Cameroun : La crise anglophone dégénère, des actes terroristes signalés à Bamenda

 
Carrefour “Hospital round about”. C’est ici que s’est produite la deuxième explosion

La partie anglophone du Cameroun en conflit avec le pouvoir central de Yaoundé devient-elle peu à peu le nouveau  théâtre des actes terroristes qui se limitaient jusqu'ici aux régions septentrionales du pays attaquées par la secte transnationale Boko Haram ?  On est tenté de le craindre après l'explosion, samedi,  de deux bombes artisanales dans la ville de Bamenda, épicentre de la crise anglophone.

Les deux explosifs, fabriqués localement, ont été déclenchés à quelques minutes d'intervalle, dans un taxi se dirigeant vers le marché de vivres de la ville –pour le premier-, et dans un carrefour populeux -tout près d’un établissement hospitalier- pour le second, mais n'ont pas fait de victimes. Trois autres ont été découverts et désamorcés par des éléments du Bataillon d'Intervention Rapide (BIR), soit un au carrefour sus-évoqué, et deux autres au Palais des Congrès de Bamenda, qui devait abriter une messe le lendemain dimanche.

Il est à noter que les auteurs de ces actes n'ont pas été appréhendés. Du moins jusqu'au moment où nous mettions en ligne.

Depuis, l'inquiétude va grandissante, d'autant plus qu'une semaine auparavant des sécessionnistes anglophones faisant partie d'un groupe prétendument armé, avaient fait circuler  des tracts demandant formellement aux députés et sénateurs ressortissants des deux régions anglophones du pays de quitter Yaoundé au plus tard le 23 septembre, en prévision d'un mouvement qu'ils allaient déclencher à partir de cette date-là. Ce à quoi il faut ajouter l'arrestation il y a un mois d'une demi-dizaine  de personnes détentrices « d'armes de guerre et  de matériels de fabrication d'explosifs ». Les forces de sécurité et de défense  qui avaient évoqué des tentatives d’attentats terroristes au Cameroun avaient fait savoir que les hors-la-loi interpellés avaient avoué mener ces activités en vue de libérer la région anglophone.

Au Cameroun, après l'explosion des bombes artisanales à et la découverte d'autres, on se pose aujourd'hui la question de savoir si les séparatistes sont déjà en train de passer à l'acte, ou s'ils sont en train de tester la capacité des forces gouvernementales à prévenir, déjouer et réprimer des actes de guerre qui vont au-delà des simples manifestations de protestation.

 
Le marché des vivres de Bamenda où se dirigeait le taxi dans lequel s’est produit la première explosion, a été ravagé en mars dernier par un terrible incendie que les populations avaient attribué à “des agents du gouvernement”


Un “jeu” dangereux
Cependant, à Bamenda même, après l'annonce par la radio britannique BBC de ces explosions,  des personnes que Cameroonvoice a pu contacter lundi pensent qu'il ne s'agit que d'une manipulation orchestrée par des personnalités anglophones proches du régime (CQFD), pour faire craindre l'éventualité d'un périlleux embrasement, et ramener ainsi tout le monde à de bons sentiments, dans la mesure où, malgré toutes les décisions prises par le président Biya pour « apaiser » la situation, il n'y a pas toujours de véritable retour à la normale.

Une situation d'enlisement qu'illustre le fait que les activités scolaires ne sont pas toujours effectives ici, deux semaines après la rentrée scolaire, et que la rentrée universitaire 2017/2018 n’aura pas lieu dans ces régions en octobre, mais en novembre, malgré la libération il y a bientôt un mois de quelques dizaines d'anglophones qui étaient détenus depuis janvier.

En fait, les Anglophones continuent de réclamer la libération des dizaines d'autres -dont le désormais très populaire Mancho Bibixy- maintenus en prison, qui attendent d'en savoir un peu plus sur leur sort à l'occasion d'une audience du Tribunal militaire prévue pour le 27 septembre, mais qui, si l'on en croit le ministre camerounais de la Communication, Issa Tchiroma, ne pourront pas bénéficier de la mesure de « clémence » présidentielle prise le 30 août dernier.

Le membre du gouvernement camerounais cité par l'AFP, avait déclaré le 31 août, que « Tous ceux qui n’ont pas de sang sur la main, tous ceux qui n’ont pas cassé, tous ceux qui n’ont pas profané les symboles de l’Etat, tous ceux qui n’ont pas incendié des écoles et des institutions seront libérés ».  C'est ce qui se serait passé manifestement, puisque seuls 55 personnes, dont les deux leaders du Consortium de la Société Civile à l'origine des revendications corporatistes anglophones en novembre 2016, ainsi que l'homme politique et magistrat de la Cour Suprême Paul Ayah Abine, ont pu recouvrer la liberté. 

Une chose est certaine, quels que  soient les auteurs de ce qui s'est passé à Bamenda samedi, et quelles que soient leurs motivations, leur jeu est bien trop dangereux  en ce sens qu'il pourrait suggérer des idées hautement criminelles et destructrices dans un Cameroun qui tient autant à son indivisibilité qu'au respect de ses différences, et qui, n'en déplaise aux adversaires de la paix de tous bords, trouvera certainement un jour le moyen d'asseoir tout le monde autour d'une table pour aplanir le différend –fut-il gigantesque- qui oppose ses fils.

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