Cameroun – communauté internationale : les dessous d’un ménage

A mesure que l’on s’approche l’élection présidentielle prévue au mois d’octobre, le débat sur le positionnement de la communauté internationale avant, pendant et après cette échéance électorale gagne en ampleur.

En effet, les voix des grandes puissances internationales, Etats-Unis, France, Grande Bretagne, Russie, Chine ainsi que de certaines organisations du système des Nations Unies sans oublier celles des organisations non gouvernementales et associations internationalement reconnues, font l’objet d’un décryptage minutieux dans les officines politiques.

C’est dans ce sens, que d’aucuns, se fondant sur des postures et déclarations de quelques acteurs-clés de cette communauté internationale, relativement à la situation politique au Cameroun, croient y déceler un comme un coup de froid dans les rapports entre le pouvoir de Yaoundé et l’extérieur. D’aucuns vont jusqu’à citer des noms de personnalités, qui seraient les «favoris» de la communauté internationale, pour être khalife à la place du khalife. D’où, indique-t-on, cette « défensive à outrance » adoptée par des thuriféraires du parti au pouvoir, pris d’un accès de jalousie pour la souveraineté du Cameroun.

Même des ministres du culte ne s’encombrent plus de périphrases pour « mettre en garde » les puissances et lobbies occidentaux contre toute immixtion dans les affaires internes du Cameroun. Ce faisant, ils rappellent au Camerounais que c’est de leur vote que dépend l’avenir du pays. A moins de deux mois de l’élection présidentielle, à la lumière des «ingérences  de la communauté internationale» en Côte d’Ivoire et en Libye, Mutations revisite les relations entre les «censeurs» internationaux et le Cameroun.

Le poids des maux, le choc des inquiétudes

Un duel à fleurets mouchetés oppose depuis peu le pouvoir de Yaoundé et des réseaux internationaux. Le 27 juin dernier, Johnnie Carson, le sous-secrétaire d’Etat américain chargé des Affaires africaines a séjourné à Yaoundé. Après une audience entre l’émissaire de Barack Obama et le chef de l’Etat camerounais, Paul Biya, au palais de l’Unité, l’ambassade des Etats-Unis au Cameroun à mis à disposition un communiqué marqué du ton injonctif de l’émissaire de l’oncle Sam vis-à-vis des autorités camerounaises.

«Le sous-secrétaire Carson a eu des échanges avec les officiels du gouvernement camerounais au sujet de l’engagement continu des États-Unis à renforcer la démocratie et la gouvernance, à soutenir le développement économique et à faire avancer la paix et la sécurité dans la région. L’ambassadeur Carson a parlé de l’engagement des États-Unis à promouvoir la démocratie et à protéger les droits de l’homme dans le monde entier. Il a en outre encouragé le gouvernement du Cameroun à prendre toutes les mesures nécessaires afin que les élections présidentielles de 2011 et les élections législatives et municipales de 2012 soient libres, justes, ouvertes et transparentes», révélait le département d’Etat.

Du reste, Johnnie Carson, saisira l’occasion de cette audience pour indiquer au chef de l’Etat camerounais «que toute intimidation sur des candidats [à la présidentielle] et des leaders de la société civile par des autorités gouvernementales dans la perspective des élections sera perçue par la communauté internationale comme ayant un impact négatif sur la crédibilité du processus électoral». Ces propos qui fait mouche, ce d’autant plus qu’ils étaient tenus après le message controversé  de Hilary Clinton, la secrétaire d’Etat américaine, au peuple camerounais, à l’occasion de la dernière édition de la fête de l’unité nationale.

Ces propos achevaient surtout de dévoiler la position américaine sur la prochaine élection présidentielle au Cameroun. Un mois plus tard, La non-invitation de Paul Biya à la Maison blanche, fin juillet dernier, au moment où Barack Obama déroulait le tapis à quatre chefs d’Etat d’Afrique francophone, au nom de la «prime à la démocratie», est venue conforter la position de l’Oncle Sam, vis-à-vis du régime de Yaoundé, dans l’opinion publique.

