Côte d’Ivoire : une bien curieuse démocratie

Dans quelques mois, les Ivoiriens seront appelés à se rendre aux urnes pour élire députés, maires et présidents de conseils généraux. Dans une atmosphère de totale suspicion qui en dit long sur les vertus démocratiques du nouveau pouvoir ivoirien.

D’abord, la crédibilité du président de la Commission électorale indépendante (CEI), Youssouf Bakayoko, largement entachée. Quand on sait les circonstances dans lesquelles cet homme, encadré des ambassadeurs Philip Carter 3 des Etats-Unis et Jean-Marc Simon de France, sur ordre du conspirateur patenté de l’ONU en Côte d’Ivoire, Young Jin Choï, a proclamé le résultat du second tour de l’élection présidentielle de Novembre 2010, il est totalement disqualifié à occuper ce poste : proclamation des résultats hors délai (donc forclusion), hors cadre (au quartier général d’un des candidats, Alassane Ouattara, à l’Hôtel du Golf), en l’absence des commissaires et des vice-présidents de la CEI, sur des médias étrangers, tout seul, avec des résultats non consolidés et un taux de  participation contraire de 11 points à celui annoncé quelques jours plus tôt par ses propres soins, à travers la très officielle voix de son vice-président, sur le plateau du Journal de 20h de la RTI (de 70% à 81%. Abracadabrant !).

Ne serait-ce que pour la suspicion légitime de partialité qui pèse sur sa personne et par la gravité extrême des actes qu’il a posés en Décembre 2010, au mépris de la Constitution et du Code électoral ivoiriens, il devrait tirer sa révérence, s’il était un homme d’honneur. Que nenni ! Il demeure bel et bien à son poste. Il a même été décoré pour service rendu. Que peut-on espérer d’un tel administrateur électoral ? Ensuite, le bureau même de la CEI postélectorale : quasi à une seule et unique teinte ! Tout les pro-Gbagbo et représentants du pouvoir ivoirien de 2010, déjà largement minoritaires du fait des accords de Tshwane (Pretoria) et de Ouagadougou, vont être éjectés ou remplacés au sein de la structure par des proches de Ouattara.

Entre temps, tous les représentants de l’opposition d’alors, composée du PDCI-RDA, du RDR, du MPCI, du MJP, du MPIGO (les trois milices armées regroupés sous l’appellation «Forces Nouvelles» par la Chiraquie), du PIT, du MFA et de l’UDPCI ont conservé leurs postes. Quand on a clamé sur tout le pourtour de la terre qu’on est «démocrate», reconsidérer ces dispositions, dans un souci évident de justice et d’équité, est d’une trivialité désarmante ! Mais monsieur le nouveau chef de l’Etat n’en a cure et se sert de l’accord de Pretoria comme échappatoire pour justifier l’injustifiable. Gbagbo l’aurait fait que la planète entière s’en serait émue, tant les médias pro- Sarkozy, soutiens indéfectibles de Ouattara, l’aurait ameutée, et même que le ciel serait tombé sur la tête des Ivoiriens.

Quand on a traité les autres de «dictateurs », il faut soi-même montrer patte blanche, si on veut rester crédible et ne pas passer pour des êtres vils. Le pouvoir Ouattara n’a pas même l’élégance de cacher un tantinet son jeu en associant ses adversaires politiques à la discussion, à la concertation – fût-elle de façade – et en relevant un tant soit peu la représentativité de l’opposition actuelle qu’assurent La Majorité Présidentielle et LIDER, le parti du président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly. Gbagbo a concédé beaucoup ! Il a même fait rentrer d’exil, formalisé le statut d’anciens Président et Premier ministre, payé, logé et blanchi ses adversaires d’alors, aujourd’hui au pouvoir et se délectant sans retenue de l’ivresse du trône et de la puissance qu’il confère. Il leur a donné, au nom de la paix et des accords y afférents, la majorité dans une commission électorale qu’il a véritablement rendue indépendante.

A son tour, on ne lui a rien concédé. Pas même le droit d’être assigné à résidence chez lui avec son épouse, son fils, Michel Gbagbo et d’avoir droit aux visites de ses proches. C’est avec raison que le FPI, le parti du président Laurent Gbagbo, menace de se retirer des futurs scrutins. Il n’a que trop raison. Les dés sont déjà pipés. Une CEI à une seule coloration, présageant clairement le retour au parti unique, qui ne semble pas émouvoir les donneurs de leçons internationaux et tous les loups qui hurlaient en Côte d’Ivoire contre Gbagbo, «le dictateur». La «technologie électorale» RHDP est en marche. Les résultats sont connus d’avance. Comme l’a si bien dit un homme politique ivoirien : «Autant nommer les députés», pour faire économiser de l’argent à l’Etat de Côte d’Ivoire !

