Paul Biya aura-t-il un carton jaune et rouge?

Plus de 20% des électeurs camerounais ne pourront voter pour cause : manque de carte électorale.Quand tous les dés sont pipés et le jeu vicié  c’est la démocratie qui est gravement baffouée. Vers l’annulation de la présidentielle camerounaise du 09 octobre 2011.

Au commencement un avertissement : À  l’occasion de la fête nationale du 20 Mai2011, la Secrétaire d’État américaine s’est exprimée au nom de Barack Obama; Les Etats-Unis ignorent Paul Biya; ils exigent une présidentielle libre et transparente.

Aujourd’hui Paul Biya aura-t-il un carton jaune et rouge…

Sur le terrain en cette fin de campagne électorale de la présidentielle camerounaise du 09 octobre 2011, c’est l’anarchie. Tous les arguments justifient dorénavant l’annulation de ce scrutin. Toute l’opposition camerounaise, les médias nationaux et internationaux condamnent la fraude électorale mise en marche par Paul Biya qui est au pouvoir depuis 30 ans.Quand tous les dés sont pipés et le jeu vicié  vers l’annulation de la présidentielle camerounaise du 09 octiobre 2011.

Quelques faits
 
Paul Biya Dictateur en campagne

Ouest-France : Matthieu COTINAT : « Après vingt-neuf ans au pouvoir, le président Paul Biya brigue un 6e mandat. Le scrutin, à un tour, aura lieu dimanche. La campagne électorale est loin d’être équitable.On ne voit que lui. Le portrait du président Paul Biya, 78 ans dont vingt-neuf de pouvoir, s’affiche partout à Yaoundé, la capitale du pays. Les 4×3 bleues vantent « le choix du peuple ». Les affiches « timbre poste » des opposants sont quasi invisibles, pour ne pas dire inexistantes. Le quotidien Mutations titrait d’ailleurs la semaine dernière : « Comment Paul Biya a confisqué l’affichage ».

Ce n’est donc pas une campagne électorale équitable. Aucun débat contradictoire n’est prévu entre le Président, candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), et les 22 autres candidats.
Officiellement, près de 40 % des 20 millions de Camerounais sont inscrits sur les listes électorales. « En réalité, c’est beaucoup moins, car ils ont cumulé les chiffres des années précédentes », assure Anatole, un journaliste de 35 ans. Toutes les cartes d’électeurs n’avaient pas été encore distribuées en début de semaine. Résultat : une majorité de la population se désintéresse du scrutin. « Les jeux sont déjà faits, on ira voter le jour où on parlera vraiment d’alternance ! », explique un étudiant de 23 ans.

Paul Biya , le dictateur à temps partiel

Le Canard Enchaîné 5 octobre 2011 : Jean-François Julliard
« Pour le président sortant du Cameroun, il est plus intéressant de diriger le pays que d’y croire. Le suspense est à peine humain : Paul Biya, président sortant du Cameroun, 78 ans, sera-t-il réélu pour la 5e fois, le 9 octobre ? Chef de l’Etat depuis 1982, officiellement sacré en 1984 avec 99 % des voix, Biya n’a fait semblant qu’en 1992. Dans le sillage du mouvement de démocratisation africaine, il l’a joué pluraliste et, avec 40% des voix, (le scrutin est à un tour ), n’a devancé que de 4% son éternel opposant, John Fru Ndi .
Aux trois autres présidentielles, il a enregistré des scores sans réplique (88% en moyenne). Sa victoire est si routinière que, en 2004, Chirac l’a félicité avant même que les résultats ne soient publiés ! Et, en 2008, Biya a cassé la constitution qui l’empêchait de se représenter. Avec l’approbation de Paris : vingt-neuf ans, c’est si court pour agir…