Hormis les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne ont également dépêché en l’espace de trois jours, leurs «Messieurs Afrique» à Yaoundé. La situation politique au Cameroun était, à chaque fois, l’un des sujets au c?ur des échanges. Si côté français, le ministre de la Coopération, Henri de Raincourt, relativement à la réélection ou non de Paul Biya à la magistrature suprême, indiquera que «c’est au peuple camerounais de décider», il n’échappe à aucun analyste que l’axe Yaoundé-Paris n’est pas des plus sereins en ce moment.

Bien que le nouveau Cd2, signé en juin dernier, fait du Cameroun le premier pays bénéficiaire en volume des subventions de la France dans le monde, le fait que Nicolas Sarkozy, le président français n’a toujours pas effectué de visite d’Etat à Yaoundé, alors que son mandat (de 5 ans) arrive à expiration en avril 2012, embarrasse le pouvoir de Yaoundé. Qui s’est par le passé vanté de la caution de la France.

Transition

Percevant ces «signaux inquiétants», le pouvoir de Yaoundé démontre à coup de déclarations qu’il n’entend pas faire profil bas face à la communauté internationale. Ainsi, au cours de meetings à Kribi, Eséka et Akonolinga, le secrétaire général du comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, parti au pouvoir), René Emmanuel Sadi, a appelé le peuple camerounais à prendre ses responsabilités. «C’est au peuple camerounais, et à lui tout seul, de décider du choix de ses dirigeants et de ses représentants», a-t-il déclaré à Akonolinga.

Rappelant les faits d’armes des leaders nationalistes pendant la lutte pour l’indépendance du Cameroun, le Sg du comité central du Rdpc mobilisera également les troupes à Eséka : «Si les démarches n’ont pas toujours été les mêmes, si les méthodes ont parfois différé, si les approches ont divergé et les styles variés en fonction des sensibilités et des tempéraments, la finalité est ce que l’histoire et la postérité ont retenu, à savoir : la volonté affirmée du peuple camerounais d’assumer sa souveraineté et sa volonté d’être le principal artisan et le seul maître de son destin», dira-t-il.

Lors de passage à Kribi, René Emmanuel Sadi, déclarera que «c’est aux Camerounais d’apporter des solutions à leurs problèmes […]. Nous sommes mieux placés pour savoir ce que nous voulons, ce qui est bon pour nous. Seuls les Camerounais peuvent avoir le dernier mot sur la direction que va prendre leur pays».

Bien que subtile, la position du chef de l’Etat sortant, Paul Biya, sur le «vent d’ingérences» qui souffle sur l’Afrique depuis peu a été exprimée, au cours de sa dernière visite en Chine, du 20 au 22 juillet : «Sur le plan international (…), le Cameroun et la Chine ont une large convergence de vues. Nos deux gouvernements attachent une grande importance aux principes et valeurs tels que le règlement pacifique des conflits, la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et le respect de leur intégrité territoriale. C’est d’ailleurs en vertu de ces principes que le Cameroun soutient la politique «d’une seule Chine».

Un discours qui a suscité le courroux de certaines chancelleries occidentales et qui, d’après certaines sources, a rendu davantage, le chef de l’Etat camerounais, «peu fréquentable». mais, à la lecture de l’ordonnancement du calendrier politique décidé par le Prince, avec déjà l’annonce du congrès ordinaire du Rdpc, les 15 et 16 septembre prochains, il semble évident que la candidature de Paul Biya à la prochaine présidentielle ne fait l’ombre d’aucun doute. Reste maintenant à savoir les «compromis» qu’il passera avec la communauté internationale pour «organiser la transition au sommet de l’Etat», ainsi que cette Communauté le lui suggérait fortement.

Georges Alain Boyomo

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