Sarkozy, Takieddine, Guéant… Qui sont les personnages clés de l’affaire du financement libyen de la campagne de 2007 ?


             Le colonel Kadhafi en visite à l’Elysée le 10 décembre 2007. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue mardi 20 mars. Mais l’ancien chef d’Etat n’est pas le seul protagoniste de cette affaire aux multiples ramifications.

Sarkozy, Takieddine, Guéant… Qui sont les personnages clés de l’affaire du financement libyen de la campagne de 2007 ?

C’est une affaire tentaculaire, où l’on croise des valises de billets, un coffre-fort géant, des intermédiaires douteux et une noyade suspecte. Depuis 2013, la justice enquête sur des soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. L’ancien président de la République, qui a toujours démenti ces accusations, a été placé en garde à vue mardi 20 mars. Mais il est loin d’être le seul personnage de ce dossier. En voici les principaux acteurs.

Nicolas Sarkozy, le 20 novembre 2016, à Paris.  (IAN LANGSDON /AFP)

L’ancien président de la République est soupçonné d’avoir financé illégalement sa campagne présidentielle de 2007 avec de l’argent libyen, une accusation qu’il a toujours démentie. En échange, la France aurait aidé le régime de Mouammar Kadhafi à sortir de son isolement diplomatique. En décembre 2007, le leader libyen avait été reçu en grande pompe à Paris et avait planté sa tente dans les jardins de l’Hôtel de Marigny, à deux pas de l’Elysée. Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue dans cette affaire mardi 20 mars.

Mouammar Kadhafi, l'autocrate financeur


L’ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi, le 23 septembre 2009 à New-York (Etats-Unis). (STAN HONDA / AFP)

Au pouvoir depuis 1969, le colonel Mouammar Kadhafi dirigeait la Libye d’une main de fer. Richissime grâce aux revenus pétroliers de son pays, le dictateur libyen restait cependant isolé diplomatiquement, jusqu’à ce que ses relations avec la France se réchauffent considérablement quand Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur. Mouammar Kadhafi l’a d’ailleurs reçu à Tripoli le 6 octobre 2005, relate Mediapart (article payant). D’après le site d’information, un accord aurait été négocié lors de cette visite : Kadhafi aurait demandé à ses services de verser 50 millions d’euros au candidat Sarkozy pour financer sa campagne, en toute discrétion. Dans cette affaire, le leader libyen n’a jamais pu donner sa version des faits : il a été lynché et tué en 2011 par les rebelles libyens soutenus par la France.

Ziad Takieddine, l’intermédiaire


Ziad Takieddine, le 17 novembre 2016, à Paris.  (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

L’intermédiaire franco-libanais est l’homme de tous les dossiers douteux. Mis en examen dans l’affaire Karachi (une autre affaire de financement occulte, cette fois de la campagne d’Edouard Balladur en 1995), Ziad Takieddine affirme avoir transporté, en trois fois, 5 millions d’euros entre Tripoli et Paris. Il dit avoir été reçu à plusieurs reprises au ministère de l’Intérieur entre novembre 2006 et janvier 2007. Deux fois par le directeur de cabinet Claude Guéant et une fois par le ministre Nicolas Sarkozy. Le 5 mars 2011, il est arrêté à son retour de Tripoli avec une valise de 1,5 million d’euros en espèces.

Alexandre Djouhri, l’architecte des réseaux financiers


Alexandre Djouhri, le 13 janvier 2018, à Londres.  (TOLGA AKMEN / AFP)

Proche des chiraquiens comme des sarkozystes, ce Français de 59 ans est l’homme de l’ombre des réseaux financiers de la droite à la fin des années 2000. Dans cette affaire, il est soupçonné d’avoir mis en place les montages financiers permettant de faire passer l’argent libyen en France. Son nom apparaît dans une transaction suspecte avec la Libye – la vente d’une villa de Mougins (Alpes-Maritimes) en 2009 – ainsi que dans l’exfiltration hors de France d’un personnage clé du régime Kadhafi, Bachir Saleh. Alexandre Djouhri, qui a refusé de répondre aux convocations des juges et fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen, a été arrêté à Londres le 8 janvier et placé en détention. Son audience d’extradition doit avoir lieu en juillet.

Claude Guéant, le bras droit de Nicolas Sarkozy


Claude Guéant, le 13 novembre 2015, à Paris.  (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur puis secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant est l’homme de confiance de l’ancien président de la République. Dans cette affaire, plusieurs de ses agissements posent question. Entre le 21 mars et le 31 juillet 2007, il loue à l’agence bancaire de la BNP Opéra un très grand coffre-fort et s’y rend à sept reprises, selon Le Monde.

