Le sous-préfet Tchakui, prêt à porter sur ses petites épaules la responsabilité d’une escalade inutile. |
Vers un bras de fer aux conséquences incalculables entre le pouvoir et l'opposant Jean-Michel Nintcheu ? C'est la question que se posent depuis les Camerounais, à 24 heures de la manifestation annoncée par l’opposition en soutien à leurs compatriotes anglophones engagés dans un bras de fer avec le pouvoir et son armée.
La question sur fond de crainte est d’autant plus motivée que les Camerounais sont habitués à la méthode forte généralement employée par le pouvoir pour museler tous ceux qui osent émettre un son de cloche différent du sien, et en même temps conscients que la détermination du réputé intraitable Jean-Michel Nitcheu, député SDF à l'Assemblée Nationale et président régional du SDF pour le Littoral à braver l'interdiction de la manifestation du 21 octobre prochain ne pourra que déboucher sur un affrontement… dont le caractère sanglant –Dieu en préserve le Cameroun- pourrait le disputer à celui des manifestation des 22 septembre et 1er octobre derniers dans les villes anglophones !
L'”autorisation” accordée il y a quelques semaines au principal parti d'opposition camerounais, le Social Democratic Front (SDF) d'organiser une marche pacifique à Douala en soutien aux populations des régions anglophones du Cameroun victimes de la répression, a finalement été annulée jeudi par le sous-préfet de l'arrondissement de Douala 1er, Jean-Marie Tchakui. En réaction, Jean-Michel Nintcheu, responsable régional du SDF et cheville ouvrière de l'organisation de la manifestation prévue samedi, promet que les choses ne se passeront pas comme l'entend l'autorité administrative, advienne que pourra.
Alors que les Camerounais se prenaient à rêver que le régime de Yaoundé s'était enfin résolu à permettre enfin aux opposants et autres organisations de la société civile dont le ton diverge du sien à jouir de leur droit à la liberté d'expression, le sous-préfet de l'arrondissement de Douala 1er, craignant manifestement de se faire taper sur les doigts par “la haute hiérarchie”, a décidé d'interdire la marche de soutien aux anglophones annoncée par le SDF, et à laquelle des partis d’opposition avaient souscrit, confirmant ainsi l'idée que se font la plupart des camerounais de la détermination du régime Biya de réduire l’opposition au silence, à défaut de la reléguer au « maquis », pour reprendre une expression de nos confrères de Cameroon-Info.Net.
Interrogé par la radio privée Equinoxe, Jean-Michel Nintcheu, depuis quelques semaines au four et au moulin de la préparation de cette manifestation pacifique, a dit son dépit, ainsi que sa volonté de ne pas s'arrêter pour le seul plaisir de l'autorité administrative. Il s'est ainsi expliqué sur son sentiment relatif à la décision du sous-préfet, sur le prétexte mis en exergue par celui-ci pour motiver sa décision, et sur la responsabilité du régime dans le processus de radicalisation de la société camerounaise.
Sur la décision du sous-préfet
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Le procès d'intention du sous-préfet qui risque de mettre le feu aux poudres
Si à la lumière de la détermination affichée par le député Nintcheu d'organiser la manifestation coûte que vaille, il est à craindre que comme par le passé on débouche sur un affrontement entre ses partisans et les militaires que le pouvoir n'hésitera pas à déployer, il faut tout de même souligner que le sous-préfet de Douala 1er sera le premier à assumer la responsabilité de cette escalade inopportune.
Jeudi, il a tenté de motiver sa décision sur les antennes de Radio Balafon émettant à Douala : « Je pense que l'administration a fait preuve de bonne foi en délivrant un récépissé à la demande de cette formation politique là. Mais malheureusement, comme vous avez dû le constater vous-mêmes dans les médias, c'est allé dans tous les sens. J'ai écouté des vertes et des pas mûres, on racontait n'importe quoi, bref tout sauf l'objet même de la déclaration initiale. A partir de ce moment-là et conformément à la loi, j'ai pris mes responsabilités et j'ai interdit ladite manifestation ».
Nul besoin d'être juriste, pour comprendre que les arguments (arguties ?) de l'administrateur civil participent rien moins que d'un procès d'intention.
En effet, contrairement à une fausse croyance largement entretenue par les zélateurs du régime qui voudrait que les Camerounais doivent leur liberté au bon vouloir du président Biya, et la possibilité de manifester leurs opinions à une autorisation de son administration, les manifestations publiques au Cameroun s'inscrivent, pour avoir caractère légal, dans le régime de la déclaration. En d'autres termes, il suffit seulement de les déclarer pour les faire. L'autorité administrative n'a pas le droit de refuser de délivrer le récépissé de déclaration, qui n'est qu'une simple formalité indiquant que l'organisation de la manifestation a été portée à sa connaissance. A moins que l'organisateur de la manifestation ait formellement spécifié dans sa déclaration que la manifestation a pour but de troubler l'ordre public ou d'inciter à la violence ou à la haine. Ce qui est impensable.
Délivrer un récépissé et revenir ensuite interdire la manifestation sous prétexte que l'on pense que ses organisateurs pourront en détourner l'objet revient à faire de la divination, alors qu'il est clair que seuls les organisateurs sont responsables des tournures que peut prendre la manifestation et en répondre devant la loi le cas échéant, et suivant l'engagement écrit qu'ils ont pris dans leur déclaration déposée à la sous-préfecture.
Le député Jean-Michel Nitcheu va-t-il consentir à faire profil bas en annulant la marche de samedi pour éviter à la population d’être victime d’un autre carnage? |
Une chose est certaine, en interdisant la marche au moment où le président paul Biya a dépêché des émissaires pour négocier le “vivre ensemble” avec les anglophones, le sous préfet qui joue aux oiseaux de mauvais augure, vient d’empêcher des Camerounais de montrer aux partisans du sécessionnisme qu’ils sont toujours des Camerounais et qu’ils sont aimés comme tels, que leurs problèmes préoccupent tous les Camerounais, et que leur solution ne dépend pas de la parition du pays.
Vous avez dit irresponsabilité ? Il faut dire méchanceté bête et gratuite visant à pousser les séparatistes à aller plus loin dans leur logique désespérée !