Vendredi 13 avril historique! Et les Camerounais cèdèrent sans contrepartie leurs droits d’hommes et femmes libres à Paul… Atanga Nji (Opinion)

Malgré les multiples appels émanant aussi bien de la société civile que de personnalités politiques à marcher  ce samedi 13 avril 2019 au Cameroun pour protester contre la crise sociopolitique qui étreint  le pays du Nord au Sud et de l’Ouest, indifféremment de la décision du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun de Maurice Kamto de reporter celles auxquelles  son Directoire avait appelé pour le 6, puis le 13 avril, les Camerounais sont restés cloitrés chez eux, confirmant l’idée d’un peuple amorphe, mort et zombifié que tous les autres peuples du monde se font des citoyens très forts en gueule de ce pays. A moins que cela dénote, comme le prétend le régime, principal bénéficiaire de cette inertie, l’absence de fondement et de légitimité des récriminations faites ça et là contre lui. Auquel cas, les Camerounais doivent prendre la rue, pour démontrer leur immense bonheur existentiel, pour que le monde passe à autre chose

On ne peut compter le nombre de fois où des experts du droit ont expliqué aux Camerounais que la manifestation d’un sentiment, seul ou en groupe, est  inhérente aux droits fondamentaux de l’homme, et qu’à cet égard, elle ne peut être conditionnée par une quelconque autorisation d’une quelconque autorité administrative ou politique, et que la déclaration d’une manifestation auprès d’une autorité publique  participe simplement de la préoccupation de la communauté de veiller à ce que ladite manifestation de sentiment ou l’expression d’une opinion se fasse dans des  conditions telles qu’elle ne constitue pas une source de désagréments pour le reste de la communauté, que celui-ci soit du point de vue statistique, minoritaire ou majoritaire, rapporté au nombre  de celui ou de ceux qui ont un crucial besoin  de se faire entendre.

Même le législateur camerounais des années 1990, pourtant co-actant d’un régime liberticide,  en sa qualité d’auteur  (apparent -le seul et unique véritable auteur des lois au Cameroun étant jusqu’à preuve du contraire l’exécutif-) de la Loi n°90 /055 du 19 décembre 1990 fixant le régime des réunions et des manifestations publiques, n’avait pas poussé aussi loin le zèle de la restriction des libertés des Camerounais comme les Camerounais le font eux-mêmes.

De tous les 725 mots (titre compris et nom du signataire compris) de la loi susmentionnée -que nous publions d’ailleurs en fin de page (“afin que nul n’ignore” ?) le mot autorisation n’apparait qu’une seule fois, dans le cas précis d’une réunion sur la voie publique (Article 3, al.3).

Les Camerounais vont-ils bientôt demander l’autorisation du ministre Atanga « Njounjou » pour pleurer  ou pour rire ?

Pour le reste, il est itérativement question de « déclaration » préalable de tout organisation de manifestation publique du reste réputée « libre » dès le premier point du même article 3. Et cette obligation de “déclaration préalable” est assortie de l’impératif fait à l’autorité auprès de laquelle elle est faite, de délivrer immédiatement un récépissé. C’est la loi, ce n’est pas de la spéculation… philosophique
 
D’où vient-il que pour manifester leur mécontentement contre une situation donnée,  des Camerounais doivent se sentir obligés d’obéir au rythme des pulsations cardiaques d’une autorité, fut-elle le ministre de l’Administration territoriale, lequel, pour l’occurrence, n’a pas qualité pour autoriser ou interdire une manifestation publique, tous actes qui ressortissent plutôt d’un sous-préfet comme l’énonce clairement la loi de 1990 ?   Car à moins que les polito-juristes écœurants de la Sardinavie rampante m’expliquent que le président de la République, sous prétexte qu’il est le chef des forces armées et police, peut aller réguler la circulation sur une voie publique engorgée, interpeller des véhicules pour en identifier les passagers, ou mener toute autre action de maintien de l’ordre… je reste convaincu avec des juristes plus avisés, qu’il est une règle qu’en matière administrative, celui qui peut le plus ne peut pas le moins. Le juge qui préside une audience de justice ne peut pas, en cas d’absence ou d’incurie du procureur, requérir à la place de celui-ci, pas plus que le Procureur ne peut se substituer au policier ou au gendarme pour mener une opération de police.

Voilà donc le type d’illégalité officielle (hautement plus répréhensible parce que l’autorité doit – je dis bien dois, car ce n’est pas facultatif – être l’exemple du respect des lois) que cautionnent les Camerounais, mieux,  qu’ils nourrissent de leur peur pathologique présentée sous les faux oripeaux d’un légalisme intempestif. 

