Zimbabwé : Mugabe en route pour l”exil, la “Transition assistée par l”armée” se met en route

Cette fois-ci, la rhétorique de la solidarité contre l’ennemi intérieur manipulé par l’impérialisme occidental dont sont si friands à temps et à contretemps les potentats africains n’a pas fonctionné.

Poussé à la faute par l’appétit gargantuesque du pouvoir sur fond  de perpétuation dynastique  de son insatiable épouse, l’intrépide combattant zimbabwéen qui aurait pu continuer de faire l’objet de la vénération des Africains s’il avait quitté les choses avant qu’elles le quittent, s’est résolu à l’évidence : même les négociations avec les putschistes du Général Chiwenga, patronnées par son homologue sud-africain, Jacob Zuma, n’étaient qu’un lâchage en règle. Au mieux, juste une façon de lui éviter le ridicule de l’humiliation d’une incarcération comme on le fait souvent à tort ou à raison pour tout chef d’Etat renversé, ou d’une assignation à résidence comme Zine El Abidine Ben Ali le fit en Tunisie en 1987 après avoir écarté le vieux père de l’indépendance, Habib Bourguiba.

C’est désormais acté, la page Mugabe a finalement été tournée jeudi 16 novembre, alors que le rêve de la magistrature suprême de son épouse Grace, d’origine sud-africaine avait quant à lui tourné, dès les premières heures du coup de force, mardi, en un gigantesque cauchemar de la fuite en exil.

Comme tout vieux baroudeur qu’il est, Robert Gabriel Karigamombe Mugabe refusait encore ce soir de démissionner de la tête du Zimbabwe, excipant de ce qu’il était constitutionnellement le seul dirigeant légitime du pays –son mandat courant jusqu’en 2018-, pour s’estime et résiste aux pressions de l’armée qui voulait l’écarter du pouvoir. Mais cette exigence a été considérée comme une surenchère désespérée que ne pouvait s’autoriser qu’un vieillard conscient du fait que les traditions africaines ne permettaient pas aux militaires de le maltraiter un patriarche de son âge, mais aussi conscient qu’il ne s’agissait plus en fait que d’une résistance résiduelle qui n’aboutirait à rien.

Au finish, il n’a pu obtenir qu’un départ pour l’exil et d’une garantie d’immunité qui lui permettraient de se consacrer à ses ennuis de santé, qui l’ont quelque peu éloigné ces dernières années de Harare, tantôt pour l’Afrique du sud ou le Singapour où les offres en soins médicaux sont de plus bonne qualité que dans son pays.

Le comble –selon le chronogramme successoral révélé à la presse jeudi soir- est que Robert Mugabe pourrait être remplacé vendredi par celui-là même à qui, sur les instances de son ambitieuse épouse, il a voulu couper l’herbe de l’accession au pouvoir sous les pieds : Emmerson Mnangagwa.

En effet, grâce ou à cause du « coup de Grace » de trop, et vu qu’un vice-président  -ou la vice-présidente envisagée- n’avait pas encore été nommé(e) depuis le limogeage de Mnangagwa le 06 novembre dernier, c’est à celui-ci que fort curieusement,  Mugabe a accepté de céder le pouvoir.

Du coup, alors qu’il se serait contenté d’attendre dans l’antichambre du pouvoir qu’est la vice-présidence, que Mugabe se retire de la scène en 2023, à l’issue d’un mandat qu’il voulait s’offrir en 2018 et qu’il disait être le dernier de sa carrière politique-, Mnangagwa, le dauphin déchu puis réhabilité par le coup d’Etat “protecteur” du 14 novembre 2017 – devrait prêter serment vendredi, pour conduire la transition vers les élections de 2018, sous le contrôle de l’armée. D’où l’appellation de “Transition Assistée par l’Armée” qui a été accolée jeudi, à la fin de ce qu’il convient d’appeler les “pourparlers d’abdication de Mugabe”.

Reste maintenant à l’armée de veiller à ce que la suite se passe dans le bon ordre des choses. Car Mnangagwa qui a été par le passé l’un des bras séculiers de l’oppression des opposants zimbabwéens, voire de la purge au sein de la Zanu-PF qui a fini récemment par se retourner contre lui, pourrait rééditer les méthodes de son prédécesseur qui, lui au moins, malgré ses dérives autocratiques,  était auréolé du double titre de leader charismatique de la lutte du peuple zimbabwéen pour l’indépendance  et de celui de porte-voix de l’anticolonialisme en Afrique.

Il conviendrait alors de ne pas se bercer de l’illusion qu’on peut mettre du vieux vin dans des outres nouvelles sans rompre fatalement ces dernières, et de songer à permettre au peuple zimbabwéen de choisir librement s’il veut essayer ou non une autre manière d’être gouverné.

L’histoire de l’Afrique se souviendra toujours de Mugabe, ce fils d’immigré venu du Nyassaland (actuel Malawi) qui a lutté de toutes ses forces pour contraindre le colon blanc  à libérer l’ex- Rhodésie du Sud, et lui pardonnera certainement ses dérives et son népotisme marqué par une réforme agraire (très saluée parce qu’il semblait marquer une certaine idée de la juste redistribution des terres confisquées par les Blancs pendant la colonisation)  qui n’aura profité pour l’essentiel qu’aux Vétérans de la guerre d’indépendance –du moins une minorité de ceux-ci- en même temps qu’il aura brillé par son caractère aveugle, à la limite haineux contre les Blancs, qui, s’ils avaient été traités comme en Afrique du Sud où les ressentiments contre l’ancien régime d’apartheid qui fut leur fait n’en sont pas moins vifs, auraient mis la main à la pâte de la construction du pays au lieu de caper la posture de fauteurs de déstabilisation dans laquelle ils ont été poussés par réflexe  défensif.

Mais tout ceci doit faire dorénavant partie de l’histoire. L’avenir est devant, et demande de choisir entre s’asseoir pour ressasser les douleurs du passé et se mettre en ordre de bataille pour la reconstruction, en les dépassant.

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