Opinion- Annulation de la mission économique : Biya enrage les opérateurs économiques camerounais et chinois

C'est un poisson d'avril à la chair très amère que le président camerounais a servi en plein mois de mars aux hommes d'affaires camerounais, en leur faisant miroiter une rencontre événementielle avec leurs alter ego chinois, un voyage dans la délégation présidentielle à la clé.

Le 15 mars au soir, les services du cabinet civil de la présidence de la république publient une liste de 115 opérateurs économiques qui feront partie de la délégation du président de la république qui se rend en chine dès dimanche le 18, pour une visite officielle -qui commencera le jeudi 22, pour s'achever le samedi 24 mars-  à son homologue, le très bientôt président à vie de l'Empire du milieu, le bien nommé et si bienheureux Xi Jinping.

Il n'en faut pas plus pour que l'exaltation soit à son comble du côté de certains “oints de l'éternel” d'Etoudi, qui se pourlèchent déjà les babines à l'idée qu'ils auront de bonnes raisons de faire les importants  à leur retour… au village !, genre  « vous voyez,  c'est moi qui ai été choisi par dieu pour l'accompagner  dans son odyssée  chez l'ami Xi ».

Même la presse n'y échappe pas. Quoiqu'étant à mille lieues de connaitre avec exactitude l'agenda chinois du président et de ses hommes d'affaires triés sur le volet,  c'est à la quasi unanimité que les commentateurs s'extasient sur le caractère éminemment économique de la visite « popaulienne ». Un forum économique sino-camerounais entre les opérateurs économiques  des deux pays sert de prétexte à toutes spéculations, supputations et extrapolations. On parle même des contacts envisagés pour la constitution d'un consortium sino-camerounais qui pourrait se constituer pour très prochainement au Cameroun pour faire la concurrence à l'opérateur du secteur de l'électricité, “ENEO de malheur” comme on l'appelle depuis que les Camerounais se sont rendu compte que cette filiale du fonds britannique Actis n'était qu'un obscur trou du c… d'andouille de fournisseur de ténèbres, qui vous coupe la lumière parfois au moins une vingtaine de fois par jour, ou alors seulement trois ou quatre fois,  pour une durée à chaque fois de trois ou quatre heures.

C'est vrai, les Camerounais ne sont pas des mordus des produits chinois. Ce sont des produits hyper scintillants qui, côté durabilité, ne valent jamais que ce que vaut en numéraires le pouvoir d'achat drastiquement précaire des Camerounais. Mais tant qu'à faire, autant avoir la lumière chinoise d'une précarité à couper au couteau que la lumière-luciole (une seconde de lueur, cinq minutes d'obscurité totale)  que produit et fournit au quotidien, avec une rare maestria notre ENEO national, participant ainsi à une vaste conspiration ayant pour objectif de décourager toute initiative de développement.

C'est ainsi que de jeudi soir à dimanche, l'actualité au Cameroun ne vibrera plus qu'au rythme des constructions de châteaux en Espagne –illusions d'autant plus farfelues que ce n'est pas la première fois que le président se déplace avec  des hommes d'affaires, et d'autant moins justifiées que les lendemains de ces voyages  des hommes bien de là-bas et de là-haut avaient n'ont pas, ne serait-ce qu'une seule fois changé quoi que ce soit dans le quotidien des citoyens interdits de bonheur de ce pays.

Mais des illusions qui valent leur pesant de rêve en couleurs qu'après que le président et madame son épouse eurent embarqué  dimanche à bord de l'appareil-volant-imitant-l'oiseau-naturel (avion), personne n'eut la décence de procéder à la moindre vérification préalable avant d'affirmer ou d'écrire : Le président Biya en Chine à la tête d'une délégation de 115 créateurs de richesses ». D'autres, pour faire mesure comble et arrondissant gratuitement à la cinquantaine supérieure le nombre de copains de voyage du “Nnom Ngui'i” national,  parleront même de 150 hommes d'affaires, pour être « plus exacts”.

Jusqu'à ce que mardi… Patatras !!!,  un communiqué rédigé par les bons soins d'un Conseiller technique du ministère de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire vienne ramener tout le monde sur la terre : la mission économique en Chine avait été purement et simplement annulée. Par qui ? On ne le sait ! Même pas l'auteur du communiqué qui s'est juste contenté de se fendre en plates excuses à l'intention des hommes d'affaires dont les noms avaient figuré quelques jours plus tard sur la liste des heureux nominés de la randonnée présidentielle, et qui semble-t-il, n'ont été informé de leur mésaventure qu'alors  qu'ils se trouvaient au pied de l'avion, prêts à embarquer, avec armes et bagages… pour la Chine ! Où ils avaient du reste pris soin de faire des réservations d'hôtels. Lisez plutôt le Communiqué ci-dessous :

« Mesdames et Messieurs,
Suite au désagrément causé par l'annulation du Forum de Beijing prévu en marge de la visite du Chef de l'État en Chine les 22 et 23 mars 2018,

je voudrais me permettre à cet égard exprimer notre profond regret à l'ensemble des Organisations patronales et Chambres consulaires qui ont joué un rôle important dans le cadre de la mobilisation de ses membres, mais surtout ces membres eux-mêmes qui n'ont pas hésité un instant à marquer leur intérêt à participer audit forum.