Autant Biya s’accroche au fauteuil – il possède aujourd’hui la plus belle longévité d’Afrique francophone -, autant il a le tact de ne pas imposer sa présence aux camerounais. C’est un président saisonnier. Il peut résider à l’étranger – de préférence à l’hôtel Intercontinental de Genève ) jusqu’à quarante-quatre jours d’affilée. Soit la durée au-delà de laquelle la Constitution reconnaît la vacanse du pouvoir. Ce qui, au retour, permet aux railleurs d’évoquer un président « en court séjour privé dans son pays.
Du coup, Biya réunit rarement son Conseil des ministres et doit, parfois après un délai d’un an, se faire expliquer qui est cet inconnu paré du titre de ministre des Sports. Il a récemment nommé préfet un fonctionnaire décédé depuis six mois.  A boycotté la plupart des réunions de l’Union africaine, dont il est un des doyens. Et vient de passer vingt ans sans mettre les pieds à Douala, la capitale économique ! »

Elecam: Des cartes électorales dans la rue à Yaoundé
© L’Actu : Jean-Claude Fogno
« De nombreuses dérives s’installent au lendemain de la décision d’Elecam d’associer les communes et les chefferies dans la distribution des cartes électorales.De toutes les façons, je vais voter «Par tous les moyens le 9 octobre. Depuis samedi j’ai fait le tour des résidences des chefs de quartier de Yaoundé 2, en vain. Il est possible que nos cartes soient soutirées du lot», tempête jean Tébeng qui se réclame militant de l’opposition parmi des dizaines de personnes en colère à rentrée du domicile du président du comité de base du Rdpc de Tsinga 2, Jean-Claude Zingué. Agé de 65 ans, Tébeng brandit, en larmes, cinq récépissés des membres de sa famille délivrés par l’antenne communale de Yaoundé 2.

Alors qu’un homme avec une liste en main range ses dizaines de cartes sélectionnées dans son sac devant quelques maigres personnes en quête de leurs cartes. Vérification faite, les noms des récépissés que brandissent Tébeng figurent bien sur les listes électorales disponibles dans les locaux de l’antenne communale. Ici, on affirme qu’à la suite de la décision du conseil électoral d’associer les communes et les chefferies, les 77 000 cartes électorales leur ont été transférées.

Au même moment, quelques personnes qui se réclament du «parti des flammes» brandissent avec mépris, de nombreuses cartes retirées et qui portent sensiblement les mêmes noms. Les déclarations des responsables d’Elecam la semaine dernière en vue de limiter les retraits multiples sont ainsi ignorées. A l’entrée du domicile de Jean-Claude Zingué, derrière la mairie de Tsinga, des milliers de cartes électorales sont versées sur la chaussée ou étalées sous le parasol d’un call box de fortune. Le premier venu qui se présente sur les lieux se voit attribuer un lot d’une centaine de cartes qu’iI fouille à sa guise et en emporte autant qu’il désire.
.
Au domicile des autres chefs de quartiers de Yaoundé, d’accès difficile, du moins visible à travers les posters et les effigies de Paul Biya sur les murs où le reporter de l’Actu s’est rendu, le scénario est quasi identique. Plusieurs résidences des chefs sont fermées alors que quelques personnes téméraires y font un sit in. Plusieurs voisins annoncent que seuls les militants du Rdpc y avaient accès à la veille. Les responsables du parti se sont chargés eux-mêmes de distribuer les cartes à leurs militants. »

