Togo- Crise politique : Déjà 12 personnes assassinées par les forces de Faure Gnassingbe

 
Les manifestants de l’oposition ont de nouveau demandé mercredi la démission du dernier représentant de la dynastie Eyadéma

Les manifestations simultanées de l’opposition –pour réclamer le retour à la constitution démocratique de 1992 et le départ immédiat de Faure Eyadéma- et des partisans du chef de l’Etat –pour soutenir la grosse escroquerie politique orchestrée par celui-ci au travers d’une vraie-fausse révision de la Constitution- ont fait leurs premières victimes dont un mort dès mercredi.

Contrairement aux proclamations gouvernementales sur la disposition des dirigeants togolais à faire tomber la tension née des revendications de l’opposition –à laquelle s’est ralliée la majorité des Togolais- pour plus de démocratie et l’instauration des conditions  d’une  alternance crédible et pacifique,  la répression des manifestations de l’opposition par les forces armées et de police à la solde du pouvoir continue d’être ici d’une imparable constance :   mercredi, à la tombée du jour, on enregistrait déjà un mort (un enfant à peine âgé d’une dizaine d’années) et un peu plus d’une trentaine de blessés, pour la plupart par balles et dans les rangs de l’opposition.

Mais à l’image du voleur qui crie « au voleur », c’est le gouvernement togolais, par la voix de son ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le colonel Yark Damehane, qui a pris les devants dans le cadre d’un point de presse, pour dénoncer la dérive meurtrière des manifestations.

C’est donc toute honte bue que Yark Damehane a accusé l’opposition d’être à l’origine de la violence : « Certains responsables du parti UNIR ont été déshabillés, molestés, leurs biens saccagés, les maisons incendiées, pillées », a-t-il annoncé, non sans accuser certains manifestants de l’opposition du reste « identifiés » d’avoir eu en leur possession « des armes de guerre » dont six « se baladent dans la nature ».

Pour ne pas s’arrêter en si bon chemin de la manipulation,  le ministre colonel a pris soin d’énumérer : « Ce comportement a fait un mort, un jeune de 10 ans et on dénombre 24 blessés, dont six par balle, quatre par bille, c’est-à-dire avec des fusils de chasse ; il y a eu sept personnes interpellées, sept maison du parti UNIR saccagées et pillées, trois maisons incendiées, trois véhicules incendiées ».

Evidemment, aucune des victimes n’a été mise par le ministre à “l’actif” des forces de l’ordre et des partisans du pouvoir, subitement devenus si pacifistes et si innocents.

 
Les militants de l’UNIR, parti au pouvoir, pendant la contre-manifestation du 20 septembre


Il n’en demeure pas moins que par quelque bout que l’on considère la situation, c’est le régime qui a pris l’initiative d’organiser des manifestations de soutien à sa controversée révision constitutionnelle les mêmes jours que celles auxquelles avait appelé l’opposition, marquant ainsi sa volonté irresponsable de pousser à la confrontation.

Bien plus, alors que l’adhésion des partisans de l’opposition aux appels de leurs dirigeants  se sera montrée des plus spontanées, celle des militants du parti au pouvoir aux manifestations commencées mercredi a laissé au contraire  l’impression d’être plutôt forcée –ceux qui ont l’habitude de bénéficier des avantages dus à leur proximité avec le pouvoir se sentant obligés de montrer patte blanche pour les besoins de la cause, ou motivée par l’argent  versé à profusion par les “généreux” organisateurs des manifestations pro-régime. Il n’y a qu’à comparer le nombre de personnes mobilisées par l’un et l’autre camps, et le degré d’enthousiasme manifesté par les manifestants ici et là, pour se faire une religion du peu de conviction des partisans de l’UNIR quant au bien-fondé de l’initiative de leurs leaders de les faire marcher … en même temps que ceux de l’opposition. 

Sur un tout autre plan, il est quand même curieux que des hommes politiques qui ont la prétention de diriger un pays ne soient pas capables de trouver des mensonges plus fins pour expliquer certaines situations.

Comment le gouvernement peut-il imaginer qu’il lui sera facile de faire gober à l’opinion que pour une manifestation pacifique de l’opposition, certains partisans de celle-ci ont pu se permettre de trimballer avec eux des “armes de guerre”, tout en étant conscients que la seule possession d’une arme à feu –fut-ce dans son propre domicile est un délit réprimé par la loi si elle ne fait pas suite à une autorisation administrative de port d’arme, mais qu’en plus,  cela reviendrait à déclarer la guerre à une armée togolaise dont le matériel militaire  et la puissance de feu sont incommensurablement supérieurs à celle de quelques détenteurs “d’armes de guerre”  isolés parmi des milliers de manifestants ?

Cette mystification signée du ministre  Yark Damehane est d’autant plus grosse à avaler qu’aucun manifestant de l’opposition ayant été en possession d’une arme n’a été visiblement été arrêté, pas plus qu’il n’a produit d’arme de guerre saisie par les forces de l’ordre.

Question, comment sait-il qu’il y avait des armes de guerre et que six de ces armes seraient en train de se balader dans la nature, à moins que ce soit le gouvernement qui ait infiltré des agents armés dans les rangs des manifestants et que six d’entre ses agents aient pris sur eux de disparaître avec les armes mises à leur disposition?  

Et puis quand il parle de « Ce comportement [qui] a fait un mort…24 blessés, dont six par balle, quatre par bille, c’est-à-dire avec des fusils de chasse », on est tenté de se demander depuis quand un simplement comportement peut tuer et blesser des personnes.

Comme on le voit ces échappatoires officielles fabriquées de tous matériaux rouillés n’ont pu duper personne, au point où l’ONG de défense des droits de l’homme n’a pas tardé à réagir en demandant au régime du “fils de son père” d’ouvrir « une enquête indépendante sur les circonstances » de la mort du jeune garçon de 10 ans et « l’usage excessif de la force par les forces de sécurité », de même que le rétablissement de l’Internet qui a été coupé mardi, soit la veille du début des manifestations, par un gouvernement qui semble résolument engagé sur la voie  du massacre à huis-clos de ses adversaires politiques.

La preuve, avec le mort par « comportement » de mercredi, le bilan macabre des affrontements politiques qui devaient uniquement se faire à travers le discours affiche un total de 12 morts au compteur.

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