Cependant, nous vous informons que nous ignorons les raisons de cette annulation. et pensons que, si nécessaire, vous communiquer ultérieurement les motifs qui ont entrainé l'annulation immédiate du forum de Beijing pourtant ayant reçu préalablement le Haut quitus de la Présidence de la République.

Nous vous remercions de votre compréhension. ».

MOUSTAPHA/MINEPAT/CT4"

Depuis, les hommes d'affaires camerounais ne décolèrent pas. Pour la plupart militants plus ou moins forcés du parti au pouvoir au sein duquel il faut absolument militer si on ne veut pas être constamment être victime de redressements fiscaux à tête chercheuse, ils se rendent compte –à quelle heure ?!- qu'ils ne sont rien d'autre que la caution éhontée d'une dictature rampante et insouciante qui fait ce que bon lui semble, quand et comme bon lui semble, convaincu qu'elle n'a de comptes à rendre à personne.

Surtout quand après avoir mobilisé des hommes d'affaires, ladite dictature se ravise que la priorité pour le Cameroun ne serait pas la constitution des intérêts économiques pouvant permettre l'amélioration des conditions de vie des Camerounais, mais la plutôt la réalisation des objectifs sécuritaires pouvant permettre au régime de bénéficier de cette expérience et cette expertise qui permettent à une poignée de dirigeants communistes de tenir en respect ou en laisse près de deux milliards de citoyens chinois (officiellement un peu plus de 1, 3 milliard de têtes), pourtant tous aussi avides de démocratie que n'importe quel peuple sur la surface de la terre, sous le fallacieux prétexte que chaque peuple a ses spécificités et qu'il faut d'abord travailler au développement du pays.

Mais si le stratagème du régime camerounais peut sembler payant en ce sens que bientôt on aura des policiers, militaires, gendarmes, agents d'intelligence, gardes pénitentiaires et scouts-boys formés aux impressionnantes techniques du kung-fu et imprégnés de ses mystères, donc capables chacun de casser les dents à au moins une centaine de “terroristes” –appellation usuelle des opposants en tyrannie sanguinaire- avant de les trucider,   il ne l'est en réalité qu'à court terme. Quand tous les fauteurs d'opposition et de sécessionnisme auront été mis hors d'état de nuire et tous envoyés deux mètres sous terre,   il s'en suscitera même au sein de ceux dont on s'est servi pour les réduire au silence… des cimetières, pour lever un autre front d'opposition, que disons-nous, de terrorisme ! Jusqu'à la victoire définitive et posthume du peuple sur ses imposteurs de dirigeants, qui ne l'emporteront jamais au paradis. Les Mobutu Sese Seko Kuku Gwendu Waza Banga, Samuel Doe, Hosni Moubarak, Moussa Traoré, Blaise Compaoré, Ben Ali… Ferdinand Marcos, Duvalier, Pol Pot, Jean-Bedel Bokassa, alias “le cousin black” de Giscard d'Estaing … l'auraient pu, sinon !.

Le comble est qu'en désillusionnant leurs propres opérateurs économiques, les dirigeants camerounais ont, sans le savoir posé un gros lapin aux opérateurs économiques de l'Empire du Milieu qui attendaient eux aussi de faire de bonnes affaires avec leurs pairs camerounais. Connaissant les Chinois très spirituels, parions notre doigt que ces gens pour qui l'adage qui veut que l'exactitude soit la politesse des rois n'est pas seulement un groupe de vains mots, revaudront au multiple cette frustration que viennent de leur infliger les dirigeants camerounais.

P.S. : Cette tribune, je la rédige depuis le lundi 20 mars 2018. Il était environ 9 heures du matin. En temps normal, il eut fallu une heure, au trop deux, pour l'achever. Mais comme c'est reparti depuis environ une semaine, le syllogisme « tout résident camerounais utilisant des appareils fonctionnant à l'électricité sera victime  d'au moins une dizaine de délestages longue durée par jour, je réside au Cameroun, donc je suis victime  d'au moins une dizaine de délestages longue durée par jour », s'est appliqué à ma tribune et à moi dans toute sa rigueur. Et comme si “ENEO de malheur” n'était pas fichue d'arrêter de se foutre de ma gueule, j'apprends que cette pourvoyeuse de ténèbres basée à Douala –comme moi- est en train de se démener comme un beau diable pour augmenter son offre  en énergie électrique dans la région du Nord, soit une distance linéaire de 1199 km Kilomètres et 19 heures de voyage par route. Si ce n'est pas une arlésienne, c'est qu'ucun des plénipotentiaires de cette compagnie qui avait été chassé d'Ouganda avant d'échouer au Cameroun, pays point de chute de tous les rébuts, n'a jamais entendu dire la maxime « Charité bien ordonnée commence par soi-même ».

Quelle galère !  

 

Douala, 21 mars 2018, 14 H 01 mn

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