Un mur d'un peu plus d'un mètre de haut a été érigé dans la nuit du jeudi 21 au vendredi 22 mars à l'entrée de la localité de Bafut, située à moins d'une vingtaine de kilomètres de Bamenda, empêchant l'accès à la principale ville de la région anglophone de la région du Nord-ouest où sont basés les contingents de l'armée camerounaise préposés ici pour réprimer l'insurrection séparatiste.
Bafut qui est devenu en quelque sorte un des quartiers généraux des groupes armés se réclamant du mouvement sécessionniste anglophone sera pour quelques jours inaccessible, aussi bien aux populations qui veulent se déplacer qu'aux militaires, gendarmes et policiers qui ont coutume d'y effectuer des raids meurtriers contre l'ennemi séparatistes, mais faisant payer beaucoup plus aux populations civiles cibles un peu plus faciles, le prix de leurs affinités sociologiques avec ceux qui ambitionnent de créer l'Etat indépedant d'Ambazonie sur les cendres des régions (dénomination de la plus grande circonscription administrative au Cameroun) anglophones du Nord-ouest et du Sud-ouest.
Selon des officiels de l'armée camerounaise contactés par Cameroonvoice, « cet acte est à ranger dans la catégorie des actes symboliques, et les scissionnistes qui ont édifié cet ouvrage savent eux-mêmes qu'il sera détruit aussi vite qu'il a été construit. ». « Probablement dès demain lundi », affirme un officier de la 5ème Région Militaire Inter-Armées (RMIA5) basée à Bamenda, qui craint cependant que le mur qui va certainement impacter l'avancée des forces de défense permette à l'ennemi de se livrer en toute quiétude à des exactions sur les populations civiles. « Mais, prévient-il, nous avons des moyens d'y accéder autrement que par la route. D'ailleurs, c'est peine perdue pour eux, car nous y sommes déjà depuis belle lurette. ».
La crise anglophone, commencée en octobre-novembre 2016 par des revendications corporatistes des enseignants et avocats anglophones durement réprimées dans le sang par l'armée et la police, s'est progressivement muée depuis février 2018 en une véritable guerre de sécession du fait du refus des autorités gouvernementales camerounaises de négocier avec l'autre partie, préférant plutôt procéder à des arrestations suivis de procès devant le tribunal militaire de Yaoundé où les personnes arrêtées sont régulièrement déportées, et de lourdes peines d'emprisonnement.
L'ONG International Crisis Group qui a fait le constat que « ni le gouvernement, ni les groupes séparatistes n'ont l'intention de dialoguer aujourd'hui » a relevé en fin d'année dernière que la crise anglophone du Cameroun était l'un des dix conflits à surveiller en 2019 dans le monde.
Effectivement, depuis le début de l'année 2019, la situation n'a cessé de prendre des proportions de plus en plus inquiétantes dans les deux régions concernées, les groupes armés sécessionnistes (au moins une dizaine) qui ont l'avantage de la maîtrise du terrain, harcelant constamment les forces gouvernementales pour venger les populations civiles tuées aveuglement par celles-ci qui ne font ou ne parviennent pas à faire le distinguo entre leurs véritables ennemis (sur lesquels ils mettent d'ailleurs rarement la main) et les populations civiles.
A ce jour, des sources officielles mises à la disposition des médias et des ONg de défense des droits de 'homme font état de plus d'un demi millier de morts parmi les insurgés et environ 200 morts parmi les forces de défense et de sécurité. Mais il s'agit d'un bilan largement revu et corrigé à la baisse, car la comptabilité macabre faite au jour le jour affiche un nombre exorbitants de morts approchant les 10.000 morts, dont près de deux milliers parmi les forces gouvernementales et des membres de l'administration camerounaise (généralement des anglophones, accusés par les Ambazoniens de soutenir l'oppresseur de leur peuple) et plus de 7.000 anglophones dont près de deux milliers également de séparatistes armés assumés. Les dégâts matériels sont aussi énormes, : plus de deux cents villages –des centanes de champs et d'habitations- incendiés par l'armée camerounaise qui croit ainsi pouvoir atteindre directement les séparatistes armés, et des centaines de milliers de personnes qui ont pris la route de l'exil. 60.000 anglophones camerounais sont refugiés au Nigeria voisin, et plus de 50.000 autres ont trouvé asile dans des villes des régions francophones qui commencent elles aussi à faire l'objet des attaques des sécessionnistes.