La réalité est crue, impitoyable, sans concession : il n’y a plus de démocratie en Côte d’Ivoire. Tout juste une mascarade, un affreux simulacre devant servir de faire-valoir aux yeux de la «communauté internationale»


Ouattara est en pleine manoeuvre – oh, extase de la victoire ! – pour se tailler une majorité confortable à l’hémicycle, de sorte à faire passer les lois les plus impopulaires, sur simple ordre à des parlementaires (d’opérette ?), qui obéiraient au doigt et à l’oeil, pour asseoir durablement, et certainement définitivement, un parti unique à l’ancienne et un régime dictatorial «stické» démocratique. Une menace à peine voilée, voire un péril national, de formatage et de reconfiguration de la Côte d’Ivoire que les Ivoiriens doivent prendre avec le plus grand sérieux. Quand on connaît la capacité de nuisance et les connexions extérieures peu recommandables de ceux qui sont, aujourd’hui, parvenus au pouvoir en Côte d’Ivoire, après moult contorsions politiques, coups tordus, coups d’Etat, rébellions, crimes de sang, crimes économiques et fraudes électorales.

Ils ne s’embarrasseront d’aucun scrupule. Absolument aucun. Enfin, les adversaires et opposants significatifs au pouvoir RHDP, ainsi que bon nombre des potentiels candidats aux législatives proches de Laurent Gbagbo, sont quasiment tous en exil ou en prison. Quant aux conditions de sécurité, de transparence, de crédibilité et d’ouverture du scrutin à tous, le rêve n’est pas permis. La réalité est crue, impitoyable, sans concession : il n’y a plus de démocratie en Côte d’Ivoire.

Tout juste une mascarade, un affreux simulacre devant servir de faire-valoir aux yeux de la «communauté internationale », des bailleurs de fonds et des investisseurs (qui ne sont d’ailleurs pas dupes). Pourquoi, en bons «démocrates », ne pas désarmer les «Dozo», mercenaires et autres miliciens venus combattre à Abidjan et dans toutes les villes du pays, les renvoyer à leurs plantations, forêts et savanes et permettre aux exilés de rentrer sans être inquiétés, ainsi qu’aux prisonniers de prétendre à une candidature aux futures échéances électorales ?

Nous avons pour notre part, une intime conviction : si le jeu était véritablement démocratique et que les armes ne circulaient plus de façon aussi intimidante et visible dans nos rues et villages malgré les promesses (jamais tenues) du nouveau locataire du palais présidentiel du Plateau, après ce que nous avons vu des quelques mois de règne de Ouattara et de son bras séculier, les FRCI transmués – ou plus exactement bombardés
– FANCI, le plébiscite du camp Gbagbo aurait été total ! Tant les exactions, la terreur, le mépris et les injustices du pouvoir RHDP en ont fait voir des vertes et des pas mûres aux Ivoiriens, tous bords confondus, depuis six longs et pénibles mois.

Les commerçantes d’Adjamé ne se sont-elles pas faites copieusement injurier par le Commandant Koné Zacharia pour avoir clamé : «Gbagbo kafissa (Gbagbo était mieux, en langue malinké) ?». Si Ouattara veut jauger sa vraie popularité, qu’il libéralise et sécurise le jeu démocratique des prochaines échéances. Même sans Gbagbo et les autres. Il pourrait alors apprécier son véritable poids politique et ne plus avoir à se dissimuler derrière le cache-sexe des résultats proclamés par la «Communauté internationale» qui ne sont revêtus d’aucune légitimité, d’aucune constitutionnalité.

Malheureusement, une élection législative démocratique en Côte d’Ivoire constitue pour lui, tout comme pour le RHDP et l’ex-rébellion, un véritable épouvantail. Hors de question donc d’en réunir les conditions. Un autre aveu de la victoire, de la popularité et de la majorité de Laurent Gbagbo au sein du peuple ivoirien.

Vivement, que tous les démocrates de Côte d’Ivoire, d’Afrique et du monde, embouchent le cor de la dénonciation véhémente pour décrier sans détours et de la façon la plus audible la conspiration et le hold-up électoral en cours, une fois de plus, dans notre pays. Il en est encore temps ! Mais ce temps nous est désormais compté. Que DIEU bénisse la Côte d’Ivoire !

Dinde Fernand Agbo

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