Sans doute lassé par le qualificatif de “havre de paix” qui a longtemps fait sa réputation, quoique surfaite, la paix n’étant pos forcément l’absence de guerre, le Cameroun s’est littéralement installé depuis deux ans dans un affrontement fratricide mettant aux prises le gouvernement centralisé et dictatorial du président Biya soutenue par une armée plus formée pour la répression violente des révoltes populaires qu’à autre chose, et la minorité anglophone, qui, à force de se faire cogner dessus à chaque fois qu’elle essaie d’élever la voix pour protester contre la discrimination politique et économique dont elle fait l’objet dans ce pays majoritairement francophone, en est arrivée à prendre l’option maximaliste et non moins discutable de la sécession.
Résultat, des morts et des blessés graves dans les deux camps, des arrestations aussi. Et pour couronner le tout, des milliers de Camerounais d’expression anglaise fuyant leur pays natal pour se réfugier au Nigeria où ils ne sont pas moins exposés aux risques de mauvais traitements dont l’exploitation (euphémisme pour dire esclavage) n’est pas e moindre.
Selon diverses sources, en milieu de semaine, les forces de l’ordre, vengeant l’enlèvement et l’assassinat d’un élément de la Marine nationale, ont tué des habitants de la localité de Kwa-Kwa et incendié des dizaines de maisons dans ce village qui serait désormais vidée de sa population. Une version réfutée par des sources officielles qui accusent plutôt les sécessionnistes d’avoir brûlés des habitations pour punir les villageois qui travailleraient en espions pour le compte de l’armée. |
C’est à ce propos que le Haut-commissariat aux Refugiés a tiré la sonnette d’alarme vendredi, en mettant en garde contre les difficultés auxquelles font face les femmes et les enfants qui fuient les régions anglophones du Cameroun pour le Nigeria voisin.
Selon l’agence Onusienne la vie de ces refugiés ne va pas sans une multitude de risques, tels que la pauvreté et l’exploitation.
On compte par dizaines de milliers le nombre de Camerounais refugiés à l’Est du Nigeria depuis début 2017.
Le HCR quant à lui en a enregistré plus de 10 000 pour le seul Etat de Cross River après la sanglante répression de fin-septembre et début octobre 2017. 80% de ces camerounais anglophones craignant pour leurs vies –au regard du zèle que mettent les forces armées camerounaises à réduire à néant les protestataires- sont des femmes et des enfants. A eux seuls, ces derniers seraient au nombre de 5.000.
«A mesure que le nombre de personnes fuyant le Cameroun augmente, les risques pour leur bien-être augmentent également», a affirmé le porte-parole du HCR, William Spindler, pour qui certains enfants ont fui au Nigeria par leurs propres moyens ou se sont séparés de leurs familles en cours de route.
Récemment, le HCR et les autorités nigérianes ont joint leurs efforts en vue de réunir les enfants séparés avec leurs parents.
Mendicité, prostitution et viols entre autres lots communs des refugiés
«Les enfants non accompagnés et séparés sont particulièrement touchés par l’accès difficile à la nourriture et le manque d’opportunités de subsistance. Le personnel du HCR a reçu de nombreux rapports selon lesquels les enfants doivent travailler ou mendier pour survivre ou aider leur famille. Beaucoup d’enfants ne peuvent pas aller à l’école, car ils manquent de temps et de fonds pour l’éducation », a par ailleurs indiqué M. Spindler.
Cité par RFI, Romain Desclous, chargé de communication pour l’Afrique de l’Ouest du HCR, confirme : «Un certain nombre de ces enfants recourent à la mendicité pour pouvoir subvenir à leurs besoins, quand ils sont tout seuls ou aider leurs familles quand ils sont avec elles. Ce sont donc des situations très délicates qui demandent une intervention.».
Des refugiés récemment arrivés du cameroun en train d’être enregistrés par un agent du HCR.
Selon nos confrères de www.voanews.com la plupart des familles sont dirigées par des femmes vulnérables à l’exploitation, et celles qui ne peuvent pas trouver de travail risquent la violence sexuelle et sexiste. Bon nombre de ces Camerounaises ont ainsi recours à ce que William Spindler l appelle “le sexe de survie”, pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants. Ce qui a amené le HCR à tenter de faciliter les contacts entre les gouvernements nigérian et camerounais aux fins d’une meilleure protection des réfugiés dont la situation est si préoccupante qu’en fin décembre, le journaliste francophone camerounais Jean-marc Soboth, lui aussi refugié au Canada, a initié une collecte de fonds, notamment auprès de ses compatriotes tant de la diaspora que du terroir, afin de pourvoir aux besoins alimentaires, vestimentaires, scolaires et sanitaires des refugiés camerounais anglophones.
Au moment de leur arrestation à l’hôtel Nera à Abuja le 05 janvier, Sisiku Ayuk Tabe, leader de l’organisation séparatiste “Southern Cameroons Ambazonia Consortium United Front” (SCACUF) et ses collaborateurs de la fictive “Federal Republic of Ambazonia”, étaient en train de plancher sur le moyen justement de venir moralement, matériellement et financièrement au secours desdits refugiés en situation de détresse au Nigeria.
Selon l’édition en ligne du journal français Le Monde, le docèse de Mamfé (ville natale du dirigeant séparatiste Sisiku Ayuk) abrite des enfants dont les parents ont fui au Nigeria. Parmi eux, un garçon de 24 ans dont le frère cadet a été tué par des gendarmes en décembre 2017 et qui déclare : « Il a reçu quatre balles et il en est mort. J’ai la haine de Paul Biya. Maintenant, si je vois un francophone, je ne suis pas sûr de garder mon sang-froid… Qu’avons-nous fait ? Qu’avons-nous fait pour mériter cette souffrance ? Qu’avons-nous fait pour mériter une haine aussi féroce ? » |
Il faut rappeler que c’est à la suite de la dissolution en décembre 2016 par le gouvernement camerounais du “Cameroon anglophone civil society consortium (CACSC)”, organisation modérée constituée de quatre associations d’avocats anglophones et de plusieurs syndicats d’enseignants anglophones, et de l’arrestation de ses leaders (Me Félix Khongo Agbor Balla –président- et Dr. Fontem Neba –Secrétaire Général), que les revendications des anglophones dont le maximum se limitait au retour au fédéralisme d’avant 1972 se sont radicalisées, et ont pris la tournure critique de menées sécessionnistes.