Présidentielle 2011, le candidat Fru Ndi bloqué à l’aéroport
© Source : Africa-Info
« Selon un communiqué de presse parvenu ce jour à l’agence Ai, la délégation du candidat JOHN FRU NDI qui devait quitter Yaoundé ce jour  pour un meeting à Garoua, chef lieu de la région du Nord, à 14h est toujours bloquée à l’aéroport international de Nsimalen à Yaoundé, la capitale en compagnie du candidat EKINDI du Mouvement progressiste (MP, opposition). Le prétexte avancé par les autorités aéroportuaires, selon des cadres de ce parti joint au téléphone  est que tout le matériel de sécurité de l’aéroport de Garoua a été déplacé pour MAROUA suite à l’arrivée du candidat BIYA.
La délégation du Chairman NI JOHN FRU NDI a alors sollicité d’aller sur MAROUA et de descendre sur Garoua en voiture. Au moment du décollage du vol pour MAROUA, il lui a été répondu que tous les escaliers de l’aéroport de Maroua ont été mis a la disposition du candidat BIYA. Le caractère fallacieux de toutes ces réponses démontre clairement que tout cela relève d’une stratégie pour empêcher le candidat FRU NDI de tenir son meeting prévu à Garoua.
« C’est la raison pour laquelle le SDF va commettre un huissier pour faire le constat de cette manœuvre insidieuse du camp BIYA certainement paniqué par le triomphe de la tournée du candidat FRU NDI dans la région de l’extrême nord trois jours plus tôt.
Si on n’ajoute à cela l’hostilité à sa délégation manifestée par des inconnus certainement manipules par les barons du RDPC d’Ebolowa lors de son passage dans cette ville le lundi 03 octobre 2011, on en conclut que M. BIYA dans la perspective de sa défaite le 09 octobre prochain, est prêt a tout pour conserver son pouvoir », conclu le communiqué. »

Kah Walla: Le travail d’Elecam est en dessous de nos attentes

« La candidate du Cameroon people’s party demande aux inscrits d’exiger leur carte d’électeur… Ce que nous demandons aux populations de faire, c’est d’aller récupérer leurs cartes électorales. Elecam, malheureusement, est en train de faire un travail qui est nettement en dessous de ce qu’on aurait attendu de lui, en ce qui concerne la distribution des cartes d’électeurs. Il ne faut pas que la population se décourage. Nous leur avons dit que nous sommes dans un combat. Dans ce combat-là, la première étape, c’est d’avoir sa carte d’électeur. »

Ben Muna menace de jeter l’éponge

« Au cours d’une conférence de presse très courue, le candidat de  l’Alliance des forces progressistes (Afp), condamne l’endormissement des consciences des Camerounais par les Nations unies, ouvre les hostilités et menace de jeter l’éponge, face aux irrégularités constatées avant le scrutin du 9 octobre prochain.Deux heures 30 minutes. C’est le temps qu’on a attendu au siège del’Afp, avant de voir arriver Bernard Acho Muna, candidat déclaré au scrutin du 9 octobre prochain. Dans les coulisses, les journalistes sont au fait de ce qui peut paraître comme un scoop ; la menace de Bernard Muna de se désister de la course à la présidentielle de 2011, pour ne pas servir de caution et d’onction à une élection où, vraisemblablement, tous les dés sont pipés et le jeu vicié. »

Le boeing 737 de Camairco aux mains de Paul Biya

Le Président de la République sortant est en visite officielle à Maroua depuis le mardi 04 octobre 2011 et ceci pour 48 heures. Il y a déployé des gros moyens pour ce premier déplacement au couleur de la campagne électorale, non pas les moyens personnels, mais bien ceux de l’Etat. Chantal BIYA accompagne son époux dans le cadre de ce déplacement officiel. Un boeing 737, propriété de la compagnie aérienne CAMAIR-co, a été réquisitionné à cet effet.

Interminable fin de règne à Yaoundé

Le Monde diplomatique, n°691, Octobre 2011 : Thomas Deltombe« Vingt et [trois]candidatures (sur les cinquante-deux déposées) ont été validées par la commission électorale camerounaise en vue de l’élection présidentielle du 9 octobre. Soutenu par Paris depuis vingt-neuf ans, le régime autocratique de M. Paul Biya est passé maître dans l’art de contourner les règles internationales concernant les libertés fondamentales
Après plusieurs mois d’incertitude, la date de l’élection présidentielle  camerounaise est finalement fixée au 9 octobre 2011 Le scrutin s’annonce tendu. Au pouvoir depuis 1982, M. Paul Biya, 78 ans, s’attire de plus en plus de critiques internationales sur fond de crise sociale aiguë. Le 20 mai, jour de la fête nationale, la secrétaire d’État américaine, Mme Hillary Clinton, a ainsi adressé une lettre ouverte à la  population dans laquelle elle souhaitait une élection « libre, transparente et crédible». Cette déclaration n’a pas étonné outre mesure les Camerounais,  habitués aux critiques de Washington.