Rompre le nœud gordien de l’asservissement du maître au serviteur

La conséquence en est qu’à force de se sentir obligé de n’obéir qu’aux ordres venus d’en haut, les Camerounais ont depuis la deuxième moitié des années 1990, laissé aller en fumée toutes les occasions de marquer leur autorité en tant que peuple, détenteur véritable de la souveraineté, sur ses mandataires des différents pouvoirs reconnus que  sont l’exécutif, le législatif et le judiciaire, à telle enseigne que les rôles s’en trouvent gravement inversés : les serviteurs qui sont seulement censés faire figure d’autorité parce que le mandat populaire leur en confère les prérogatives à charge de rendre compte au mandant, sont devenus l’autorité qui dicte ses quatre volontés et décide ce qui est bon où ne l’est pas pour le peuple réduit au rang de serviteur, décide quand et comment le peuple ou une partie du peuple doit exprimer sa peine ou sa joie, tout ceci sous le regard du même peuple qui assiste en spectateur indifférent ou béatement ébloui, à l’accaparement de ses droits par des puissants qu’il ne tient qu’à lui de réduire à la portion congrue, et qui, comme si cela ne suffisait pas, en est réduit à ne confier son sort qu’à des organisations politiques qui ne sont avant et après tout que des appareils en quête du pouvoir et des moyens de sa conservation, et qui, s’ils ont conscience de n’avoir à fare qu’à un peuple veule, frappé d’inertie et mentalement lessivé par la crainte de la répression, auront beau jeu, une fois qu’ils auront réussi à conquérir le pouvoir, de vouloir le conserver par tous les moyens, y compris les plus déloyaux.

Le prétexte pris par les Camerounais pour ne pas protester samedi est que le MRC (ou plutôt ce parti et la coalition formée autour de son leader pendant la dernière campagne présidentielle)  avait annulé ou reporté les marches annoncées dans un premier temps pour le 6 avril par le 3ème Vice-président du MRC, Emmanuel Simh, puis reportées au samedi 13 avril par Christopher Ndong Nveh, le Secrétaire général du parti.

Et pourtant, outre le fait que jusqu’à la tombée de la nuit de ce samedi 13 avril, des voix se sont élevées (Cf. https://www.facebook.com/Paulchouta/photos/le-pr%C3%A9sident-du-modecna-appel-les-leaders-camerounais-%C3%A0-mobiliser-le-peuple-pour/2255494534511145/) pour faire comprendre aux Camerounais qu’il n’était point besoin de l’appel d’un parti politique ou de l’autorisation d’un ministre ou préfet quelconques, pour que les Camerounais expriment leur sentiments, la Constitution et les chartes internationales leur en conférant indéniablement le droit qu’aucune force armée, fut-elle constitué de « nés pour tuer », ne peut lui ôter, nul ne peut dire que le hold-up électoral, les tirs à balles plus ou moins réelles sur des manifestants, pacifiques ou non, les arrestations en violation de la loi des militants politiques et de leurs leaders, le  jugement des civils par un tribunal militaire, les jugements à huis-clos à la Cour d’Appel, les démarches insidieuses visant à tenir des élections régionales avant les élections municipales qui permettront de mettre sur pied le corps électoral approprié pour l’élection des conseillers régionaux, la tenue des élections mêmes dans un contexte sécuritaire infernal dans les régions anglophones où les forces de défense et les séparatistes jouent à qui tuera le plus, qui incendiera le plus villages et hôpitaux et qui enlèvera le plus de citoyens, sans oublier le retrait humiliant de l’organisation de la CAN 2019 à cause des détournements massifs des deniers publics affectés aux travaux de réalisation des infrastructures dédiées… sont avant tout des offenses faites au Cameroun et aux Camerounais, dont les Ndoki, Kamto, Ekoka, Kingue, Belibi, Valsero, Mota, Simh, Noah, Ebode… ne sont qu’une infime représentation, et bien plus, aujourd’hui, des martyrs de la cause.

Kamto et Cie ont fait leur part…

Une supposition donc -les Camerounais étant trop obéissants pour que les exemples tunisiens, burkinabé, RD-Congolais, algérien, soudanais… soient pour eux sources d’inspiration-  que Biya et Kamto s’arrangent dans le cadre d’un deal pour une passation de pouvoir en douce, de quels moyens moraux de pression disposeront-ils pour obliger Kamto à devenir le président serviteur du peuple qu’ils appellent de leurs vœux, et qu’il est certes disposé à être s’il est lié par un arrangement avec celui qui ne lui a lâché la grappe et le pouvoir qu’à la condition qu’il perpétue un système qui se fout des préoccupations du peuple comme de l’an 40 ?

En attendant la réponse à cette question, il faut retenir que le 13 avril 2019, les Camerounais, refusant obstinément de prendre la Bastille peur installée en eux par eux-mêmes pour inhiber leur capacité de dire non en secouant la tête et non en la hochant, ont laissé un ministre des interdictions un peu filou installer sur eux son empire de l’intimidation. En contrepartie de quoi ? De rien. « Njoooooh » !!! Ils attendaient que Kamto se dédouble ou devienne Léon Dutilleul, personnage fantastique de la non moins fantastique nouvelle « Le Passe-muraille” de Marcel Aymé. Or aux dernières nouvelles, le régime du tout-puissant patron du non moins tout-puissant Atanga Nji prépare des choses plus pétaradantes contre Kamto qui a eu le courage de sacrifier sa liberté pour celle des gens qui sont plus que jamais déterminés à sacrifier la leur pour la servitude… à vie.

