Côte d’Ivoire: Vous avez dit reconciliation?

Aller plus loin dans le processus de  réconciliation

Nous commençons notre intervention de ce jour avec un récit qui figurerait volontiers et valablement au chapitre des faits divers, c’est-à-dire des faits banals et isolés de la vie quotidienne, s’il n’avait pour point de mire le comportement ubuesque d’un élément des FRCI.

Nous effectuions un voyage à l’intérieur du pays pour des raisons, somme toute, assez personnelles, ce samedi 30 juillet 2011, quand notre mini car Massa de marque Mercédès a dû obtempérer au coup de sifflet des forces de l’ordre, aux environs de 13 heures, au corridor de Yamoussoukro Zatta. Après les contrôles de routine, nous avions amorcé notre départ des lieux, quand un autre coup de sifflet a retenti : contrôle des agents des eaux et forêts. Le conducteur stationne et le véhicule est passé au crible. Rien à signaler à part un grand bidon jaune de 20 litres, rempli d’huile de palme rouge, dont le propriétaire est introuvable. En tout cas, absent du mini car. Le conducteur est lui-même surpris qu’un tel bidon soit dans son véhicule sans qu’il en ait été informé.

Le soldat FRCI armé d’une kalachnikov et couvrant le contrôle de l’agent des eaux et forêts exige donc que ledit bidon soit descendu et mis sous consigne. Notre conducteur s’y refuse dans un premier temps, estimant qu’il est de son devoir de répondre de tout colis chargé dans son engin, en l’absence de tout propriétaire.

Mais notre soldat FRCI se faisant menaçant, le fameux bidon est descendu. Des pourparlers s’engagent donc. Il est demandé à notre conducteur de verser une certaine somme, un passe-droit, afin de récupérer son bidon. Il y oppose une fin de non recevoir. Après de longues discussions et un coup de fil à sa gare pour informer ses supérieurs qu’il abandonne un colis chargé à son insu dans le mini car, quitte au vrai propriétaire de venir en effectuer le retrait auprès des agents du corridor, il s’engouffre dans sa cabine et démarre.

Nous avons tout juste le temps d’entendre le premier vrombissement du mini car quand une détonation assourdissante se fait entendre dans notre dos. Le soldat FRCI venait d’ouvrir le feu. Branle-bas général au corridor, scène de terreur et cris d’épouvante dans le mini car, des femmes dioulas en pleurs dans leur langue, deux blessés qui se tiennent la tête en sang. Le conducteur freine des quatre fers. Nous descendons tous de l’engin dans le plus grand désordre.

Que s’est-il passé ? Le soldat FRCI n’ayant pas reçu son passe-droit a tiré une balle de kalachnikov dans le bitume, qui en a arraché le gravier, a ricoché sur la carrosserie du véhicule côté pneu arrière droit et les éclats ont blessé notre «apprenti», ainsi que celui d’un autre mini car Massa stationné à quelques mètres. Nous avons ainsi été immobilisés pendant près d’une heure pour décanter cette situation totalement irréelle. Pendant que les chefs de postes FRCI du corridor appelaient leur hiérarchie à Yamoussoukro pour régler ce grave incident et faire admettre les deux blessés au CHR de la capitale, des gendarmes, ex-FDS non armés, faisaient des remarques au soldat indélicat. Les passagers ne s’en privaient pas non plus. Particulièrement deux femmes malinké qui criaient toute leur colère et leur profonde déception.

L’un des gendarmes lui a fait comprendre qu’un tir de sommation se faisait en l’air et non dans le sol et qu’il aurait pu faire des morts. Il n’en fallait pas plus pour faire «péter les plombs» à notre pistolero : «Je n’aime pas ça ! Méfie-toi, hein ! C’est parce qu’on ne veut pas parler c’est ça, sinon si on veut voir-là, nous on vous a gagné (sic !), c’est pour ça qu’on est là. Si on veut même là, on peut vous chasser d’ici !». Il reprend sa kalachnikov, qu’il avait entre temps adossé à un pan de mur du poste, et l’arme bruyamment. Débandade générale au corridor avant un retour précaire au calme. Tout le monde a craint un nouveau tir. Les ex-FDS présents sur les lieux, douaniers, policiers, eaux et forêts et gendarmes, n’en croient pas leurs yeux. Aucun d’eux, du reste, n’a la moindre arme. Dans cette nouvelle Côte d’Ivoire. A part, bien sûr, ces ex-rebelles.

Le soldat FRCI quitte les lieux pendant une bonne quinzaine de minutes, à moto, tout en colère, imbu qu’il est de sa personne, et revient juste à temps pour voir arriver sa hiérarchie dans une Mercédès berline et un pick-up, sans immatriculation, badigeonnés de peinture noire avec une inscription d’un jaune éclatant : «FRCI». Sur ces faits, n’en pouvant plus d’attendre et plus qu’écoeuré, nous empruntons un autre car pour poursuivre notre voyage.