Plus étonnante, en revanche, est l’attitude de Paris. Soutien traditionnel de M. Biya, la France se montre discrète envers son allié. Le président Nicolas Sarkozy a soigneusement évité d’honorer une invitation que son homologue camerounais avait pourtant pris soin d’annoncer à la télévision en 2007. Autre signe : l’absence, en 2011, de  représentant officiel de la France dans les tribunes lors des cérémonies de la fête nationale, une première depuis l’indépendance en 1960. Dès lors, une partie de la presse s’interroge : « La France lâche-t-elle Biya(1)?» La question paraît d’autant plus légitime que la situation politique et économique du Cameroun se dégrade rapidement depuis deux ans.

Déterminé à  obtenir une modification de la Constitution, qui lui interdisait de briguer un nouveau mandat, le président n’a pas anticipé la révolte qu’une telle mesure susciterait : fin février 2008, des émeutes éclatent  dans le Sud. Les manifestants, qui réclament la baisse des prix et le départ de M. Biya, sont sévèrement réprimés : une centaine de morts, des  milliers d’arrestations.

Cette sanglante révision constitutionnelle explique sans doute la distance que Paris s’emploie désormais à afficher avec le régime. Le contexte international, aussi. Difficile en effet pour M. Sarkozy, qui s’enorgueillit de la chute de M. Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire et de celle de M. Mouammar Kadhafi en Libye, de soutenir avec un enthousiasme trop marqué un autocrate qui a fait tirer sur son peuple. Le détachement des partenaires internationaux du Cameroun ne doit cependant pas amener à enterrer trop hâtivement le «système Biya». En près de trois décennies, celui-ci a surmonté plusieurs crises graves qui, paradoxalement, l’ont tellement renforcé qu’il paraît aujourd’hui indéboulonnable.

La première éclata à l’occasion de la succession du chef de l’État Ahmadou Ahidjo en 1983, qui avait pourtant laissé sa place à M. Biya un an plus tôt. En effet, des nostalgiques de l’ancien président n’hésitèrent pas à organiser un coup d’État qui échoua in extremis. Le nouvel homme fort du Cameroun retiendra, jusqu’à l’obsession, la leçon :  il faut se présenter comme irremplaçable. Un élément significatif caractérise cet état d’esprit : selon la Constitution de 1996, c’est le président du Sénat qui assure l’intérim en cas de vacance du pouvoir. Problème : la Haute Assemblée n’a jamais été instituée… Ne tolérant aucun rival, même potentiel, ni dauphin, même putatif, et veillant avec une attention scrupuleuse sur l’appareil sécuritaire (armée, police, renseignements), M. Biya s’est rapidement imposé comme le seul maître du  jeu.

Comme son prédécesseur, il joue habilement de son pouvoir de nomination et de révocation des employés de l’État, et suscite les allégeances en distribuant en sous-main les richesses du pays, à commencer par le pétrole (2). Mais à l’inverse d’Ahidjo, omniprésent, l’actuel président privilégie la discrétion et les messages cryptés. Ainsi placés dans une double situation de dépendance et d’incertitude, ses alliés et ses potentiels adversaires en sont réduits à mettre leur destin entre ses mains. Ou, pour le dire comme l’économiste Olivier Vallée, spécialiste du Cameroun :«Le magistrat suprême figure le moyeu du pouvoir, un vide qui meut la roue de la fortune des puissants (3). »

La deuxième crise, qui produit toujours ses effets, est économique. À la  fin des années 1980, le pays a été frappé de plein fouet par la chute des cours des matières premières. Comme tant d’autres, il a dû se tourner vers le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale et adopter un plan d’ajustement structurel. L’État camerounais,  bureaucratique et patrimonialisé, s’est donc vu imposer le traitement de choc habituel : privatisation, ouverture à la concurrence, réduction des dépenses sociales, etc.

