La condamnation de Monsanto qui peut tout changer

L'issue du procès Monsanto pourrait inspirer la Suisse

Vendredi, un tribunal californien condamnait le géant de l'agrochimie à une lourde peine pécuniaire, suggérant pour la première fois le caractère cancérogène du glyphosate. Un verdict qui ne passera vraisemblablement pas inaperçu à Berne

Baisse en bourse. L’action du groupe pharmaceutique Bayer, le nouveau propriétaire de Monsanto, perdait plus de 9% lundi à la Bourse de Francfort après la condamnation inédite du géant de l’agrochimie américain aux Etats-Unis pour son herbicide Roundup.

«Cette décision me donne espoir.» Ce week-end, Adèle Thorens Goumaz a guetté la nouvelle et s'est empressée de la partager sur son compte Twitter. Et pour cause: pour la conseillère nationale verte, son impact serait non négligeable. «Qu'un tribunal reconnaisse le lien de cause à effet entre un cancer et l'utilisation du glyphosate est un signal fort», souligne-t-elle.

Vendredi soir, le verdict est tombé comme une bombe: Monsanto, ce géant de l'agrochimie qui semblait jusque-là inatteignable, a été condamné par un tribunal de San Francisco à payer 289 millions de dollars à Dewayne Johnson, un jardinier américain de 46 ans. Atteint d'un lymphome non hodgkinien en phase terminale, ce dernier avait attaqué Monsanto en 2016, estimant que les herbicides de l'entreprise à base de glyphosate, qu'il avait vaporisé régulièrement, étaient responsables de son cancer.

Bayer fera appel

Le groupe pharmaceutique allemand Bayer, propriétaire de Monsanto, a immédiatement annoncé qu'il ferait appel, contestant de nouveau la dangerosité de ses produits. «Sur la base de preuves scientifiques, d'évaluations réglementaires à l'échelle mondiale et de décennies d'expérience pratique de l'utilisation du glyphosate, Bayer estime que le glyphosate est sûr et non cancérogène», a déclaré à l'AFP un porte-parole de l'entreprise.

Collègues sensibilisés

Pour Adèle Thorens Goumaz, le démenti du groupe est stratégique: «Se défendre lui permet de continuer à utiliser ces produits plus longtemps et de payer le moins cher possible.» Dans ce contexte de controverses scientifiques (l'OMS a de son côté classé le glyphosate «cancérogène probable»), l'issue du procès de Dewayne Johnson ferait justement office de marqueur clair, estime la députée. «Les décideurs sont constamment renvoyés d'une étude à l'autre, ce qui ne rend pas leur tâche facile. Cette décision peut donc avoir un réel impact politique.»

Un impact qui pourrait bien rayonner jusqu'en Suisse, où «l'affaire glyphosate» est loin d'être classée. Après avoir rejeté une motion des Verts en novembre dernier exigeant l'interdiction totale de la substance, le Conseil fédéral adoptait en mai un rapport selon lequel une trop faible quantité de glyphosate avait été retrouvée dans les aliments pour suggérer un quelconque risque sanitaire.

Parallèlement, le Conseil fédéral a toutefois soutenu le postulat d'Adèle Thorens Goumaz, déposé quelques mois plus tôt devant le Conseil national, dans lequel la Verte invite le gouvernement à étudier une sortie progressive du glyphosate. «Je me suis basée sur la décision de la France. Le principe de précaution exigerait qu'on se prépare au moins à envisager des alternatives à ces produits toxiques», explique l'intéressée. A la suite du refus de plusieurs élus UDC, la Chambre basse votera sur le postulat en septembre. Après les événements du week-end, la députée est optimiste. «A présent, j'ai plus de chances d'obtenir une majorité, car mes collègues seront d'autant plus sensibilisés à la question. Cela donnera ensuite l'occasion au Conseil fédéral d'agir.»

Pays conservateur

D'autant que ce dernier a tendance à regarder ce qui se passe chez ses voisins, et à s'en inspirer. «Le Conseil fédéral est hyper suiviste sur ces questions, note-t-elle. Il ne fait jamais cavalier seul et en général, il suit la politique européenne. Que ce genre de position se généralise à l'étranger est donc encourageant.»

La comparaison a évidemment ses limites. L'utilisation du glyphosate aux Etats-Unis est bien plus intensive qu'en Suisse, où l'on a peu de chances de connaître un second cas Dewayne Johnson. «Notre utilisation est certes moins risquée, mais les paysans sont tout de même en contact avec ces produits et les consommateurs en retrouvent dans leurs assiettes, dans l'eau qu'ils boivent», rappelle la députée.

Entre les récentes initiatives populaires sur les pesticides et les ONG qui se mobilisent, Adèle Thorens Goumaz en est convaincue: la Suisse est en bonne voie pour évincer le glyphosate. Un avis que tempère quelque peu son collègue de parti Robert Cramer. «On l'a vu dans le cas de la contamination à l'amiante: notre pays est très conservateur sur ces questions et a tendance à protéger l'industrie avant tout. Mais ces précédents sont autant d'arguments qui renforcent notre position.»

Réactions internationales

L'affaire Dewayne Johnson n'a pas manqué de faire des remous dans le reste de l'Europe, et notamment en France, où les réactions n'ont pas tardé à fuser. Le gouvernement, par la voix de la secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique, Brune Poirson, s'est félicité samedi de ce «jugement historique» confirmant «la décision pionnière d'Emmanuel Macron» d'interdire le glyphosate dans trois ans.

Pour Nicolas Hulot, qui s'exprimait devant les caméras de BFMTV, «ce ne doit être que le début d'une guerre que nous devons mener tous ensemble pour réduire massivement les molécules les plus dangereuses». Le ministre a exhorté Européens et Américains à prendre «des décisions aussi rapides et déterminées» que la France contre les pesticides.

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