Les magistrats s’interrogent également sur un virement de 500 000 euros perçu par Claude Guéant en mars 2008, en provenance d’une société d’un avocat malaisien. Face à ces éléments, il a expliqué que le coffre-fort devait contenir des archives et que le virement était le fruit de la vente de deux tableaux. Dans cette affaire, Claude Guéant a été mis en examen pour “faux”, “usage de faux” et “blanchiment de fraude fiscale en bande organisée”.

Brice Hortefeux, l’émissaire


Brice Hortefeux, le 3 juillet 2015, à Paris.  (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Très proche de Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux a accompagné le ministre de l’Intérieur lors de sa visite en Libye le 6 octobre 2005. D’après Mediapart, c’est lors de cette entrevue avec Mouammar Kadhafi que les modalités du financement de la campagne ont été décidées. Une note de Ziad Takieddine évoque “la visite Libye NS + BH”. L’ancien ministre a été entendu sous le statut de suspect libre mardi 20 mars par les enquêteurs.

Eric Woerth, l’homme aux enveloppes de billets


Eric Woerth, le 30 janvier 2018, à Paris.  (LUDOVIC MARIN / AFP)

En 2007, Eric Woerth était le trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy. Avec son adjoint, Vincent Talvas, le maire de Chantilly (Oise) est soupçonné d’avoir donné des enveloppes de billets à de nombreux acteurs de la campagne du candidat de droite. Le tout sans que rien n’apparaisse dans les comptes de campagne déposés. Les autorités tentent de prouver que cet argent est celui qui a été versé par le colonel Kadhafi. Entendu en 2017, Eric Woerth a reconnu les faits mais affirmé que ces fonds provenaient de dons de militants, sans convaincre les enquêteurs.

Fabrice Arfi et Karl Laske, les journalistes qui ont révélé l’affaire


Les journalistes de Mediapart Fabrice Arfi (gauche) et Karl Laske (droite). (AFP)

Le 28 avril 2012, entre les deux tours de la présidentielle, ces deux journalistes de Mediapart, qui enquêtent depuis 2011, font de nouvelles révélations. Leur article, intitulé “Sarkozy-Kadhafi : la preuve du financement”, révèle l’existence d’un document officiel libyen, daté de 2006, qui évoque “l’approbation d’appuyer la campagne électorale du candidat aux élections présidentielles, Monsieur Nicolas Sarkozy, pour un montant d’une valeur de cinquante millions d’euros”. Le document est d’abord vivement contesté et vaut au site d’information d’être poursuivi pour “faux” et “usage de faux” par Nicolas Sarkozy. Mais la justice française donne raison à Mediapart en 2016.

Bachir Saleh, le chef de cabinet discrètement exfiltré


Bachir Saleh, le 1er mars 2003 à Charm el-Cheikh (Egypte). (MARWAN NAAMANI / AFP)

Le nom du chef de cabinet de Mouammar Kadhafi revient deux fois dans le dossier. C’est à un fonds qu’il dirigeait qu’Alexandre Djouhri a vendu la villa de Mougins, une transaction jugée suspecte par les enquêteurs. Réfugié en Tunisie fin 2011, après la mort de Kadhafi, Bachir Saleh est pris en charge par l’ambassadeur de France, Boris Boillon, avant de revenir en France par l’intermédiaire d’Alexandre Djouhri, comme le raconte Le Monde.

Mais il ne reste pas longtemps dans notre pays : le 3 mai 2012, alors qu’il est recherché par Interpol et cinq jours après la publication du document officiel libyen par Mediapart, il part pour l’Afrique du Sud. Cette exfiltration, avec l’aide d’Alexandre Djouhri et du patron de la direction centrale du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, pose également question. Début février, Bachir Saleh a été blessé par balles en banlieue de Johannesbourg. Son pronostic vital n’est pas engagé.

Choukri Ghanem, le témoin retrouvé noyé


Choukri Ghanem, le 1er juin 2011, à Rome.  (REMO CASILLI / REUTERS)

Choukri Ghanem était ministre du Pétrole de Kadhafi en 2006, pendant la campagne de Nicolas Sarkozy. Il est soupçonné d’être l’une des pièces maîtresses du réseau de versement de fonds libyens vers la France. Après la révolution libyenne, Choukri Ghanem fuit en Europe. Il vit entre Londres et Vienne, où il est retrouvé noyé dans le Danube, le 29 avril 2012, entre les deux tours de la présidentielle française. Mais derrière lui, l’ancien ministre libyen laisse un carnet transmis par la justice norvégienne aux policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, à Paris. En quelques lignes, il documente les millions d’euros que la Libye aurait versés en 2007.

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