Libye: Ruée vers l’or noir des compagnies occidentales

Ruée vers l’or noir où des reclassements sont prévisibles, sous la forme d’un retour sur investissement dans la guerre.

Nicolas Sarkozy s’indignerait en privé qu’on puisse penser que la France a mené une « guerre pour le pétrole » rapporte le journal Le Monde. Le chef du CNT fait preuve de moins de pudibonderie. Il a annoncé les pays seront récompensés en « fonction du soutien » apporté aux insurgés. La chute du régime de Kadhafi libèrera la course à l’or noir où des reclassements sont prévisibles. Sous la forme d’un retour sur investissement dans la guerre.

« Nous promettons de favoriser les pays qui nous ont aidés, notamment au travers du développement de la Libye. Nous les traiterons en fonction du soutien qu’ils nous ont apporté », a déclaré Moustapha Abdeljalil.  Le propos du chef du Cnt a suscité des inquiétudes en Italie où l’engagement en faveur des rebelles du gouvernement Berlusconi a été d’abord très hésitant.

Le  ministre de l’information du CNT, Mahmoud Shamman, avait déjà évoqué, de Paris, le 29 juin dernier, une possible révision des contrats conclus sous le régime de Kadhafi.  « Les contrats signés par la Libye seront étudiés et s’il apparaît qu’il y a des preuves de commission ou de corruption financière, nous considérerons qu’ils ne nous engagent pas », avait-t-il déclaré. Il avait provoqué l’émoi général car il était de notoriété publique que la conclusion des contrats était sous supervision directe du guide et de ses fils et que l’octroi de commissions était une pratique banale. Tous les contrats pouvaient ainsi être remis en cause. Mais le propos était davantage motivé par la volonté d’exercer une pression sur les pays qui ont des intérêts pétroliers et gaziers et qui ne reconnaissaient pas le CNT.

C’était le cas de la Chine, de la Russie et… de l’Algérie. Le CNT avait rectifié le tir le 18 juillet en affirmant que les contrats conclus seront respectés et s’est engagé à « coopérer avec les pays industrialisés, y compris la Russie, la Chine et les Etats-Unis. ». L’Algérie dont l’entreprise publique Sonatrach a des intérêts en Libye a été délibérément omise, traduisant clairement le climat de défiance, qui persiste jusqu’à présent, entre le régime algérien et le CNT.

L’Italie défend ses positions

Jeudi, le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi a travaillé au corps le numéro deux de la rébellion libyenne Mahmoud Jibril avec le souci, non caché, de vouloir préserver les positions, fortes, acquises par le groupe italien ENI en Libye sous le régime de Kadhafi. L’empressement de la France à convoquer une réunion à Paris, des « amis de la Libye » le 1er septembre, date anniversaire de la prise de pouvoir de Kadhafi, a clairement donné aux italiens le signal que la course aux hydrocarbures libyens est ouverte.

L’Italie qui a fini par rallier le CNT préservera de toute évidence ses positions. Paolo Scaroni, le patron d’ENI, a souligné qu’elle « a été la première entreprise internationale à rencontrer le CNT (Conseil national de transition) dès le 3 avril. » Et qu’elle est depuis « en contacts intenses, constants, quasi-quotidiens » avec les rebelles. ENI, présente en Libye depuis 1959, devrait préserver ses positions, mais elle  devra compter avec de nouveaux acteurs.

La France qui avait attendu, en vain, des contrats substantiels de l’ordre de 10 milliards de dollars après la visite homérique de Kadhafi à Paris en décembre 2007 (Airbus, réacteurs nucléaires, hélicoptères, rafales…) va pouvoir se rattraper. Et enregistrer ainsi un retour rapide sur investissement dans la guerre contre Kadhafi.

Le Jackpot Total

Total aurait déjà obtenu le jackpot, le CNT lui aurait réservé 35% des futurs contrats pétroliers. Même si tout dépend de la configuration du futur pouvoir libyen, de sa stabilité, de sa capacité à former un consensus et de son autonomie par rapport aux occidentaux « amis ».

Nicolas Sarkis, directeur du Centre Arabe d’Etudes Pétrolières, souligne que les « pays comme la France et la Grande-Bretagne, qui ont aidé au renversement de Kadhafi, pourraient raisonnablement être sollicités ». Le Qatar qui a mis la plateforme d’Al Jazira au service de la rébellion pourrait escompter également des dividendes dans le substantiel domaine gazier, encore peu exploré, de la Libye.

Les Allemands, en dépit de leur refus de s’engager militairement, restent dans la course, tout comme les Autrichiens. « Il y a de la place pour tous le monde et il y aura plus de concurrence » affirment des experts aussi bien dans l’exploration pétrolière que gazière. Mais tous ne seront pas traités de la même manière. Les Russes, les Chinois et les Brésiliens pourraient le constater. Sonatrach, présente dans deux blocs, également.

Avant la guerre civile, la Libye produisait 1,6 million de barils de pétrole par jour (2% de la production mondiale) et se classait comme le 3ème producteur en Afrique et le 17ème mondial. Elle dispose des plus importantes réserves de pétrole en Afrique avec 44 milliards de barils, loin devant le Nigeria (37,2 milliards de barils) et l’Algérie (12,2). Les principaux acheteurs de brut libyen étaient l’Italie (28 %),  la France (15 %), la Chine (11 %), l’Allemagne (10%), l’Espagne (10 %) et les États-Unis (3%).

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