, estiment les analystes.

Inventaire des affaires Zuma


Le président sud-africain Jacob Zuma, dont la justice examine jeudi l’implication dans un vieux scandale de pots-de-vin, a été mis en cause tout au long de sa carrière politique dans de nombreux scandales qui ont terni sa réputation.

Voici les autres affaires dans lesquelles son nom est cité:

Viol et douche anti-sida

Alors qu’il n’est pas encore président, Zuma est accusé de viol par une jeune femme séropositive. Il est blanchi par la justice en 2006, mais scandalise le pays en affirmant pendant son procès qu’il a juste “pris une douche” pour éviter toute contamination. Il est à l’époque à la tête du Conseil national contre le sida.

Cette histoire a fait le bonheur de Zapiro, le plus célèbre dessinateur de presse sud-africain, qui croque depuis le président surmonté d’un… pommeau de douche.

La visite de “l’ami” El-Béchir

Le président soudanais Omar el-Béchir, recherché par la justice internationale pour génocide et crimes de guerre au Darfour (ouest du Soudan), participe en 2015 à un sommet de l’Union africaine (UA) à Johannesburg.

La justice sud-africaine lui interdit de quitter le pays, mais le gouvernement le laisse repartir en arguant de son “immunité présidentielle”. L’opposition accuse Zuma de “protéger un criminel de guerre” et dépose une motion de censure. Sans effet.

La Cour pénale internationale (CPI) a jugé cette année que Pretoria avait manqué à ses obligations. Le gouvernement a en retour confirmé son intention de la quitter.

Le poulailler “de sécurité”

La presse révèle que la résidence privée de Jacob Zuma à Nkandla (est), dans la campagne du pays zoulou, a été remise à neuf aux frais du contribuable pour 20 millions d’euros.

Parmi les travaux figurent une piscine, un enclos pour le bétail et un poulailler. Face aux critiques, le ministre de la Police assure sans se démonter qu’il s’agit de travaux “de sécurité”. Dans un rapport au vitriol, la médiatrice de la République dénonce un “détournement de fonds” et exige un remboursement.

Le chef de l’Etat fait la sourde oreille mais l’opposition saisit la Cour constitutionnelle, qui dénonce un “viol” de la loi fondamentale. M. Zuma est contraint de reverser à l’Etat l’équivalent de 480.000 euros.

La sulfureuse famille Gupta

Ses détracteurs accusent Jacob Zuma d’être depuis le début de ses mandats présidentiels sous l’influence d’une très riche famille d’hommes d’affaires d’origine indienne, les Gupta.

Symbole de cette emprise, l’avion privé de la fratrie est autorisé en 2013 à atterrir sur une base militaire sud-africaine et ses passagers, invités à un mariage familial, dispensés de contrôle et même escortés par la police jusqu’au lieu de la noce. L’affaire fait scandale.

Fin 2016, un rapport de la même médiatrice de la République détaille par le menu l’implication des Gupta dans la gestion des affaires de l’Etat, des pressions pour obtenir des contrats publics jusqu’à la nomination de ministres.

Sommé de s’expliquer, le président reconnaît volontiers ses liens d’amitié avec la famille mais dément leur accorder le moindre passe-droit. Et il refuse toujours de mettre en place la commission d’enquête exigée par l’opposition.

M. Zuma soutient son ex-épouse Nkosazana Dlamini-Zuma avec l’objectif, disent ses détracteurs, qu’elle lui assure ainsi une protection judiciaire.

 
La carrière politique (présidentielle) de Nkosazana Dlamini Zuma (à gauche) pourrait pâtir des “affaires” dans lesquelles s’est englué son présidentiel ex-conjoint dont elle porte d’ailleurs le  patronyme

“Je ne pense pas” qu’une décision de justice défavorable “soit bienvenue pour le président ou ses partisans au sein de l’ANC”, en amont de la conférence du parti, a commenté M. Selfe.

Le parquet et le président peuvent encore faire appel de la décision de la Cour de Bloemfontein devant la Cour constitutionnelle.

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