Assassinat du guide. Voici ceux qui ne renient pas Kadhafi

Alors que le monde occidental, les monarchies pétrolières et une partie de la «rue arabe» dansent autour du cadavre de l’ex-Guide libyen, quelques voix courageuses osent le pleurer et lui rendre hommage. Nous retranscrivons ici les propos amers de quelques-uns d’entre eux.

La jeunesse de l’ANC : «Un combattant contre la recolonisation du continent africain»

La ligue de jeunesse du Congrès national africain (ANC), au pouvoir en Afrique du Sud, a salué vendredi la mémoire de l’ex-leader libyen Mouammar Kadhafi, en qui elle voit un «martyr anti-impérialiste » et un modèle dans sa propre lutte pour la «liberté économique».

La Ligue «salue le colonel Mouammar Muhammad Abou Minyar al-Kadhafi, le martyr anti-impérialiste, un soldat courageux et combattant contre la recolonisation du continent africain», qui «a été impitoyablement tué par des rebelles armés par les forces de l’OTAN qui ont envahi la Libye à cause de ses ressources naturelles», écrit-elle dans un communiqué.

«Le «Frère leader» a résisté à la domination impérialiste sur le continent africain et n’a jamais consenti au drainage continu des ressources naturelles du sous-sol africain. Il a compris (…) que les ressources naturelles de l’Afrique doivent être utilisées au bénéfice des peuples d’Afrique», ajoute le mouvement, qui fait en Afrique du Sud campagne pour la nationalisation des mines.

«Qu’il ait été tué au combat est une source d’inspiration pour de nombreux combattants de la liberté à travers le continent et dans le monde, et particulièrement pour la génération des combattants pour la liberté économique», souligne-t-elle. L’ANC, qui avait bénéficié du soutien de la Libye dans sa lutte contre l’apartheid, a jugé dans un  communiqué «regrettable que le conflit libyen se soit terminé par le meurtre horrible» de Kadhafi. Quant au gouvernement sud-africain, il s’est contenté jeudi de «prendre note» de la mort de l’ancien guide libyen.

Hugo Chavez  pleure un «martyr»

Le président socialiste vénézuélien Hugo Chavez, soutien sans faille de l’ancien dirigeant libyen, a condamné hier l'”assassinat” de Mouammar Kadhafi, qu’il a qualifié de “martyr”. “Malheureusement, la mort de Kadhafi a été confirmée. Ils l’ont assassiné, (c’est) une violation supplémentaire de la vie”, a commenté M. Chavez, au cours d’un déplacement dans l’Etat de Tachira (ouest).

Pour le chef de l’Etat vénézuélien, l’ancien dirigeant libyen tué jeudi près de Syrte sera désormais reconnu comme “un martyr” et “un grand combattant”. Adepte de positions iconoclastes, Hugo Chavez n’a jamais varié dans son soutien à Mouammar Kadhafi depuis le début de l’intervention étrangère en Libye.

Vladimir poutine: «Qui a donné la permission de tuer Kadhafi?»

Le Premier ministre russe a haussé le ton et violemment critiqué l’OTAN lors d’une  réunion internationale à Copenhague, au Danemark. «Qui a donné la permission de tuer Kadhafi », a-t-il demandé ? De son point de vue, Kadhafi n’était pas la meilleure personne au monde.

Il a fait beaucoup d’erreurs et de mauvaises choses mais cela ne donnait pas le droit à la coalition de bombarder aveuglément, de bombarder son Palais toutes les nuits. « Pourquoi la coalition a outrepassé son mandat en assassinant Kadhafi ? L’intérêt pour le pétrole est un élémentclé pour les forces occidentales et européennes », a-t-il dit, en substance, selon la chaîne de télévision Russia Today.

Adam Thiam: «Un martyr, pas un lâche »

L’image de Kadhafi au visage ensanglanté est dure à voir comme toutes les images où la giclée de sang est la signature de l’authenticité. Il est vrai, il faut bien plus qu’une annonce du Cnt, une photo de l’Afp ou un communiqué de l’Otan pour que Bamako, Ouaga et bien d’autres capitales africaines, acceptent la mort de leur héros.