Pendant que les populations subissaient ce reformatage néolibéral (réduction de 60 % du salaire des fonctionnaires, explosion du secteur informel), les classes dirigeantes s’y sont, elles, bien adaptées. Tout en continuant de butiner les ressources étatiques, elles se sont converties, pour leur profit personnel, à l’économie déréglementée, s’associant à l’occasion avec les multinationales bénéficiaires des privatisations, notamment françaises (4). La somme des investissements hexagonaux est estimée à 650 millions d’euros, soit 20 % du montant total des investissements directs étrangers. La France est le premier investisseur étranger, devant les États-Unis. Cent cinq filiales françaises sont implantées dans tous les secteurs-clés (pétrole, bois, bâtiment, téléphonie mobile, transport, banque, assurance, etc.).

Les nouvelles fortunes du Cameroun, parfois colossales et souvent amassées de façon peu légale, sont à l’origine de nouvelles normes sociales. L’obsession de l’argent, dans un pays réduit à la misère, a fait exploser la corruption et la criminalité, à tous les échelons de la  société. Selon divers classements, le Cameroun fait partie des pays les  plus corrompus du monde.

Le blocage politique, économique et social du pays a logiquement débouché sur une troisième crise : la crise démocratique. Sous la pression des populations révoltées, M. Biya a dû un peu desserrer l’étau  au début des années 1990. La législation « contre-subversive » héritée de son prédécesseur – et qui limitait la liberté d’association et de réunion – a été supprimée, le multipartisme instauré et une presse libre a commencé à paraître. Mais, là encore, le pouvoir a su détourner ces réformes à son profit : il entretient une illusion de démocratie pour mieux prolonger la dictature. Un système parfois qualifié de «démocrature».

Depuis la première présidentielle multipartite, en 1992, où la victoire fut volée à l’opposant John Fru Ndi, la fraude se banalise. Si bien qu’à  chaque élection l’opposition, divisée et manifestement incapable de tirer les conséquences de la mascarade, se contente de figuration et de regarder le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), l’ex-parti unique, battre campagne  sur fonds publics et sous le regard approbateur de la télévision d’État. Si le détournement de fonds et l’achat des consciences sont devenus les armes favorites du régime, le maintien de M. Biya ne s’expliquerait pas sans le recours permanent à la répression. Son règne est ponctué de massacres, commis en toute impunité : celui des putshistes – ou supposés  tels – de 1984, celui des manifestants pour la démocratie des années 1990, celui des protestataires de février 2008. Chaque fois,  les cadavres se comptent par centaines.

Vendre sa plume au plus offrant

Une répression plus ciblée s’ajoute à ces châtiments collectifs. Nombreux sont les journalistes, écrivains ou syndicalistes récalcitrants qui ont séjourné en prison. Quand ils n’y meurent pas – comme le journaliste Germain Cyrille Ngota Ngota, décédé en détention en avril 2010 -, de plus en plus d’opposants finissent, de guerre lasse, par rentrer dans le rang. Entre la carotte et le bâton, et vivotant pour la plupart dans une grande précarité, les intel-lectuels se résignent eux aussi à louer leur plume aux plus offrants.

