Cameroun: Torture à la Sécurité militaire : Quand un avocat achète l’affaire Longué Longué

Cette tribune, Me Ntimbane Bomo avocat camerounais domicilié en France  l’a rendue publique le 1er mai dernier, apportant sa contribution à la lutte que mènent les Camerounais contre l’impunité, contre la torture, contre l’Etat de non-droit, contre la prévalence du règne du droit de la force au détriment de celui de la force du droit.

16 jours après, alors que les Camerounais ne vibrent plus qu’au rythme de l’injonction faite aux opprimés  par le président Biya de  pardonner à leurs oppresseurs, on n’a pas idée de la réponse de Longue Longue à celui qui veut remuer le ciel et la terre pour que justice lui soit rendue.

L’ancien “Libérateur” dont la cause émeut encore ses compatriotes qui l’ont vu pleurer en mondovision des suites de la torture  inhumaine  et ignoble qui lui aurait été infligée a-t-il si facilement cédé aux sirènes du pardon au risque d’encourager les auteurs de son malheur à la commission de telles atrocités sur d’autres citoyens ? Nul ne sait ! Mais l’appel de Me Mbomo est encore d’actualité, même si l’on aurait souhaité que le parquet militaire s’autosaisisse de l’affaire, pour la tirer au clair, afin que plus jamais, la Sécurité militaire ne déshonore ainsi l’armée nationale.
Relisons donc cet appel.

SVP, SI VOUS CONNAISSEZ LONGUE LONGUE OU SI POUVEZ LUI TRANSMETTRE CE COURRIER, FAITES-LE. JE NE  SAIS  PAS COMMENT   L’AVOIR.
JE SOUFFRE  DE SA SITUATION ACTUELLE. PLEASE.

« Mon cher  ami LONGUE LONGUE,

Je suis Maître Christian NTIMBANE BOMO que tu connais bien  depuis  près de 25 ans à l’écho de Bonanjo où tu jouais souvent.

La dernière fois où nous nous sommes vus, il ya quelques années, c’était au restaurant le coq noir à Paris lors de ta sortie de prison.

Je sais que tu m’as toujours porté en estime et tu n’as pas souvent manqué lors de tes spectacles auxquels j’avais assisté  de me manifester publiquement ta reconnaissance pour le peu de soutien que j’ai pu t’apporter en tes débuts de carrière. Tu te rappelleras certainement que tu m’avais remis la maquette de ton premier album AYO Africa, espérant que je puisse le produire. Mais n’ayant aucune connaissance de l’industrie musicale, je n’ai pas pu le faire.
  Dans ces moments de détresse, je voudrais t’apporter toute ma compassion.

Encore très jeune tu  m’avais fasciné par ton courage.  Echo de Bonanjo, à côté de l’hôtel Arcade à Douala où tu prestais, était fréquenté essentiellement par des occidentaux parmi eux des diplomates français. Mais sans désemparer, alors qu’une telle entreprise pouvait entrainer la suspension de tes prestations, qui visiblement, irritaient ces bons clients occidentaux du cabaret, tu décriais devant eux, leur accaparation injuste de nos richesses naturelles.
 En réalité, tu fais la musique  dont l’Afrique a besoin. Tu allies talent et consistance. D’ailleurs, j’ai un ami qui prépare une thèse de Doctorat  dans une grande université française sur tes thèmes musicaux. Il m’a promis te rencontrer bientôt.

Ceci dit, je t’écris pour te dire que tu n’as commis aucune faute sur le plan pénal pour accepter de subir toutes ces brutalités, violences morales et psychologiques. Tu  as donné ton opinion sur le déroulement des élections présidentielles dans ton pays. J’ai réécouté ta déclaration, ce n’était qu’un point de vue. Tu  as exprimé ta position comme beaucoup de personnes le font non seulement au Cameroun mais ailleurs. Tu n’as pas empêché l’exécution de la décision  du conseil constitutionnel auquel cas on aurait pu parler de rébellion. Aucune loi camerounaise n’interdit à un citoyen de donner son point de vue sur les résultats d’une élection. 

Ce qui est interdit c’est d’empêcher ou de s’opposer à  l’exécution de la décision du conseil constitutionnel. Car devenue définitive et sans recours. Par exemple, empêcher la prestation  de serment de celui qui a été déclaré élu, sous peine de violer le caractère inattaquable de la décision de cette Cour.

 Je répète, tu as donné ton point de vue. On appelle ça opinion. Et cette opinion n’engage que toi. C’est ta liberté  d’opinion.

