Côte d’Ivoire : La décision d’acquittement de Gbagbo et Blé Goudé expliquée par la CPI

Dans undocument intitulé « Questions et réponses sur la décision orale de la Chambre de première instance I 15 janvier 2019 » la Cour Pénale Internationale  a expliqué, mardi, sa décision d’acquitter l’ancien président de la Côte d’Ivoire, le Pr. Laurent Gbagbo, et son ancien ministre de la Jeunesse, le leader des Jeunes Patriotes, Charles Blé Goudé.

L’institution sous le couvert de laquelle les deux anciens leaders ivoiriens, impliqués malgré eux dans la crise pré et postélectorale qui a duré de depuis le coup d’Etat manqué du 19 septembre 2002 jusqu’au renversement le 11 avril 2011du régime légitimement élu de laurent Gbagbo, ont été détenus pendant huit ans dans une prison aux Pays-Bas, essaie de donner des éléments de réponse sur les incidences de  cette décision tardive de rendre justice à messieurs Gbagbo et Blé.

Situation en République de Côte d’Ivoire – Le Procureur c. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ICC-02/11-01/15  
ICC-Q&A-CDI-04-01/19_FR 15 janvier 2019

QU’A DECIDE LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE ?

Aujourd’hui, le 15 janvier 2019, la Chambre de première instance I de la Cour pénale internationale (« CPI » ou « la Cour »), à la majorité, Mme la juge Herrera Carbuccia joignant une opinion dissidente, a décidé que la Défense n’avait pas besoin de soumettre des éléments de preuves supplémentaires et a acquitté M. Laurent Gbagbo et M. Charles Blé Goudé de toutes les charges de crimes contre l’humanité prétendument perpétrés en Côte d’Ivoire en 2010 et 2011. Messieurs les juges Cuno Tarfusser (juge président) et Geoffrey Henderson, formant la majorité de la Chambre, ont ordonné la mise en liberté de M. Gbagbo et M. Blé Goudé. Le Procureur peut demander à la Chambre que M. Gbagbo et/ou M. Blé Goudé soient maintenus en détention pour des raisons exceptionnelles.

Les juges ont pour mandat de rendre la justice en veillant à l’équité des procédures et au plein respect des droits de l’accusé, y compris de la présomption d’innocence, et des droits des victimes.
 
QUELS SONT LES MOTIFS DE LA DECISION  DE LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE ?

Les juges de la CPI appliquent uniquement les règles juridiques pertinentes et examinent les soumissions et les éléments de preuve qui leurs sont présentés dans l’affaire faisant l’objet de leur examen. La majorité des juges a considéré que le Procureur n’a pas fourni des preuves suffisantes en vue de démontrer la responsabilité de M. Gbagbo et de M. Blé Goudé pour les incidents faisant l’objet de l’examen de la Chambre.
Après un examen rigoureux des éléments de preuve, la Chambre a conclu, à la majorité, que le Procureur n’a pas démontré plusieurs éléments essentiels constitutifs des crimes contre l’humanité reprochés et notamment
 : l’existence d’un « plan commun » visant à maintenir M. Gbagbo au pouvoir, qui aurait compris la commission de crimes contre des civils ; l’existence d’une politique d’attaques contre la population civile et l’existence de formes de violence dont on pourrait déduire qu’il existait une politique d’attaque contre la population civile ; et que M. Gbagbo ou M. Blé Goudé auraient, avec intention ou connaissance, contribué à la commission des crimes ou que leurs discours visaient à ordonner, solliciter ou encourager ces crimes. Ce sont là des éléments essentiels des crimes allégués par le Procureur. Lorsque ceux- ci ne sont pas démontrés, les personnes accusées de tels crimes doivent être acquittées. Ainsi, la Chambre a estimé que la responsabilité de M. Gbagbo et de M. Blé Goudé pour les crimes présumés n’était pas étayée de manière adéquate par les éléments de preuve. Une décision dûment motivée sera rendue par écrit en temps voulu.

 LE PROCUREUR PEUT-IL FAIRE APPEL DE LA DECISION DACQUITTEMENT ?

Oui. Le délai d’appel commencera à courir à partir de la date du dépôt de la décision motivée. Il appartiendra alors à la Chambre d’appel, composée de cinq autres juges, de statuer sur cet appel.

QU’ADVIENDRA-T-IL DES VICTIMES PARTICIPANT A CETTE AFFAIRE ?

