Vendredi périlleux au Cameroun : La tension monte de plusieurs crans en zone anglophone

 
Bamenda jeudi, après l’explosion d’une autre bombe artisanale

La journée du vendredi 22 septembre s’annonce comme une journée de montée des périls dans les régions anglophones (Nord-ouest et Sud-ouest) du Cameroun, en conflit ouvert depuis un an avec les autorités centrales.

C’est en effet ce vendredi que les populations anglophones, suivant l’appel à la mobilisation lancé le 09 septembre dernier par le leader sécessionniste Sisiku Ayuk Tabe, sont supposés prendre d’assaut les sièges des sous-préfectures et préfectures installées en “territoire” anglophone, pour réclamer la libération des leurs encore détenus, et dont certains pourraient avoir été exécutés selon certaines rumeurs fondées sur le fait que depuis leur arrestation, il y a plus de neuf mois au plus fort des revendications corporatistes anglophones mués ensuite en crise politique, leurs proches sont sans nouvelles d’eux.

Prenant la mesure de la situation potentiellement explosive, les autorités administratives en charge des deux régions anglophones ont pris jeudi, des décisions y interdisant toute manifestation publique jusqu’au mardi 3 octobre 2017.

De sources officielles, Cameroonvoice a appris jeudi que cette interdiction avait pour but de prévenir tout acte de défiance, comme les activistes anglophones en ont l’habitude chaque année à l’approche de la date du 1er octobre (en souvenir du 1er octobre 1961, date à laquelle fut consacrée la réunification du Cameroun oriental -francophone- et du Cameroun occidental –anglophone- sur le modèle d’un Etat fédéral) que les séparatistes anglophones et leurs partisans considèrent comme la date à laquelle le Cameroun francophone, avec la complicité de certains leaders anglophones de l’époque, les assimila, pis, “vola” leur “indépendance”

Cette justification de la mesure administrative d’interdiction des manifestations est balayée du revers de la main par des anglophones rencontrés par nos reporters qui affirment qu’il s’agit pour les autorités de décréter un Etat d’urgence de fait pour empêcher les populations privés de leurs proches d’aller en masses exiger leur libération ou la vérité sur ce qu’il est advenu de certains d’entre eux considérés à ce jour comme portés disparus.

« Le régime de Biya se croit très rusé. Au début de la contestation, ses forces de répression ont tué certains de nos fils en secret, et quand ils ont constaté que nous allions leur demander des comptes, ils ont créé un cafouillage, en déportant à Yaoundé la plupart des personnes qu’ils avaient arrêtées, pour que considérant la distance qui sépare le Nord-ouest et le Sud-ouest de Yaoundé, nous soyons découragés d’aller rendre visite à nos frères emprisonnés. Leur plan était de nous faire croire par la suite que pendant leur détention à Yaoundé, certains d’entre eux n’ont pas pu supporter leurs conditions de détention et sont décédés. C’est pour cela que malgré la décision de monsieur Biya de libérer les personnes impliquées dans les mouvements anglophones, le régime se sent dos au mur, et préfère dire que ne seront libérés que ceux qui n’ont pas tué et brûlé. Maintenant qu’ils entendent que nous allons nous lever pour demander des comptes, ils font semblant de prévenir des manifestations sécessionnistes, alors que ceux qui veulent savoir où sont leurs enfants et proches incarcérés ou tués ne sont pas des sécessionnistes. Les sécessionnistes ne résident pas en territoire camerounais, et s’ils venaient à y être, ils seraient armés, pour faire face au gouvernement, car ce serait pour faire la guerre, et non pour discuter les mains nues avec des gens armés qui ne savent que tirer des coups de feu », affirme Ndiva Salomon, militant du parti au pouvoir jusqu’à l’éclatement de la crise anglophone, aujourd’hui réfugié à Abia au Nigeria, qui dit également savoir depuis janvier, sur la base des témoignages « fiables »  que son cadet, Ndiva Hilarus, arrêté pendant les manifestations à Bamenda, « avait été torturé à mort par les militaires du BIR », mais que les responsables  des forces de sécurité ont caché son corps jusqu’à présent, comme les corps de certains autres qu’ils ont tués pendant leur détention, de peur d’être sanctionnés pour homicides.

Appel au soulèvement des anglophones lancé le 09 septembre par le leader sécessionniste Sisiku Ayuk Tabe


Un responsable du ministère camerounais de la Justice camerounais qui s’est prêté à un éclairage avec Cameroonvoice pense quant à lui que « les anglophones sont poussés à la paranoïa par les séparatistes qui veulent chauffer leurs esprits en parlant des exécutions extrajudiciaires. Il n’y en a jamais eu, et ils seront surpris quand ils verront tous leurs frères libérés, étant entendu que dès que les voies judicaires seront épuisées à l’encontre de ceux des activistes impliqués dans la commission des actes criminels, le président de la république prendra des mesures pour les gracier, afin que la paix revienne définitivement. Mais pour l’instant, il ne faudra pas que la justice fasse comme si rien ne s’était passé, comme si ces gens étaient tous innocents, arrêtés simplement parce qu’ils revendiquaient des droits. » Quel message voulez-vous qu’on envoie aux gens dans un Etat de droit, si l’on laisse impunis des meurtres et des actes de vandalisme ou portant atteinte aux symboles de l’Etat ? », questionne-t-il avant de conclure : « Nous voulons tous l’Etat de droit, alors, va pour l’Etat de droit ».   

“Etat de droit ?“, est-on tenté de se demander, au regard de l’évolution de la situation dans la zone anglophone qui tend de plus en plus en plus à devenir une jungle. Après l’explosion samedi de deux bombes artisanales et le énième incendie d’un établissement au début de cette semaine d’autres bombes artisanales à base de cocktail Molotov ont de nouveau explosé hier à Bamenda, faisant trois blessés. Le gouvernement, par la voie du gouverneur Adolphe Lélé Lafrique a évoqué « un acte terroriste », et promis une réplique à la dimension des menaces graves qui planent désormais sur la ville de Bamenda. Mais à Bamenda, comme par le passé, les populations qui redoutent une dérive à la Birmane (cf. massacre des Rohingyas) continuent d’affirmer que c’est une manœuvre du gouvernement qui crée « des prétextes pour instaurer l’Etat d’urgence et mieux museler “l’ennemi anglophone”. Même Boko Haram qui mène un combat illégitime contre les Nations utilise de vrais explosifs, comment pouvez-vous concevoir que des gens qui veulent l’indépendance de leur pays utilisent des bombes faites avec du carburant et du sable pour faire la guerre contre des gens qui ont disposé partout ici des militaires armés jusqu’aux dents? comment pensez-vous que cela puisse même être possible? ne prenez pas les anglophones pour des imbéciles ».

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