Côte d’Ivoire: La chasse aux pro-Gbagbo s’intensifie

Le pays fonctionne depuis quelque temps en « mode destitution » des maires ou élus locaux – qui ont la malchance d’être des partisans de Laurent Gbagbo. Et l’une des dernières victimes de cette politique est le maire de Guiglo.

Gah Bernabé n’est plus le premier magistrat de la ville de Guiglo depuis le 20 septembre dernier. Ainsi en a décidé le ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko dans l’arrêté numéro 345/MEMI/DGDDLDTA du 20 septembre 2011, après un télégramme officiel seulement la veille du préfet de région Koissy Miézan. « Vu le télégramme officiel numéro 16/PG/CAB du 19 septembre 2011 du préfet de la région du Moyen-Cavally, préfet du département de Guiglo», « monsieur Monémo Maurice, conseiller municipal de la commune de Guiglo est désigné en qualité de maire intérimaire pour assurer l’administration de ladite commune». Ainsi est libellée la décision portant révocation du maire indésirable. Pour quelles raisons ? Impossible de le savoir.

Dès la chute du président Laurent Gbagbo le 11 avril dernier, le maire Gah Bernabé et ses collaborateurs ont dû fuir pour se mettre à l’abri pendant quatre semaines. Profitant de cette période, certains militants du RHDP membres du conseil municipal ont pris le contrôle de la mairie. Un comité de crise piloté par Monémo Maurice, conseiller municipal et militant du RDR, est mis sur pied. Cette nouvelle administration perçoit des taxes mais ne les reverse pas au Trésor. Lorsque que tous les élus municipaux regagnent leurs postes, le comité de crise refuse de céder la gestion de la mairie aux autorités légitimes. Et ce comité, appuyé par un groupuscule de  commerçants, mène la fronde contre le maire, empêchant la collectivité décentralisée de fonctionner correctement.

Pour aplanir les différends, le maire et son équipe vont engager des démarches, du 12 au 15 août, auprès des commerçants et des responsables des communautés ethniques. Au terme des échanges, les deux parties conviennent de laisser la mairie fonctionner à condition que les taxes soient revues à la baisse et que Maho Glofiéhi, troisième adjoint au maire, soit remplacé. Des exigences satisfaites puisqu’à l’issue d’un conseil municipal, madame Bélé Madeleine, précédemment conseillère municipale et militante PIT, a été élue à la place de Maho Glofiéhi. Les divergences rabotées, le conseil du 3 septembre souhaite la reprise de la collecte des taxes par les agents municipaux dès le 7 septembre. Mais ce jour-là, une fois sur le terrain, les agents se heurtent à l’intransigeance des commerçants qui remettent tout en cause. Plus grave, ils demandent la démission du maire.

Trop d’incongruités

Pourquoi ce spectaculaire revirement ? Le 6 septembre, le préfet a convoqué les commerçants pour leur demander de maintenir leur position initiale. Des commerçants en réalité la marionnette du comité de crise lui-même actionné par le préfet Koissy Miézan. Un préfet que des sources accusent d’avoir perçu chaque jour des ristournes que lui reversait le comité de crise qui collectait les ressources auprès des opérateurs économiques par des agents municipaux «parallèles» sans les reverser dans les caisses de l’Etat.

Une forfaiture dont le maire rendait, affirment ces sources, régulièrement compte à la direction générale de la décentralisation. Mais la position du maire qui réclamait la plénitude de ses prérogatives n’était pas faite pour arranger les choses. Ainsi, le préfet a-t-il décidé de se débarrasser définitivement de lui. C’est ainsi qu’il demanda aux partisans du RHDP membres de la municipalité de lui prêter main forte pour l’évincer lors d’une réunion tenue le 20 septembre.

Mais ces interlocuteurs lui ont opposé un fin de non-recevoir, préférant suivre «la légalité». «En ce moment, nous sommes en réunion avec le préfet qui nous demande de l’aider à destituer le maire», a dit au maire l’un de ses adjoints, qui participait à cette rencontre. Cependant, cela n’a nullement empêché le préfet d’adresser un télégramme au ministre pour réclamer la destitution du maire. Chose curieuse, au moment où se tenait cette réunion le 20 septembre, le préfet avait déjà envoyé son courrier la veille.

Forfaiture d’un prefet téléguidé

Plus d’un s’interroge sur la célérité avec laquelle le ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, a traité ce dossier. A peine le télégramme est arrivé sur son bureau qu’il a signé un arrêté le lendemain 20 septembre pour démettre le maire Fpi de ses fonctions. Une décision prise seulement à la demande du préfet, sans aucun autre motif valable. Et en violation des textes régissant les collectivités décentralisées. Pour sa part, le maire dénonce cette destitution. Et parle d’un abus de pouvoir et d’autorité. «Cette décision, je la trouve illégale. On piétine la loi. Je suis un élu et la Côte d’Ivoire est tout de même un Etat de droit. Et l’organisation municipale est régie par des textes», s’est insurgé M. Gah.

Qui estime que ce n’est pas à un préfet de demander la révocation d’un élu local. Celuici ne peut-être démis que par décret, pour faute lourde ou à la demande du conseil municipal. C’est pourquoi, a-t-il dit, il conteste cette mesure qu’il juge sans fondement et qu’il va entamer une procédure par voie légale en vue d’être rétabli dans ses fonctions. D’autant plus que son équipe et lui étaient en place et la mairie fonctionnait normalement en dehors de la difficulté que leur posaient les commerçants. Le 24 juin dernier, fait-il remarquer, la mairie a soutenu son budget avec avis favorable de la direction de la décentralisation. Plusieurs conseils municipaux ont eu lieu, présidés par le préfet. Et le jour même où il a été informé de son «renversement », le maire était à une rencontre avec le Premier ministre Guillaume Soro pour préparer la visite d’Alassane Ouattara dans le Moyen-Cavally. «Je m’interroge sur les vraies motivations de cette décision prise par le ministre. Est-ce que c’est une façon toujours de régler les comptes aux pro-Gbagbo parce que je suis un élu FPI», s’est interrogé le maire.

 

Benjamin Silué

Le nouveau courrier

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