Sixtus Gabsa Nyagha a été nommé le 7 décembre par le Premier ministre Chef du centre régional du comité national de désarmement, de démobilisation et de réintégration pour le Nord-ouest
Au regard des messages d’approbation des pays « amis » à lui adressés, le président camerounais a probablement réussi à prendre l’étranger au piège avec son soi-disant comité National de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (CNDDR) dont il dit que l’objectif est de désarmer les personnes civiles engagées dans les conflits armés au Cameroun (sécessionnistes et secte jihadiste Boko Haram). Mais il y en a qu’il n’a pas réussi à duper : les Camerounais mêmes avec lesquels son régime est en rupture de ban depuis belle lurette. Preuve vient d’en être donnée dans la localité de Balikumbat (région anglophone du Nord-ouest), où un membre de ce machin a été violemment chassé par les populations.
Dans tous les pays où l’on parle de désarmement-démobilisation réintégration des éléments d’une rébellion, des assises préalables ont lieu et donnent lie à un engagement formel du gouvernement et des forces régulières de la cessation de leurs activités régaliennes vis-à-vis des rebelles généralement supposés en position de faiblesse, dans l’intérêt de la paix. Au Cameroun, il n’y a rien eu de pareil. Même les tentatives de quelques bonnes volontés (à l’instar de l’Archevêque émérite de Douala, Mgr le Cardinal Christian Tumi) de regrouper les anglophones pour qu’ils dressent une liste des raisons qui les ont poussé à opter pour la sécession n’a pas prosoéré parce que le gouvernement de Paul Biya ne veut pas entendre parler de négociation avec ses ennemis, préférant plutôt que ceux-ci viennent la tête basse et la queue entre les jambes, à la façon de petits bambins repentis, déposer leurs armes à ses pieds et confesser leurs péchés de s’être révoltés en voyant l’armée gouvernementale tirer sur leurs parents, brûler leurs villages et champs et arrêter puis détenir arbitrairement leurs amis et connaissances.
Dans le septentrion, le gouvernement a reconnu lui-même, en ce qui concerne les jihadistes de Boko Haram, que cette organisation lui faisait une guerre asymétrique, dont qu’il était difficile de les identifier. Cela implique tout simplement qu’il est difficile de discuter avec eux.
Pour désarmer efficacement, il faut dialoguer pour s’entendre sur les conditions
Dans l’une et l’autre conditions, il devient illusoire de parler de désarmement de démobilisation et de réinsertion des gens que l’on ne connait pas et que l’on ne connaitra probablement jamais, du moins tant qu’on aura pas accepté le principe de négocier la paix avec eux de préférence en terrain neutre (territoire autre que celui sous l’emprise de l’un des antagonistes) ou sous la médiation d’un tiers, en l’occurrence une personnalité étrangère neutre, reconnue par tous comme telle.
Mais Biya qui aime à donner l’impression qu’il est trop bête pour savoir qu’on ne met pas la charrue devant les bœufs s’est obstiné à mettre sur pied son CNDDR et en nommer un Coordonateur en la personne d’un ancien gouverneur dont l’impopularité n’a d’égale que son inclination pathologique à la répression du temps où il était en activité. Juste une structure budgétivore qui servira de prétexte à des dépenses somptuaires sur le dos des finances publiques, et permettra à ses membres de se sentir importants, et en même temps de s’en servir comme tremplin pour s’enrichir. Ils ne travailleront rien, mais percevront des salaires et des primes pour des missions qu’ils n’effectueront jamais, à moins qu’ils inventent des mises en scène lors desquelles des jeunes choisis sur le volet par eux-mêmes viendront poser sous les caméras de télévision en prétendant être des sécessionnistes défroqués, et en remettant publiquement des armes que les instigateurs de ce spectacle grotesque leur auront au préalable remises pour les besoins de la cause.
La perspective d’un tel spectacle de mauvais goût n’est pas pour enchanter les populations de Balikumbat, comme semble l’illustrer le drame révélé par notre confrère Paul Tchouta : « Le chef du centre régional du comité national de désarmement, de démobilisation et de réintégration pour le Nord-ouest, Sixtus Gabsa Nyagha chassé de son village à Balikumbat dans le nord-ouest. Son domicile et son véhicule été complètement détruits par des jeunes en colère. ». Le journaliste précise que l’infortuné a été « prié de retourner à Yaoundé rejoindre Paul Biya et son complice Fai Yengo Francis. » Railleur, un internaute estime que c’est plutôt le “désarmeur” en chef du Nord-ouest qui a été désarmé.
Voilà donc qu’est pris qui croyait prendre !