Manifestation anti-apartheid devant l’ambassade d’Afrique du Sud à Paris, en 1976. (AFP) |
On assiste ici à l’un des plus gros scandales politiques signés par la France entre le milieu et la fin du siècle dernier : la livraison, malgré l’embargo, du matériel militaire et de répression au régime honni de l’apartheid –heureusement éteint à ce jour-, pour que celui-ci puisse tenir en joue la majorité noire opprimée par la minorité blanche, d’une part, et d’autre part pour qu’il ait la latitude sinon de neutraliser, du moins de tenir à distance respectable les pays de la ligne de front et leurs voisins (Mozambique, Zambie, Angola, Zimbabwe, Namibie…). Et tout ceci avec la complicité du régime ex-zaïrois de Joseph Mobutu (alias Sese Seko Kuku Gwendu Waza Banga).
Mais la lumière –fut-ce une once-, finissant toujours par l’emporter sur l’obscurité –fut-ce un océan-, une organisation sud-africaine dénommée “Open Secrets” est en mesure de révéler aujourd’hui comment la France, même mitterrandienne, s’est démenée pour passer outre l’embargo sur les armes et soutenir les crimes commis par les régime successifs de Balthazar Johannes (John) Vorster et Pieter Willem Botha en Afrique du Sud et dans les pays voisins par l’intermédiaire des Jonas Savimbi et autres Alphonso Dhlakama.
On apprend ainsi par le biais de “Open secrets” qu’à la suite de l’instauration d’un embargo international sur les armes à destination de l’Afrique du sud, le régime négrophobe se servait des employés de sa compagnie nationale de matériel militaire, Armscor, installés par dizaines au siège de sa représentation diplomatique en Hexagone, ainsi que de ses agents secrets déguisés en diplomates, pour élaborer les modalités de livraison à l’Afrique du sud d’armements sophistiqués que celui-ci ne pouvait pas fabriquer.
Selon le journal français Le Monde, même au plus fort du durcissement de la mesure d’interdiction des ventes d’armes à l’Afrique du Sud, paris et Pretoria ne se sont pas gênées pour trouver un moyen de la contrecarrer, tout à fait proportionnel à la complexification des conditions de leurs criminelles transactions : « Entre le 22 et le 24 juillet 1987, par exemple, les agents sud-africains se voient offrir par leurs homologues français de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) des pistes pour acheminer du matériel en contournant l’embargo des Nations unies imposé en 1977. On propose des missiles Mistral que les troupes de Pretoria pourront tester en Angola. Cette affaire se terminera par un scandale, quand la filière par le Congo-Brazzaville sera rendue publique. Mais il y avait d’autres types de matériels désirés, et d’autres routes pour les transporter… ».
Le Français Mitterrand ici avec le le héros et hérault du nationalisme sud-africain, Nelson Mandela. Bon dieu!, quelle hypocrisie |
Déjà très compliquées en raison de l’exploitation effrénée des pays (francophones plus particulièrement) du continent dont elle est à tort ou à raison accusée, les nouvelles révélations de “Open Secrets” vont rendre davantage exécrables les relations entre l’Afrique et la France.
En 2013, dans une tribune intitulée “La France était le meilleur soutien de l’apartheid en Afrique du Sud” publié dans lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr, Gilles Devers révélait déjà : “Le deal gaulliste était simple : la France ignore l’embargo sur les livraisons d’armes à l’Afrique du Sud, et en contrepartie, l’Afrique du Sud fournit à la France l’uranium à usage civil et militaire nécessaire pour le développement de sa production énergétique et la mise à niveau de sa force de frappe”. Avec les révélations de Hennie van Vuuren, auteur du livre “Apartheid, Guns and Money” (Jacana Media, mai 2017) sur le commerce maculé de sang d’Africains entre la France et le régime de l’apartheid, que Cameoonvoice invite ses visiteurs à lire ci-dessous, les coulisses de l’enquête du chercheur sud-africain nous apprennent qu’il s’agissait de beaucoup plus qu’une affaire de ressources naturelles dont la France manquerait, mais aussi et surtout d’une affaire d’argent.
Comme pour dire que l’histoire… du denier de Juda n’est pas à un éternel recommencement près.
La France et l’apartheid : Une boîte noire qu’Hennie van Vuuren voulait ouvrir
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