Quand on est fort pour récolter là où l’on n’a pas semé, il faut s’attendre à récolter ce qu’on n’a pas semé : c’est-à-dire RIEN !

Ci-dessous, la Loi n°90 /055 du 19 décembre 1990 fixant le régime des réunions et des manifestations publiques
 

Chapitre I : Dispositions générales
Article premier.- Le régime des réunions et des manifestations publiques est fixé par les dispositions de la présente loi.
Chapitre II : Des réunions publiques
Article. 2.- A un caractère public, toute réunion qui se tient dans un lieu public ou ouvert au Public.
Article. 3.- (1) Les réunions publiques, quel qu’en soit l’objet, sont libres.
(2) Toutefois, elles doivent faire l’objet d’une déclaration préalable.
(3) Sauf autorisation spéciale, les réunions sur voie publique sont interdites.
Article.4.- (1) La déclaration visée à l’article 3 al. 2 ci-dessus est faite auprès du chef de district ou du sous-préfet sur le territoire duquel la réunion est prévue trois jours francs au moins avant sa tenue.
(2) Elle indique les noms, prénoms et domicile des organisateurs, le but de la réunion, le lieu, la date et l’heure de sa tenue, et doit être signée par l’un d’eux.
(3) L’autorité qui reçoit la déclaration délivre immédiatement le récépissé.
Article. 5.- (1) Toute réunion publique doit avoir un bureau composé d’au moins trois personnes chargées de maintenir  l’ordre, d’empêcher toute infraction aux lois, d’interdire tout discours contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, ou de nature à inciter à la commission d’actes qualifiés crime ou délit.
(2) L’autorité administrative peut déléguer un représentant pour assister à la réunion.
(3) Seul le bureau peut suspendre ou arrêter la réunion. Toutefois, en cas de débordement, le représentant de l’autorité administrative, s’il est expressément requis par le bureau, peut y mettre fin.
Chapitre III: Des manifestations publiques
Article. 6.- (1) Sont soumis à. l’obligation de déclaration préalable, tous les cortèges, défilés, marches et rassemblements de personnes et, d’une manière générale, toutes les manifestations sur la voie publique.
(2) Dérogent à l’obligation visée à l’alinéa 1er les sorties sur la voie publique conformes aux traditions et usages locaux ou religieux.
Article. 7.- (1) La déclaration prévue à l’article 6 ci-dessus est faite au district ou à la sous préfecture où la manifestation doit avoir lieu, sept jours francs au moins avant la date de ladite manifestation.
(2) Elle indique les noms, prénoms et domicile des organisateurs, le but de la manifestation, le Lieu, la date et l’heure du rassemblement et, s’il y a lieu, l’itinéraire choisi, et est signée par l’un d’eux faisant élection de domicile au chef-lieu ou de l’arrondissement ou du district.
Article. 8.- Le chef de district ou le sous-préfet qui reçoit la déclaration en délivre immédiatement récépissé.
(2) Toutefois, s’il estime que la manifestation projetée est de nature à troubler gravement l’ordre public, il peut, le cas échéant:
– Lui assigner un autre lieu ou un autre itinéraire ;
– interdire par arrêté qu’il notifie immédiatement au signataire de la déclaration au domicile élu.
(3) En cas d’interdiction de la manifestation, l’organisateur peut, par simple requête, saisir  le président du tribunal de grande instance compétent qui statue par ordonnance dans un délai de 8 jours de sa saisine, les parties entendues en chambre du conseil.
(4) Cette ordonnance est susceptible de recours dans les conditions de droit commun.
Chapitre IV : Des dispositions pénales et diverses
Article. 9.- (1) Sans préjudice, le cas échéant, des poursuites pour crimes et délits, est puni des peines prévues à l’article  231 du Code pénal quiconque:
a) participe à l’organisation d’une réunion publique qui n’a pas été préalablement déclarée ;
b)) fait une déclaration de nature à tromper les autorités sur les conditions ou l’objet de la réunion ;
(2) Est puni des mêmes peines quiconque :
a) avant le dépôt de la déclaration ou  après l’interdiction légale d’une manifestation, adresse, par quelque moyen que ce soit, une convocation pour y prendre part ;
b) fait une déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper sur les conditions de la manifestation projetée.
Article. 10.- Sont punis des peines prévues à l’article précédent,  les organisateurs de toute manifestation publique sans déclaration requise ou après notification de l’interdiction légale.
Article.11. Le régime des réunions publiques pendant les campagnes électorales est fixé par la loi électorale.
Article. 12.- La présente loi abroge toutes dispositions antérieures.
Article. 13.- La présente loi sera enregistrée, publiée selon la procédure d’urgence, puis insérée au Journal Officiel en français et en anglais.

Le Président de la République.
(é) Paul BIYA

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