Opinion- Cameroun: “Sardinards” Vs “Tontinards” Quand Cabral Libii se trompe volontairement de définition(s)

« La question cruciale de l’alternance politique est extraordinairement parasitée depuis la prestation de serment du candidat proclamé élu, par des buzz métaphoriques (brigades anti-boîtes de conserve ou anti-cotisations…) qui dérivent allègrement vers des abaissements ethno-tribaux ». Tel est l’essentiel de la dernière sortie sur Facebook de Cabral Libii, qui, l’air  de conjurer le tribalisme qui déteint sur la praxis politique en son pays, met dans le même panier les vrais tribalistes et ceux qui n’ont rien à voir avec cette pourriture de la société camerounaise contemporaine.

A force de jouer aux équilibristes -dans l’espoir de tirer ses marrons du feu-, les opposants “modérés” du Cameroun se trompent plus qu’ils ne croient tromper les Camerounais. Cabral Libii, candidat à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018 s’est-il résolument inscrit dans le registre des faux objecteurs de conscience dont l’objectif au final est de faire prendre aux autres des serviettes pour des lanternes ?

Nous voulons bien laisser à nos lecteurs le soin de répondre à cette question, mais nous nous en voudrons de ne pas leur fournir quelques  clés  pour la compréhension des termes peu flatteurs de “sardinards” et de “tontinards” dont sont affublés depuis quelques temps des Camerounais, et que monsieur Libii considère comme une manifestation de la dérive tribale de la politique au Cameroun, au sujet de laquelle il renvoie dos à dos, sans le dire expréssément, non seulement le régime en place et son principal opposant du moment, Maurice Kamto  –une supposition que monsieur Kamto qui revendique sa victoire à l’élection présidentielle puisse être considéré comme un opposant alors qu’en principe c’est la minorité qui a effectué un hold-up sur le pouvoir envers et contre la vérité des urnes qui devrait l’être -, mais aussi, d’une certaine manière,  des populations camerounaises coupables de partager des affinités sociologiques   avec les leaders des deux principales composantes politiques issues de la dernière échéance politique du pays.

Au commencement, était un certain Mathias Eric Owona Nguini, longtemps présenté comme un opposant intellectuel au régime impopulaire de paul Biya, par des Camerounais en mal de guide et s’accrochant à n’importe quel aventurier aurait l’audace de tenir un langage connotant une certaine opposition à l’oppression du peuple dans l’art duquel le régime est passé maître.

L’Owona Nguini  qui, manifestement, ne s’opposait au régime que pour monter les enchères de sa valorisation,  fut d’autant plus crédité d’un courage inénarrable,  qu’il est le fils de Joseph Owona,  l’un des idéologues et stratèges du régime en matière de conservation du pouvoir par la force brutale et le mépris royal des aspirations des citoyens, qui, en son temps n’hésita pas à ajouter à son arc la corde de l’instrumentalisation de la “bamiléképhobie”  comme moyen d’amener  un groupe ethnique, les Bétis, à faire bloc, par un faux instinct de survie, derrière un régime manipulateur, parce que par ses origines, le leader de ce régime se réclame de ce groupe ethnique .

La caque sentant toujours le hareng, Mathias Eric Owona Nguini  devait finir par effectuer un fulgurant retour au “pays natal” dont il écrira le cahier en lettres de félonie, suscitant par ce fait, les intarissables quolibets de ses anciens fans qui, malheureusement, ne savent pas laisser mourir de leur belle mort les petites choses. Pour protester de son bon droit de choisir son camp politique et de le changer quand bon lui semble, Owona Nguini qui s’est finalement révélé être d’une incroyable petitesse intellectuelle – à la différence d’un Wilfried Ekanga qui sait analyser froidement et identifier l’adversité avant de réagir de façon appropriée-, ne trouva pas mieux, exactement comme son géniteur à une certaine époque, que de s’armer de haine contre une ethnie  précise en  déversant son courroux sur les Bamilékés, peuple de l’Ouest du Cameroun réputé pour  sa pratique de la tontine (« Association de personnes cotisant à une caisse commune dont le montant est remis à tour de rôle à chacune d’elles », selon le dictionnaire en ligne Wikipedia, ou une  « coutume qui consiste à verser régulièrement une somme d’argent à un fonds que chaque donateur peut utiliser à tour de rôle », selon le dictionnaire Larousse), auquel il accola, par on ne sait quelle alchimie dialectique,  une connotation foncièrement péjorative comme le laisse voir implicitement l’adjonction du suffixe “ard”  au mot tontine, d’où le néologisme  “tontinard” qui désigne dans son esprit  les Bamilékés, considérés à son sens comme des soutiens par réflexe tribal, de l’homme politique ressotrtissant de l’Ouest Maurice Kamto,  –sa tête de turc de prédilection qu’il a aussi affublé du sobriquet  de “tonton Maurika”.

Trêve d’hypocrisie donc !  Selon Owona Nguini,  le vocable “tontinards” renvoie à Bamilékés, et son usage a pour but de les froisser, de les dénigrer, en les présentant à eux-mêmes et à d’autres communautés comme des individus faisant partie d’un regroupement sectaire dont les actions sont sinon criminelles, du moins condamnables.

