On vous connaît déjà: Logiques de paix, logiques de guerre

Si au lendemain de l’élection présidentielle attendue cette année au Cameroun, le pays ne bascule pas dans une instabilité généralisée, ce ne serait pas faute pour les acteurs d’avoir construit, consciemment ou inconsciemment, un imaginaire tout ce qu’il y a de guerrier.

Les appels à la paix et à la stabilité des gens du pouvoir ne suffisent plus à contenir la hargne de ceux, partisans du changement, qui veulent en découdre.

Depuis plus de 20 ans et, face aux critiques de ses adversaires par rapport aux contre performances du Cameroun, le régime du président Biya a choisi de faire de la paix et de la stabilité, le nervure centrale de son argumentaire : « nous n’avons certes pas permis au Cameroun d’atteindre les performances qu’on était en droit d’attendre de lui dans la sous région et dans le monde, mais nous vous permettons de vivre dans un pays en paix et stable. Regardez donc autour de nous », pourrait-on résumer les lignes de défense du régime.

Aujourd’hui, surfant sur la même vague, le secrétaire général du comité central du Rdpc, parti au pouvoir, propose une version plus édulcorée de cette surenchère pacifiste : « on ne mange pas la paix et la stabilité mais sans la paix et la stabilité, on ne peut ni manger, ni produire de quoi manger », soutient René Emmanuel Sadi (photo). A coté de ce discours tout de paix cousu, une figure d’homme de paix est soigneusement construite pour le président Paul Biya, présenté comme le seul élément stabilisateur du système et même de toute la société camerounaise.

Lors de la conférence « Africa21 » organisée à Yaoundé à l’occasion des festivités des cinquantenaires de l’indépendance du Cameroun, le président camerounais s’est fait remettre la « lampe de la paix » par les soins du président de la commission de l’Union africaine Jean Ping. L’ayant reçu, Paul Biya l’a aussitôt allumée en émettant le voeu que cette lampe illumine tout le Cameroun, toute l’Afrique. Ce faisant, il achève de tisser la couronne de l’homme de paix qu’il veut bien être pour de la postérité.

Au rythme où vont les choses, on peut déjà penser que le thème de la paix occupera une place de choix dans l’argument de campagne du parti au pouvoir. En fait, et contrairement aux apparences, le pouvoir de Yaoundé est de plus en plus convaincu de ce que des mains invisibles sont en passe de mettre la paix en péril au Cameroun, comme semble le subodorer René Emmanuel Sadi : « Nous le disons avec toute la gravité parce que nous savons que certains parmi nos concitoyens veulent porter atteinte à ces acquis pour servir ou assouvir de sombres desseins et cela au nom de je ne sais quelle légitimité ». Ce n’est donc pas anodin si le Sg du comité central du Rdpc a pris part au premier conseil national de sécurité.

Les adversaires du Rdpc, s’ils reconnaissent au Cameroun le statut de pays en paix, préfèrent passer cette paix au crible d’une critique sans complaisance. Ils portent ainsi une critique à deux niveaux :
D’abord, ils refusent de reconnaître le Cameroun comme un pays en paix tel que le soutiennent les hiérarques du parti au pouvoir. Ils préfèrent plutôt parler de pays sans guerre ou encore de paix de cimetière arguant le fait qu’on meurt aujourd’hui autant d’insécurité, de choléra et d’autres vilaines maladies au Cameroun que cela aurait pu l’être par armes à feu ou blanche, au cours d’une guerre civile au sens proprement dit.

Ensuite, ils accusent le pouvoir de Yaoundé, de tenter une construction de la paix, non pas dans la culture de l’amour de la paix comme cela devrait être le cas mais plutôt dans la culture de la peur de la guerre notamment en mettant en scène constamment divers scénarios catastrophe. Une stratégie qui ne serait pas très éloignée du fameux « moi ou le chaos ».

La revendication d’un changement politique au Cameroun qui a longtemps irrigué le débat politique, s’est faite hyperbolique ces derniers temps. L’observation du champ politique camerounais au sens large nous révèle la présence d’au moins trois groupes d’acteurs portant les uns des logiques de paix et d’autres des logiques de guerre parfois malgré eux. Leur confrontation dessine le péril qu’encoure le Cameroun.

Il y a des va-t- en guerre qui ne s’en cachent pas. Ils sont plus nombreux au sein de la diaspora et moins nombreux à l’intérieur. Leur credo s’inspire de la formule de Robespierre selon laquelle : « quand un gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs ». Leur faiblesse, c’est leur éloignement des réalités du pays et du même coup, leur déconnexion de la troupe locale sur laquelle ils peuvent s’appuyer pour provoquer compter pour lancer l’insurrection. Sans compter le sibyllin contentieux qui oppose les gens de la diaspora à leurs congénères restés au pays.

Il y a ceux qui veulent le changement même du régime mais redoutent le recours aux armes perçu comme une aventure dont personne ne peut prévoir l’issue. Il s’agit par exemple des promoteurs de l’offre Orange et tous les autres leaders politiques qui, par couardise ou par conviction se laissent séduire par le discours sur la paix. Les tenants de cette voie croient aussi malheureusement en l’efficacité de la communauté internationale et n’hésitent pas à l’inviter à apporter son concours.

Il y a enfin les partisans du statu quo pour qui Paul Biya est devenu une sorte d’assurance vie à l’envers ou tout simplement assurance mort. Ils sont prêts à tout, y compris en brandissant la menace de la guerre pour le maintenir au pouvoir. Un soutien qui va au-delà de la personne soutenue et permet tout simplement de sauvegarder des privilèges acquis. Ainsi vont les logiques de pouvoir au Cameroun en cette veille d’élections.

Etienne de Tayo

NB: le chapeau est de la rédaction de cameroonvoice

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