Afrique : La société civile camerounaise terrorisée par le régime Biya

Depuis l’arrestation de Maurice Kamto, la société civile se mobilise peu et reste silencieuse. Les intimidations et agressions physiques laissent planer un climat de peur qui semble paralyser les différentes actions.

 

‘”En tant que société civile nous ne pouvons pas descendre dans la rue à la place des partis politiques” (Philippe Nanga, coordinateur ong)

Parmi les rares ONG qui travaillent au Cameroun sur le terrain des droits de l’homme figure en bonne place l’association “Un Monde Avenir”. Mais cette organisation a déjà été victime de cambriolages au cours desquels les disques durs de ses ordinateurs ont été emportés. Il y a eu aussi des mesures d’intimidation telles que des interpellations de ses membres par les agents de la sécurité publique.

Le cas le plus récent est celui d’Elisabeth Ngo Bappa, lors de la campagne présidentielle 2018, durant laquelle “Un Monde Avenir” avait déployé 1.200 observateurs électoraux sur le terrain, contre le gré du gouvernement. “Ils m’ont interpellé. Je me suis arrêtée poliment. Je me suis présentée et j’ai présenté ma carte de membre d’Un Monde Avenir. Ils n’ont pas voulu comprendre”, explique Elisabeth Ngo Bappa.

Une société civile qui craint les dérives

Le coordonnateur, Philippe Nanga, confirme que l’ONG travaille dans un climat permanent d’intimidation, jusque dans la vie privée de ses membres. Son entourage familial aurait été plusieurs fois interrogé par les agents des renseignements. Il affirme aussi que les gérants des hôtels de Douala ont peur d’accueillir ses réunions sur les droits humains. Et “Un Monde Avenir” n’est pas la seule ONG dans cette situation. Le siège du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Rhedac) a été aussi plusieurs fois cambriolé et les disques durs d’ordinateur emportés.

A ceci s’ajoutent des violences physiques sur les membres de la famille de la coordinatrice Maximilienne Ngo Mbe. Philippe Nanga estime par ailleurs qu’une autre raison explique la timidité des ONG face à des cas de violence et d’arrestations.

“En tant que société civile, nous ne pouvons pas descendre dans la rue pour manifester à la place des partis politiques. Ça n’a pas de sens. Par contre, nous le ferons s’il y a une mobilisation des militants des partis politiques et s’ils demandent à la société civile de s’associer. Parce qu’alors ce n’est plus une question de défense d’une idéologie mais une question de défense des droits fondamentaux”, explique le coordinateur de l’Ong.
 
La société civile camerounaise ne serait donc pas inactive mais tout simplement prudente, souligne Elisabateh Ngo Bappa.“Nous ne faisons rien de mal. Mais nous ne pouvons pas être dans cette situation d’être sûr de soi, sûr de ce qu’on fait et que malgré tout, on vienne nous inquiéter. Je n’ai pas peur. Mais on ne sait jamais.”

Une chose est sûre : le gouvernement camerounais durcit le ton de jour en jour, depuis l’éclatement de la crise anglophone en 2016. Philippe Nanga redoute ainsi cette dérive autoritaire.
 
“La règle est devenu l’exception. Le droit camerounais consacre la liberté de manifester comme une règle. En fait l’interdiction est une exception. Mais désormais, au Cameroun, manifester est une exception. La règle ce sont les interdictions. J’ai beaucoup peur. Nous sommes plusieurs associations à discuter pour voir quelles actions fortes on doit mener. Parce que si on laisse faire, c’est grave. On est un pays mort”, conclut Philippe Nanga.

Les commentateurs de la vie politique et la société civile camerounaise apparaissent donc très prudents même quand ils viennent à prendre la parole, par peur des représailles de la part des autorités.

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