Cette fin est plutôt heureuse quand on sait que ce corridor, comme tous les autres d’ailleurs en Côte d’Ivoire, grouillent de vendeurs de toutes sortes et surtout de petites vendeuses d’arachides, de maïs bouillis, de bananes braisées, d’eau en sachet, de tomates, etc. Il aurait pu y avoir mort d’homme. Et le drame serait resté
sans suite, dans cette impunité générale dont jouissent les FRCI. Il faudrait beaucoup de contorsions et un véritable nettoyage au karcher à la Côte d’Ivoire pour retrouver une armée digne de ce nom.

Ce récit rocambolesque, pour souligner à quel point notre armée a rétrogradé dans l’estime de sa population et donne, aujourd’hui, l’image d’une bande d’incontrôlés et d’incultes. Devant autant d’incurie, vous comprendrez notre joie que les vrais professionnels soient de retour (à tout le moins, une partie). En effet, c’est avec
un plaisir réel que nous avons vu revenir d’exil nos dignes soldats à travers les personnes du Colonel-major Konan Boniface, l’Enseigne de Vaisseau Honoré Zohin, le Lieutenant Delafosse Oulaï et le Lieutenant Sama Emmanuel, le frère cadet de l’ancien ministre de Robert Guéi.

Nous saluons à juste titre le retour de ces hommes connus pour leur professionnalisme et leur bravoure ainsi que le beau coup de la délégation abidjanaise partie les rencontrer et négocier avec eux au Ghana, avec à sa tête le ministre Adama Bictogo de l’Intégration Africaine et le Ministre délégué à la Défense, Paul Koffi Koffi. De tels officiers peuvent valablement contribuer à rehausser l’image et la réputation de notre armée, assez mal en point, il faut l’avouer, avec des faits comme ceux que nous avons vécus à Yamoussoukro, et qui sont loin, bien loin d’être des actes isolés. Et surtout, les voir revenir au bercail a une vertu fortement apaisante pour le microcosme social ivoirien.

Nos soldats ne sont pas rentrés sans un minimum d’assurance à eux donnée par les émissaires d’Alassane Ouattara, à savoir : la prise en charge de leur sécurité, la libération du général Dogbo Blé et de tous les autres militaires incarcérés, la garantie de ne subir aucune intimidation ni tracasserie du commissaire du  gouvernement, Ange Bernard Kessy, et de ne faire l’objet d’aucune poursuite judiciaire, estimant ne rien avoir à se reprocher et n’avoir fait que leur travail républicain : celui de défendre la patrie attaquée et l’institution présidentielle, alors reconnue par le Conseil Constitutionnel, en danger. Des promesses leur ont été faites à ce propos qui restent, néanmoins, à négocier point par point avec le pouvoir en place.

Libérer les militaires aux arrêts est la condition sine qua non du retour des autres soldats en exil et de la paix en Côte d’Ivoire ; elle devrait pouvoir entraîner une conséquence logique : la libération des prisonniers civils n’ayant pas de responsabilité politique (comme Hermann Aboa et bien d’autres) et même – pourquoi pas, si on veut vraiment aller à la réconciliation – de tous les prisonniers, y compris du Président Laurent Gbagbo et de son épouse. Oui, il nous faut aller plus loin dans le processus de réconciliation nationale et dans notre volonté de faire la paix. Celle des braves.

Mais des appréhensions légitimes demeurent : nous avons, avec effarement, entendu le chef de l’Etat Alassane Dramane Ouattara accuser le journaliste co-animateur de l’émission «Raison d’Etat», Hermann Aboa, devant la presse américaine – à peine foulait-il le sol étasunien –, d’avoir reçu de l’argent du Président Gbagbo, avoir acheté des armes et les avoir distribués à des miliciens. Ce qui justifierait sa mise sous mandat de dépôt.

Comment se fait-il alors que des faits aussi graves n’aient pas fait l’objet, à titre principal, des charges retenues contre ce jeune journaliste et que ce soit après coup que l’opinion mondiale et ivoirienne ait connaissance de ces chefs d’inculpation ?

Une énigme qu’il faudrait éclaircir au plus vite. Il y va de la crédibilité même du Chef de l’Etat ivoirien. Qui devrait éviter de descendre dans la fange et se garder de constituer une entrave à la justice, en empêchant la vérité des faits d’éclore, permettant ainsi à la justice des vainqueurs de prospérer et de s’enraciner en Côte d’Ivoire. Notre perplexité voire nos inquiétudes relatives à la fiabilité des promesses du pouvoir à aller à la réconciliation résident dans les propos surréalistes tenus par un «super-président» et un chef d’Etat tout puissant comme Alassane Ouattara contre un civil aussi inoffensif qu’Hermann Aboa.

Cette disposition de Monsieur Ouattara à régler ses comptes de façon aussi expéditive peut-elle nous mettre à l’abri d’un coup de théâtre historique relativement au sort des officiers supérieurs fraîchement rentrés d’exil et nous garantir une sortie honorable de crise ? La Côte d’Ivoire ne joue-t-elle pas là un véritable poker menteur
? Pour l’heure, attendons de voir ce qu’enfantera toute la cour faite aux soldats ivoiriens en exil. L’avenir proche nous situera, définitivement.

Que DIEU bénisse la Côte d’Ivoire !

Dindé Fernand Agbo

NB: La titraille est de la rédaction de cameroonvoice

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