En France, il  suffit d’aller sur You tube pour  constater qu’il ya  encore de nombreux français qui continuent de dire que Macron n’a pas gagné les élections présidentielles en 2017. Aux Etats-Unis après la prestation de serment de Donald Trump  de  millions d’américains ont arpenté les rues américaines pour dénoncer ce qu’ils considéraient comme la fraude électorale de Donald Trump. Jamais ces personnes n’ont  vécu ce que tu vis. Jusqu’à nos jours de nombreux camerounais disent ouvertement que c’est Fru Ndi qui avait gagné l’élection présidentielle de 1992.


LONGUE LONGUE: “ON M’A TORTURÉ,CHICOTÉ, ON A CONFISQUÉ MON PASSEPORT…”

Tu as déclaré au cours d’une émission  à la chaîne de télévision Equinoxe  dimanche dernier que tu avais été bastonné à la machette à la Semil à Douala au point d’uriner du sang. Je n’arrive pas à croire que ce service dirigé par un ami  ait pu poser un tel acte. Comment peut-on imaginer que cet officier formé à l’Ecole Navale Américaine, çàd dans une école où on a, entre autre pour dévise de respecter et protéger la vie humaine, puisse admettre que tels traitements soient infligés à un citoyen dans son unité de commandement quelque soit ce qu’on lui reprocherait. Si tel est le cas , il y aurait bien à craindre que notre pays retombe sur des exécutions sommaires du temps des lois sur la subversion.

J’ai aussi appris que ton passeport t’aurait été retiré pour t’empêcher de faire une tournée au Canada. C’est un abus d’autorité. Le retrait du passeport est une mesure qui doit être prise par le juge pénal à l’issue d’un procès. Le procureur de la République ou le juge d’instruction peuvent aussi le faire, mais lorsqu’une procédure  est ouverte.

Cette autorité camerounaise qui retient ton passeport en ce moment, qui n’est ni juge, ni procureur est passible de poursuites pour abus de pouvoir.

N’aie pas peur, cher ami, dépose une plainte ou fait une citation directe contre cette ou ces autorités civiles ou militaires qui t’auraient bastonné à la machette ou qui auraient pris ton passeport. Je constituerai à mes frais un pool d’Avocats pour te défendre.

Il est suicidaire de ne rien faire en s’accommodant à de telles pratiques qui deviennent  légion au Cameroun.

Les abus d’autorité ne doivent pas devenir la règle non écrite dans notre pays. Nous ne voulons pas d’un État qui terrorise.

 Même si au final, nous ne gagnerons pas contre ces forts, parce que nous savons leur degré d’intimidation des autres corps de métiers  de ‘État,  nous aurons eu le mérite de n’avoir pas accepté  l’instauration  du système  de pouvoir selon lequel,  La raison du plus fort  est toujours là meilleure.  Nous refusons un État de justiciers  où les sécurocrates dictent la loi et se substituent à  la justice  républicaine  par l’instauration d’une justice noire qui se tient dans des salles d’interrogatoires  et de tortures.

Tu n’as pas à te livrer en spectacle comme tu le fais en ce moment. N’accepte pas ces humiliations. Je comprends que les temps sont difficiles.

Il n’est aucune  raison que les autorités non judicaires s’arrogent le droit de  punir les camerounais qui ne seraient pas d’accord avec leurs positions politiques.

Dans une république, l’administration est neutre. Elle ne doit pas être un instrument dont se sert  le parti au pouvoir. au parti au pouvoir. Que deviendra le Cameroun si chaque parti qui viendra au pouvoir s’approprie la puissance publique concédée à l’administration?

Cher Longue Longue, ce n’est pas parce que tu n’approuves pas la politique du RDPC que l’administration camerounaise doit te sanctionner à cause de ton choix politique pour l’opposition. N’accepte pas de  t’excuser  auprès de tes tortionnaires car ce sont eux qui ont violé la loi en te faisant subir tous ces humiliations et sévices.

 Dernièrement en te voyant à genoux face à  Djene Djento qui se déclare être un militant du RDPC, j’ai compris que tes choix politiques sont très mal acceptés par l’élite RDPC de ta communauté qui a décidé de te faire changer d’avis.

Prophétiquement tu t’es fait appeler le LIBERATEUR;

Oui, comme tout libérateur, tu seras persécuté. N’aie pas peur de la mort, car aucun homme fût-il puissant ne peut te donner la mort si Dieu ne l’a  accepté.

  Ne renonce pas à ta mission de dénonciateur du mal que tu t’es donné. Face à la pression, n’accepte pas de dire que  le mal est devenu le bien pour  donner bonne conscience  à ceux qui font du mal. Sois juste dans tes prises de position. Car un libérateur est d’abord un homme juste.
 
Je te remets entre les mains du Seigneur. Tu es dans mes prières.

Dans la paix, cher Longue Longue.»

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