Car tel est l’objectif du régime : compromettre les réfractaires et pousser le peuple à la résignation. «Deux attitudes prévalent chez les citoyens camerounais, constate la journaliste Fanny Pigeaud.Soit ils font semblant de croire la comédie du régime […], soit ils n’y prêtent pas attention. Dans les deux cas, les pratiques du
pouvoir ne sont pas remises en cause : il peut donc continuer à jouer sa pièce de théâtre sans se soucier de la qualité ou de l’importance de l’auditoire, quitte à ne parler à personne d’autre qu’à lui-même (5). »

Seul face à lui-même, le pouvoir en est arrivé à s’automutiler. L’enjeu en est évidemment l’obsédant tabou qu’est devenu l’«après-Biya». Ayant toujours refusé de désigner un successeur, le chef de l’État reste l’irremplaçable arbitre entre les prétendants. Sous la pression des bailleurs de fonds internationaux, il s’est doté d’une nouvelle arme : la lutte contre la corruption. Sous prétexte de «transparence», le magistrat suprême, lui-même intouchable, tient à sa merci tous ceux qui se sont enrichis sous son règne et écarte qui bon lui semble. Tel est, de l’aveu même des caciques du pouvoir, le but de la médiatique opération «Épervier» (2006-2011), qui a déjà envoyé en prison plusieurs ministres et oblige les autres à d’effarantes démonstrations de servilité. «Nous sommes tous des créatures ou des créations du président Paul Biya, c’est à lui que doit revenir toute la gloire dans tout ce que nous faisons, a déclaré, sans ironie, M. Jacques Famé Ndongo, ministre de l’enseignement supérieur, en 2010. Personne d’entre nous n’est important, nous ne sommes que ses serviteurs, mieux, ses esclaves (6). »

Si  le Cameroun se trouve politiquement sclérosé, ce n’est pas seulement parce que M. Biya et son entourage sont d’habiles manœuvriers. C’est aussi parce que ses «partenaires internationaux», qui réclament à présent des élections transparentes, n’ont cessé d’alimenter l’interminable simulacre. La palme de la compromission revient sans conteste à la France. Depuis son arrivée au pouvoir, l’ancienne puissance coloniale n’a jamais «lâché» M. Biya. Elle lui livre des armes et forme ses forces de répression, renfloue son budget et éponge ses dettes, le félicitant à chaque victoire électorale.

Plus critiques, les autres puissances occidentales – les États-Unis en tête – n’en sont pas moins ambiguës. Défendant elles aussi leurs intérêts, notamment face à la montée en puissance de la concurrence chinoise, elles suivent d’assez loin la mise en œuvre de leurs remontrances. Le régime peut alors se contenter de promesses vagues et de demi-mesure pour répondre aux injonctions de « bonne gouvernance » et de dialogue avec l’ersatz démocratique que constitue la société civile.

A l’instar de la lutte anticorruption, transformée dans les faits en opération d’épuration politique, l’assistance qu’offrent l’Union européenne ou le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) à la mise en place d’une commission électorale indépendante, baptisée Elecam, se révèle plus perverse que bénéfique. Telle est du moins la conclusion de la politiste Marie-Emmanuelle Pommerolle au terme  d’une étude sur l’implication des partenaires internationaux dans la réforme électorale (informatisation, refonte des listes, etc.). En effet, l’objectif est moins de rendre le processus électoral indiscutable que de le «crédibiliser», de favoriser la participation et de canaliser par ce biais le mécontentement populaire. L’appui international aboutit à la consolidation du pouvoir, qui peut ravaler à peu de frais sa « façade démocratique ».

On comprend mieux alors pourquoi la «communauté internationale » multiplie les initiatives pour inciter M. Biya à préparer l’avenir. Conscients qu’une alternance par les urnes est devenue impossible et que le risque d’explosion sociale ira grandissant si celui-ci persiste à s’éterniser (et mourir) au pouvoir, les partenaires internationaux du Cameroun pressent le monarque de fait de désigner un successeur. Selon la Lettre du continent du 25 août 2011, le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon, aurait même obtenu de lui, au cours de l’été 2011, qu’il se décide dans un délai de deux ans. Reste à savoir si, trois décennies après le passage de témoin Ahidjo-Biya, le peuple camerounais, au bord de l’implosion, acceptera sans réagir une nouvelle succession effectuée en sous- main et sur son dos.

Félicité Ngadja

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