Cameroun- Mandat superflu, instabilité chronique, lâchage américain, équations successorales…: Fin de règne mouvementée pour Biya (Mondafrique)

Les années 2017-2019 pourraient entrer dans l’Histoire africaine comme celles qui auront vu la chute de despotes face à la révolte des peuples.  Le président camerounais, Paul Biya, voit lui aussi son avenir fragilisé.

L’année 2019 restera comme celle de l’hécatombe des autocrates en Afrique. l ‘Algérien Abdelaziz Bouteflika (82 ans et près de 20 ans de présidence), le Soudanais Omar Al-Bechir (75 ans et près de 30 ans de présidence) ont été confrontés à la vindicte populaire comme le Gambien Yahya Jammeh (22 ans de pouvoir), le Zimbabwéen Robert Mugabe (30 ans de pouvoir ) et l’Angolais Jose Eduardo Dos Santos (38 ans de pouvoir), déchus en 2017. Le Sud-africain Jacob Zuma avait été contraint à la démission, le 14 février 2018.

L’Equato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (76 ans et bientôt 40 ans de pouvoir) et le Camerounais Paul Biya (86 ans et 36 ans de pouvoir) doivent se sentir bien seuls et sont probablement atteint de paranoïa.

A plus d’un titre, Paul Biya apparaît le plus fragile.

Le mandat de trop

Le septième mandat présidentiel de Paul Biya, commencé par son élection du 7 octobre 2018 avec 71 % des voix, pourrait être de trop. Son pouvoir personnel, conforté avec des membres de son ethnie Boulou et élargi avec des courtisans opportunistes venant d’autres régions, et sa gouvernance « à distance », maintenue sans la moindre retenue avec les lettres de cachet de l’ « opération Epervier », accentuent les multiples crises du pays.

Jamais le Cameroun n’a connu une telle situation. En dépit d’une croissance annuelle de 3,6%  les inquiétudes sur la situation économique ne manquent pas. Le FMI effectue actuellement une Revue dans le cadre de la Facilité Elargie de Crédit (2017-2019). Sur un plafond de crédits de 396 milliards de CFA, seulement 245 milliards ont pu être décaissés. Au-delà des satisfecits habituels, le FMI encourage les autorités camerounaises à augmenter les recettes non-pétrolières, à améliorer la soutenabilite de la dette et à réduire les dépenses. Tout cela doit se faire en pleine crise dans les domaines sociaux, éducatifs et sécuritaires.

Une instabilité grandissante

La quasi guerre civile dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest amène son lot de désolation et de terreur. La secte Boko Haram accentue ses incursions dramatiques dans l’Extrême -Nord provoquant la réplique sans nuances des Forces spéciales camerounaises.

La zone frontalière avec la République centrafricaine est la proie aux dégâts collatéraux de la crise centrafricaine avec ses milliers de réfugiés et l’insécurité dans de nombreux villages. La ville portuaire et cosmopolite de Douala est de plus en plus agitée par des mouvements populaires, confirmant son rôle de catalyseur de toutes les revendications.

L’ultime affront du dessaisissement de la Coupe d’Afrique des Nations, prévue en juin 2019 avec la caution personnelle de Paul Biya, a été un choc pour les supporters des Lions indomptables et un cinglant revers pour le chef de l’État.

Le lâchage américain

Pour Donald Trump, le Cameroun de Paul Biya est l’archétype de la Françafrique et d’un pays très corrompu méprisant les droits humains. La nomination de Tibor Nagy, comme son « Monsieur Afrique », a été peu appréciée au Palais Etoudi. Ce diplomate spécialiste de l’Afrique et fin stratège avait été en poste à l’ambassade US de Yaoundé, de 1991 à 1993.  Il avait déjà, à cette époque, souhaité le départ de Paul Biya et la victoire de John Fru Ndi. A peine nommé par Donald Trump en juillet 2018, n’avait-il pas dénoncé « les dinosaures corrompus qui veulent rester président a vie » et appelé de ses voeux l’émergence de la jeunesse?

Lors de sa rencontre avec Paul Biya, le 18 mars 2019, en dépit d’un compte-rendu fort diplomatique, il n’avait pas manqué de s’inquiéter sur la situation politique et humanitaire dans les régions anglophones et de l’arrestation d’opposants, en particulier celle de Maurice Kamto. Ce n’est pas sa nomination honorifique de commandeur de l’Ordre de la Valeur camerounaise qui le fera changer d’avis. Quelques heures après la destitution d’Omar Al-Bechir, Tibor Nagy n’avait-il pas déclaré à Houston:  « Après le Soudan, ma prochaine préoccupation est le Cameroun »
Par la Résolution 2019/2691 du 18 avril 2019, le Parlement européen, qui vit ses dernières heures, a stigmatisé la situation politique au Cameroun, notamment pour les exactions commises dans l’Ouest anglophone, les restrictions aux libertés publiques, les arrestations arbitraires et le sort réservé aux opposants notamment à leur leader Maurice Kamto.

A cela, s’ajoutent les désaccords sur l’application de l’Accord de Partenariat Économique de 2014, concernant notamment les démantèlements tarifaires qui rendent de plus en plus délicates les relations avec l’Union européenne.
Même si les relations entre Emmanuel Macron (40 ans) et Paul Biya (86 ans), ne sont pas exemptes de nuages, l’Élysée a souhaité « bonne réussite » pour le nouveau mandat présidentiel du « Sphinx ».

Inquiétudes françaises

Comme pour Bouteflika, Compaoré ou Ben Ali, la France invoque toujours la stabilité du pays pour ne pas apparaître comme ayant lâché un  président en grande difficulté. Évidemment, cette posture ne l’empêche pas d’être pour le moins vigilante dans l’avènement du successeur.

Des difficultés avec Paris se multiplient notamment dans les décaissements des projets du Contrat de désendettement et développement (C2D) et des tensions diplomatiques sont apparues après l’arrestation de Maurice Kamto, agrégé de droit des facultés françaises et resté avocat au barreau de Paris. Comme pour les Américains, le Cameroun constitue la grande préoccupation de la France en Afrique centrale. Le Quai d’Orsay et l’Élysée souhaitent probablement ne plus être pris au dépourvu, comme très récemment avec l’élection de Félix Tshisekedi, en RDC.

Alors que Paul Biya vient à peine de terminer le premier semestre de son septennat, qui devrait le conduire en 2025, les réseaux sociaux bruissent de rumeurs sur sa prochaine succession. Si celle-ci pourra être maîtrisée par l’intéressé, comme Ahmadou Ahidjo l’avait organisée en sa faveur en 1982, plusieurs noms reviennent avec insistance.

Les destitutions inéluctables d’Abdelaziz Bouteflika et d’Omar Al-Bechir confirment que la volonté des autocrates et de leur clan pèsent peu devant la révolte d’un Peuple en ébullition.

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