EXCLUSIF : Guerre diplomatique à l’ONU pour le Sahara occidental

Alors que Rabat cherche à faire adopter à l’ONU une résolution condamnant les mouvements présumés du Front Polisario, Alger a communiqué un rapport détaillé de la situation sur le terrain aux membres du Conseil de sécurité

ALGER et RABAT – La guerre d’influence a commencé dans les couloirs de l’ONU entre le Maroc et l’Algérie au sujet du Sahara occidental.

Cette semaine, Alger a communiqué, via son représentant à l'ONU, un rapport détaillé de la situation sur le terrain aux membres permanents et non permanents du Conseil de sécurité qui doit se réunir mercredi 29 avril sur la question du Sahara occidental, selon les informations recueillies par Middle East Eye.

Ce rapport a été établi suite aux accusations marocaines d’incursions présumées de combattants du Front Polisario dans la ville d'Al Mahbes au nord-est du Sahara occidental, en violation d'un accord militaire de cessez-le-feu sur la zone tampon.

 

« Le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a aussi rencontré personnellement, entre le 12 et le 17 avril, les ambassadeurs à Alger des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité [Chine, États-Unis, Russie, France et Royaume-Uni], ainsi que les ambassadeurs de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis [EAU] et le représentant de la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental [MINURSO] pour leur remettre ce rapport », explique à MEE une source diplomatique algérienne.

Cette réunion mobilise complètement Alger, au point qu’Abdelkader Messahel, qui devait faire une tournée cette semaine au Mali, au Niger et en Guinée, a été remplacée par le ministre de l’Intérieur Noureddine Bedoui.

   

« Le rapport est accompagné de photos aériennes des zones libérées et de la zone tampon, prises par l'aviation militaire algérienne de reconnaissance »

    – Une source diplomatique algérienne

« Le rapport, qui rappelle la position officielle algérienne dans ce conflit, est accompagné de photos aériennes des zones libérées et de la zone tampon, prises par l'aviation militaire algérienne de reconnaissance », poursuit la même source. Selon elle, « les informations contenues dans ce rapport confirment que rien n'a changé sur le terrain entre août 2017 et mars 2018 ».

Mercredi 4 avril, le ministre des Affaires étrangères marocain, Nasser Bourita, avait présenté au secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres des photos satellite qui, selon lui, montrent les changements opérés à Bir Lahlou et à Tifariti entre août 2017 et mars 2018. Ces images n’ont jusqu’à présent pas été rendues publiques.

 
Un projet de résolution à l’étude

Depuis le début du mois, Rabat a changé de ton devant le refus d’Alger de s’impliquer dans le processus de négociations. Le 6 avril, MEE révélait que le Maroc avait informé l’Algérie par canal diplomatique qu’il interviendrait militairement au Sahara occidental si les forces sahraouies ne se retiraient pas de la zone située à l’est du mur de défense.

Concrètement, pour Rabat, l'urgence est de faire adopter en Conseil de sécurité, avec l'appui de Washington et de Paris, une résolution condamnant les mouvements militaires du Front Polisario et appelant les Sahraouis à respecter les accords de cessez-le-feu de 1991.

Mercredi dernier, selon le site Futuro Sahara, certains membres permanents du Conseil de sécurité, auxquels s’est ajoutée l’Espagne, se sont réunis pour étudier le projet de résolution sur le Sahara occidental. La coordination entre la France et les États-Unis pour la rédaction de cette résolution aurait déplu au Front Polisario qui a toujours demandé la dissolution du « groupe des amis du Sahara occidental », jugé pro-marocain.

 
Un militaire de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO)

 

Selon une source sécuritaire algérienne, le Maroc ne cherche pas à déclencher une guerre, juste à changer « les règles d'engagement ». « Depuis le cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario, il est admis que le Front Polisario est libre de se déplacer vers les zones non contrôlées par les Marocains. Et c'est cela que Rabat veut changer », explique-t-elle à MEE.

Ce que confirme aujourd’hui une autre source : « Rabat veut bousculer la donne opérationnelle et empêcher les Sahraouis de se déplacer à leur guise dans les territoires libérés, alors qu’Alger ne souhaite pas un changement de la situation sur le terrain. »

   

« Une action militaire risquerait de geler les efforts diplomatiques pour les années à venir »

    – Un analyste marocain

Une action militaire semble toutefois pour le moment peu probable. « Non seulement elle risquerait de geler les efforts diplomatiques pour les années à venir, mais serait condamnée par une partie de la communauté internationale et, à plus forte raison, l’Union africaine, que le Maroc a réintégrée en 2017 après d’intenses efforts diplomatiques », souligne un analyste marocain.

Mais si le Maroc parvient à ses fins de manière diplomatique, que le Polisario est finalement repoussé en territoire algérien, « et que survient un incident impliquant le Front Polisario et les Forces armées royales [FAR] ou une action du Polisario à l’est du mur, l’Algérie serait tenue pour coresponsable », prophétise un expert militaire marocain consulté par Middle East Eye.

Selon cette formule, les déplacements du Front Polisario à l’est du mur seraient soumis à de nouvelles règles à l’avantage du Maroc et seraient consignés par la MINURSO en tant que violations de l’accord de cessez-le-feu.

Seule une révision de l’accord militaire numéro un permettrait d’établir durablement un no man’s land à l’est du mur de défense. L’an dernier, suite à la crise de Guerguerat, une source diplomatique marocaine faisait part du souhait du Maroc de réviser cet accord « conclu en 1991, et qui avait donc pris en charge les dimensions de 1991 », rappelait à MEE un diplomate marocain. « Il n’y avait ni terrorisme, ni les menaces sécuritaires actuelles. La situation dans la zone était différente. Il est donc important qu’il y ait une évolution ». Le diplomate marocain reconnaissait en revanche qu’une telle révision serait « extrêmement difficile à mettre en place ».

Contactées par MEE, les Affaires étrangères marocaines n’ont pas répondu.

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