La Chambre de première instance I a noté le conflit politique ayant eu lieu dans le contexte des élections présidentielles au cours desquelles plusieurs incidents violents ont eu lieu à Abidjan et dans d’autres partie du pays. Toutefois, l’affaire examinée par la Chambre était limitée aux crimes contre l’humanité prétendument commis au cours de cinq incidents spécifiques : une marche au siège de la Radiotélévision Ivoirienne entre le 16 et le 19 décembre 2010 ; le 25 février à Yopougon ; une manifestation de femmes à Abobo, le 3 mars 2011 ; un bombardement d’une zone densément peuplée à Abobo le 17 mars 2011; et vers le 12 avril 2011 à Yopougon. Les éléments de preuve présentés par le Procureur n’étaient pas suffisants, selon la majorité, pour conclure que M. Gbagbo et M. Blé Goudé seraient pénalement responsables des crimes contre l’humanité prétendument commis au cours de ces incidents spécifiques. La décision de la Chambre de première instance I est sans préjudice de possibles enquêtes nationales ou du Procureur de la CPI en dehors de ce cadre. Le Procureur peut interjeter appel de cette décision. Les victimes, sous réserve de la décision de la Chambre d’appel, peuvent être autorisées à continuer à participer à la procédure d’appel, représentée par leur avocat. Il appartiendra alors à la Chambre d’appel de statuer sur le fond de l’appel et de décider si la décision de la Chambre de première instance d’acquitter MM. Gbagbo et Blé Goudé est exempte d’erreurs. Selon la jurisprudence de la Cour, la Cour peut ordonner des réparations lorsque les accusés sont condamnés. Toutefois, si la décision d’acquittement devenait définitive, c’est-à-dire finale à la suite de la procédure d’appel, cela n’empêcherait pas le Fonds au profit des victimes, qui est une institution distincte et indépendante au sein du système du Statut de Rome, d’envisager d’apporter un soutien aux victimes dans le cadre de son mandat d’assistance, et ce même en l’absence de réparations ordonnées par les juges.

QUAND M. GBAGBO ET M.  BLE  GOUDE SERONT-ILS MIS EN LIBERTE ?  RETOURNERONT-ILS EN COTE D’IVOIRE ?

La Chambre de première instance I a ordonné la mise en liberté immédiate de M. Gbagbo et M. Blé Goudé. Cependant, le Procureur peut demander à la Chambre que M. Gbagbo et/ou M. Blé Goudé soient maintenus en détention pour des raisons exceptionnelles.
La Chambre de première instance I se prononcera ensuite sur une telle demande. Sa décision peut faire l’objet d’appel devant la Chambre d’appel.
 Si les juges décidaient finalement de les mettre en liberté, ils seraient libérés sur le territoire d’un État qui accepterait de les recevoir une fois que les mesures nécessaires auraient été mises en place. Le lieu de leur mise en liberté dépendra de leurs observations et de l’accord de l’État ou des États concernés.
 
M. GBAGBO ET  M. BLE GOUDE PEUVENT-ILS DEMANDER UNE INDEMNISATION POUR LE TEMPS PASSE EN DETENTION ?
 
Conformément à l’article 85, paragraphe 3, du Statut de Rome, dans des circonstances exceptionnelles, si la Cour constate, au vu de faits probants, qu’une erreur judiciaire grave et manifeste a été commise, elle peut, à sa discrétion, accorder une indemnité à une personne qui avait été placée en détention. Si une demande en ce sens était présentée, il appartiendrait à la Cour de vérifier ces critères et de décider, à sa discrétion, d’ordonner ou non une indemnisation pour le temps passé en détention.

QUEL EST L’IMPACT DE CET ACQUITTEMENT SUR L’AFFAIRE A L’ENCONTRE DE SIMONE  GBAGBO ?

Les deux affaires sont indépendantes et devant des chambres différentes. La décision de la Chambre de première instance I est sans préjudice de la décision d’une autre Chambre.
 Le 11 décembre 2014, la Chambre préliminaire I a rendu sa décision concernant l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Côte d’Ivoire dans l’affaire concernant Simone Gbagbo. La Chambre a jugé l’affaire recevable devant la Cour.
Elle a conclu que Côte d’Ivoire n’avait pas démontré que l’affaire telle que portée devant la Cour faisait l’objet d’une procédure nationale au sens de l’article 17-1-a du Statut de Rome. Cette décision a été confirmée par la Chambre d’appel le 27 mai 2015. Par la suite, la presse a rapporté à plusieurs reprises que les autorités judiciaires ivoiriennes auraient rendu des décisions à l’encontre de Simone Gbagbo au sujet de crimes contre l’humanité. C’est pourquoi la Chambre préliminaire a demandé des informations sur tout acte susceptible d’avoir une incidence sur la recevabilité de l’affaire qui aurait été présentée par les autorités judiciaires ivoiriennes après le 11 décembre 2014, date à laquelle la Cour s’est  prononcée sur la recevabilité de l’affaire concernant Simone Gbagbo. La Chambre préliminaire a donc ordonné au Greffier de la Cour de demander aux autorités nationales ivoiriennes compétentes de lui fournir dans les plus brefs délais les informations et documents pertinents, y compris les copies des décisions et autres actes des autorités nationales concernant les procédures nationales à l’encontre de Mme Simone Gbagbo. La Chambre préliminaire décidera des mesures à prendre après réception de ces documents.

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