En revanche, le vocable non moins négatif et réducteur de “sardinards” ou “pain-sardinards” dont le véritable concepteur est inconnu à ce jour est né à la suite de l’apparition  sur les réseaux sociaux d’un personnage vu de dos dans une posture passive de quelqu’un qui écoute un orateur important, – apparemment ou forcément un militant du Rdpc,  puisqu’arborant une chemise aux couleurs de ce parti au pouvoir, dont le chef est en passe d’y rester jusqu’à la fin du monde envers et contre la volonté des Camerounais- tenant dans la main droite croisée avec la gauche dans le dos, un pain-bâtard et une boite de sardines en conserve.

Connaissant la technique de lavage de cerveau des agents électoraux du régime de Paul Biya qui consiste à duper ses partisans avec  le manger et le boire circonstanciel -Françoise Foning de regrettée mémoire distribuait des kilos de riz et du poisson- pour que les militants du Rdpc, les invités et les journalistes qui participaient ou assistaient à ses meetings et autres messes politiques rentrent chez eux avec “quelque chose à mettre dans la marmite”, et parfois des billets d’argent “pour acheter de l’huile”, tandis que ses autres camarades pontes du Rdpc faisaient et continuent de faire plus simple, en distribuant des boites de sardines et du pain, à raison d’une boite de sardines et d’une baguette de pain à chaque militant, qui peut choisir de « manger sa chose sur place » ou d’aller manger son « pain chargé à la maison » s’il lui reste un peu de dignité après s’être fait abrutir par des discours mensongers sur “la préoccupation du président Biya de faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035”.

C’est cette image rappelée de manière opportuniste  à la conscience collective pendant la campagne électorale -pour symboliser la situation désespérément résignée des Camerounais en général et des partisans du pouvoir,  condamnés à vivre au jour le jour d’obole négligemment jetée par ceux qui ont confisqué leur pays par leur gestion égocentrique des ressources nationales- qui est à l’origine du concept  “sardinards”, désignant ceux qui font passer l’intérêt général de la construction du Cameroun  après l’intérêt égoïste et grégaire  du pain et de la boite de sardines sans lendemain.

Et ce type de Camerounais dont l’exemple ne doit nullement être suivi, ne s’identifie à aucune ethnie précise.  On en trouve dans toutes les ethnies, et par extrapolation, chez tous ceux qui, Camerounais ou non, optent de venir “prendre leur part” auprès du régime corrupteur, faisant carrément abstraction des aspirations de la majorité des Camerounais, ou les foulant aux pieds si nécessaire.

Trouver donc que les anti-tontinards qui, quoique se recrutant au sein de nombreuses ethnies du Cameroun, ne sont qu’une poignée d’individus s’étant laissé prendre à l’attrape-nigaud d’un régime qui use de la division des Camerounais pour mieux régner sur eux, et les anti-sardinards qui sont quant à eux des Camerounais de tous horizons ethniques luttant contre tous ceux -issus aussi bien de l’ethnie dont se réclame monsieur Biya que de celles des autres membres de son sérail- qui ont soit opté de pactiser avec le diable contre l’intérêt général, soit de se laisser infantiliser par un régime néocolonialiste qui leur donne très peu mais leur prend tout, c’est soit ignorer la réalité, soit  faire semblant de l’ignorer, pour jouer au jeu dangereux du ponce-pilatisme.

Cabral  Libii a séduit son monde il y a peu en dénonçant le discours de ceux qui le courtisaient en lui demandant de se désolidariser des manœuvres des Bamilékés, comme si ces derniers constituaient un bloc monoilithique, du moins sur le plan de leur appartenance politique. Il serait de bon ton qu’il ne fasse pas semblant d’ignorer  de quel camp politique et non ethnique vient la dérive tribale.

Au lieu de passer le temps à faire justement semblant, il faudra reconnaitre en toute justice que les anti-sardinards, se battent pour une société qui sera justement débarrassée des scories de la société primitivement ethno-tribale conçue par le régime de la force de l’expérience, qui regroupe en son sein des éléments négatifs de la société camerounaise issue de toutes les régions et ethnies du Cameroun.

Pour l’instant, il n’y a encore qu’un camp qui instrumentalise la tribu et le tribalisme à des fins de pouvoir et on ne peut empêcher que les choses dégénèrent qu’en le rappelant à l’ordre. Pas en faisant de ceux qui veulent justement qu’on sorte de ce pétrin ses complices. Peut-être que cela arrivera à l’allure où vont les choses, mais on n’en est pas encore là !

Les anti-tontinards peuvent mener la guerre tribale, mais les  anti-sardinards qui sont loin d’être en majorité des tontinards au sens “owona-nguinien” du terme, mais des patriotes tout simplement, font la guerre de la libération de tous les Camerounais contre le mal incarné par les distributeurs automatiques de pains-sardines. Et les sardinards ne sont que les victimes collatérales d’un processus qui vise à les libérer eux-mêmes. Car lorsqu’une une armée combat une autre, elle ne distigue pas entre les soldats qui sont au front par conviction, et ceux qui y ont été forcés. Après la guerre, le vainqueur, en général celui qui défendait la cause juste, se fait l’impérieux devoir de libérer  les vaincus afin qu’ils jouissent à leur tour des bienfaits de la noble cause qui valait la peine qu’on se batte pour elle.

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