Encore une femme enceinte décédée faute de soins au moment de donner la vie. Cette fois-ci, c’est à l’hôpital de district de Kaélé, dans le département du Mayo-Kani (région de l’Extrême-Nord)
Le je-m’en-fichisme médical a encore tué au Cameroun, où la communauté des médecins n’aurait tiré aucune leçon du scandale Monique Koumatékel, tuée atrocement en mars 2016 à l’hôpital Laquintinie de Douala.
Le drame est survenu le 3 août 2019. Une femme enceinte à terme et en plein travail d’enfantement n’a pas pu bénéficier des prestations des chirurgiens alors que sa situation nécessitait une césarienne. La raison, les deux médecins compétents dont dispose la cette formation sanitaire n’étaient pas présents. Résultat des courses, celle qui allait donner la vie a perdu la… sienne.
Alerté, le ministre de la santé, Malachie Manaouda s’est montré offusqué par cette affaire. Après avoir qualifié d’inacceptable cette situation dans un tweet daté du 7 août, et adressé sa compassion émue à la famille de la victime,
La situation qui prévaut à l’HD de Kaele est inacceptable si l’enquête que je viens de prescrire confirmait la véracité des faits. Notre compassion émue à la famille de cette valeureuse dame de regrettée mémoire.
— Dr MANAOUDA MALACHIE (@DrManaouda) August 7, 2019
Malachie Manaouda a finalement pris une sanction vendredi à l’encontre du principal responsable de l’hôpital de district de Kaélé, le Dr. Njongmo Daïssala, qui a été suspendu de ses fonctions pour une durée de 3 mois.
Suspension de trois mois pour le directeur de l’hôpital de #Kaélé dans l’Extrême Nord. Une femme enceinte est décédée dans cet hôpital du département du Mayo Kani après avoir attendue pendant plusieurs heures l’arrivée d’un médecin pour une césarienne.#Cameroun #Santé pic.twitter.com/yM0fW291RN
— CRTVweb (@CRTV_web) August 9, 2019
Il y a trois ans, l’affaire Monique Koumatekel
La dépouille de Monique Koumatekel. Morte parce que sa famille n’avait pas de quoi graisser la patte au personnel soignant, dans un pays dont le président dépense des centaines de millions pour se soigner en Occident
Cet autre drame qui éclabousse l’institution médicale au Cameroun déjà mise sur la sellette et vilipendée à raison pour sa vénalité, sa corruption, ses négligences et la pauvreté des plateaux techniques, et la sanction par trop diplomatique dont les responsables font l’objet après leurs bavures rappelle à la mémoire collective la triste affaire Monique Koumatekel survenue le samedi 12 mars 2016 à l’hôpital central (Laquintinie) de Douala. Cette dame âgée de 31 ans, déjà mère de trois enfants y était arrivée, portant une grossesse gémellaire. Le personnel médical ne s’occupera nullement d’elle jusquà ce qu’elle rende l’âme.
Pour se dédouaner, les responsables de l’hôpital soutiendront tantôt, qu’elle avait trouvé la mort bien avant d’arriver à l’hôpital, tantôt, qu’elle était décédée parce que ses proches l’avaient mise dans la malle arrière du taxi qui l’avait transportée à l’hôpital. Ce qui revenait au même, puisque tout au plus ce n’était que des corps morts qu’on pouvait mettre dans la malle arrière d’un taxi. Et encore. La famille de la défunte affirmait pour sa part que c’est dans l’enceinte de l’hôpital et longtemps après que la jeune dame en travail et ses accompagnateurs eurent tout essayé pour décider le personnel médical de s’occuper d’elle qu’elle décéda dans la douleur. Une de ses proches entreprit alors d’ouvrir le ventre de la morte avec des lames (il s’agirait des bistouris qu’elle aurait achetés à la pharmacie de l’hôpital) espérant ainsi sauver les deux fœtus. Peine perdue, les enfants n’étaient pas partants pour voir le jour vivant dans cet enfer d’inhumanité qu’est le Cameroun.
Contrairement à la réaction de Manachie Manaouda, Il fallut attendre un mois (le 13 avril 2016) après ce drame pour que tombe la première sanction, à savoir le limogeage par un décret du Premier ministre d’alors, Philemon Yang Yundji, du Dr. Jean II Dissongo, directeur de l’hôpital Laquintinie à l’époque. Le 5 septembre 2017, le Dr Jean II Dissongo est promu délégué régional de la Santé pour le Littoral par le ministre de la Santé publique, André Mama Fouda. Quant aux infirmières coupables de négligence, elles ne furent même pas égratignées.
Et les cieux continuèrent de demeurer au dessus de la terre, tandis que la terre tournait autour du soleil comme d’habitude. Au Cameroun de Paul Biya, on s’en f… ! La preuve:
Voilà ce que je décris, les Hôpitaux de notre Cameroun à tous sont devenu comme les marchés. Sans argent personne n’a ton temps. A l’hôpital de District de Bonassama, une femme toujours enceinte a été renvoyée chez elle faute d’argent pourtant gravement affaibli par la maladie.
— Nicolas HEHA (@Windacameroun) August 10, 2019