Déclaration de Yaoundé :Trop différents pour réussir ?

Des profils hétéroclites, les parcours sinueux et les objectifs flous des acteurs de la nouvelle coalition de l’opposition amène à s’interroger sur leurs chances de réussite. Encore qu’ils auraient pu s’unir quelques semaines plus tôt. Jusqu’où ira cet attelage improbable que le chef du Social démocratique front conduit dans la contestation du scrutin du 9 octobre dernier ?

Fru Ndi, Kah Walla, Ndam Njoya, Bernard Muna, Ayah Paul, Jean de Dieu Momo et Albert Dzongang ont signé une déclaration commune rejetant d’avance les résultats non encore annoncés, mais assez prévisibles, de l’élection du 9 octobre dernier. Ils seront probablement rejoints par quelques autres dans les jours qui viennent. Si les partisans de l’opposition déplorent déjà le caractère tardif de cette union qui se veut sacrée, la question de la prospérité de cette alliance de circonstance se pose.

Car à l’examen, les membres de cette coalition sont bien les mêmes -ou presque- qui n’arrivent jamais à s’entendre lorsqu’il s’agit de l’essentiel : à savoir la candidature unique de l’opposition. Quel intérêt avaient Fru Ndi et Bernard Muna à se déchirer pour le contrôle du Sdf qu’ils ont tout juste réussi à affaiblir davantage, pour ensuite découvrir au lendemain du 9 octobre 2011, que leurs intérêts politiques sont convergents ? Quid de Kah Walla qui a quitté le Sdf avant de faire chorus avec lui et les autres aujourd’hui pour demander ce qu’ils n’obtiendront certainement pas du régime puisque l’enjeu essentiel de la bataille est derrière nous ? En somme, le tempérament de ces hommes et femmes qui mutualisent leurs efforts aujourd’hui après la mère des batailles est assurément ce qui va miner cette alliance et la rendre stérile. Chacun veut être au soleil.

Parcours sinueux

Tous ces acteurs, ou presque, se sont souvent opposés parfois violemment comme ce fut le cas entre Fru Ndi et Bernard Muna (leurs querelles avaient viré à la guerre réelle). Là est assurément la principale tare de cet assortiment hétéroclite d’hommes politiques aux parcours sinueux et aux objectifs flous. Fru Ndi opposant historique à Paul Biya, est presque fait du même bois que Ndam Njoya (lire article d’Edmond Kamguia). Face à Biya, ils sont restés constants depuis leur entrée officielle en opposition il y a un peu plus de 20 ans. Refusant régulièrement d’entrer au gouvernement en échange de la dilution de leur verve anti Biya, ils exigent depuis toujours une meilleure architecture institutionnelle du pays, plus démocratique, et un système électoral consensuel ouvert, transparent et crédible. Ce qui permettrait, assurent-ils, au vainqueur incontesté des élections de gouverner dans le seul intérêt des camerounais, sans s’encombrer d’alliance politicienne bloquant le pragmatisme nécessaire au développement.

Ensemble ils ont boycotté les législatives de 1992, n’ont pas pu s’entendre sur une candidature unique la même année pour la présidentielle. Entrainés par Bello Bouba, un autre «dur» de l’opposition qui ravalé toutes les critiques qu’il avait vomies sur le régime Biya, Fru Ndi et Ndam Njoya vont Boycotter la présidentielle de 1997. Ils ne parviendront pas à s’entendre en 2004 sur lequel des deux devait être candidat, et les camerounais eurent droit à deux candidats «uniques» de l’opposition. La suite, on la connait.

Epreuve du temps

Hormis ces deux hommes clés de la nouvelle opposition coalisée, les autres ont tous des tempéraments et idées politiques différentes. Jusqu’à une date récente, Albert Dzongang n’avait pas de mots assez durs contre le chairman du Sdf, au point où certains se demandaient si sa candidature visait à déloger Biya d’Etoudi, ou plutôt à empêcher Fru Ndi d’y entrer. Les voilà aujourd’hui chantant en chœur. Et que dire d’Ayah Paul opposant de fraiche date, qui a pendant longtemps loué le travail du régime avant d’entrer en dissidence il y a peu ? Pareillement, Bernard Muna a admis récemment que ses divergences avec John Fru Ndi sont apparues lorsque ce dernier voulait absolument revendiquer sa victoire volée en 1992. A se demander pourquoi il parait aujourd’hui opportun à l’avocat de contester celles-ci.

Autant dire que les objectifs de chacun des membres de cette nouvelle alliance de l’opposition sont loin d’être lisibles. Et que c’est à l’épreuve du temps qu’on évaluera la fidélité de chacun des membres aux grands principes de la lutte politique dont ils se réclament aujourd’hui. Car on n’ignore pas qu’il y a peu, Issa Tchiroma Bakari était un des plus grands pourfendeurs de Paul Biya.

François Bambou

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