L’efficace fabrique de légendes que sont nos chaumières avait, de toutes façons, décerné toutes les palmes au Guide. Celle de l’invincibilité, celle de l’ubiquité, celle du courage. Elle avait décrété injuste et coloniale « la campagne de Tripoli » et ce, dès février dernier quand, couvertes par la résolution 1973 de l’Onu, les superpuissances sonnèrent l’hallali contre le chef de la Jamahariya. Bien entendu, Kadhafi ne s’est jamais déclaré immortel. Ce qu’il a dit ; c’est ceci : « je ne fuirai pas, je ne quitterai pas mon pays et je me battrais jusqu’à la dernière goutte de mon sang ». Chose promise, chose faite.

Né à Syrte, Kadhafi est mort à Syrte. La propagande qui veille à ce qu’il ne soit pas un martyr prétend qu’il s’était mis à genoux pour demander pardon aux Libyens. Mais il n’a pas été capturé dans un trou de rat comme Saddam Hussein. Il n’a pas succombé à un duel d’honneur contre Jibril. Il a été pilonné par l’Otan. La frappe de trop ? Possible, car si le coup a tué un dictateur, il peut bien avoir donné naissance à un martyr. Le dictateur Kadhafi qui, du haut de son pétrole, se moquait de l’occident et de son modèle démocratique n’est plus important. Pas plus que celui qui, mettant son pays sous coupe réglée, sans opposition, sans médias libres et sans contrepouvoir, avait fait exécuter un millier de prisonniers le même jour. Place est faite au martyr Kadhafi qui, pour la rue africaine, était depuis février, l’iconique résistant aux nouveaux comptoirs coloniaux que chercherait l’occident. A cet égard, Kadhafi ne pouvait avoir une plus belle mort. Surtout qu’il s’agit de la première guerre moderne au bilan totalement occulté, pour l’instant.

La délicate opinion occidentale ne s’en remettrait pas sinon. Ensuite, l’unanimisme paraît très troublant de la presse occidentale contre la démocratie de la canonnière voulue en Libye. En contraste avec la manière dont la tragédie jumelle du peuple syrien est gérée par les mêmes maîtres du monde. Pire, la dépouille de Kadhafi ne stabilise automatiquement ni la Libye ni l’espace sahélo-saharien que la résolution 1973 poursuit de ses calamiteux effets. Plus que la mort de son père biologique, c’est le pouvoir Kadhafi qui était le plus significatif. Or, celui-ci s’est écroulé depuis plusieurs mois déjà avec l’insurrection protégée de Benghazi puis la chute de Tripoli. La tête du Guide est donc bonne pour le tableau de chasse. Mais elle ne signifie nullement la capitulation
des pro-Kadhafi.

Ceux-ci devront, sans doute, vaincre l’alliance Otan-Cnt pour dérouler la botte secrète. Leur objectif, pourtant, demeure la somalisation de la Libye. Un agenda qui pourrait être celui du fils, Seif El Islam, lequel avait pris la tête de la résistance, du vivant du père. Et puis même si l’Occident arrive à assurer sa mainmise sur le pétrole libyen et à décrocher, pour le confort de ses entreprises, les contrats de reconstruction d’un pays qu’il a lui-même détruit, il reste la variable sahélo-saharienne.

Une façon de parler, car le scénario-cauchemar de nos Etats déstabilisés par l’onde de choc de Benghazi, n’est plus une variable. Il tend vers la constance. Et ce ne sont pas les déclarations faussement apaisantes et circonstancielles qui régleront le problème. Le fait est qu’après Kadhafi, les martyrs ce sont le Niger, le Tchad et le Mali.

Calixte Beyala: «L’afrique pleure, Sarkozy rit »

«Kadhafi est mort ? Peut-être. L’Afrique est morte ? La Grande Afrique, une et indivisible ? Sûrement ! Elle s’en est allée en ce triste jour du 21 octobre 2011, avec le seul qui la portait sur son coeur, dans ses tripes ! Elle s’en est allée avec celui-là, digne fils de son peuple qui suppliait les chefs d’Etats larbins de construire une grande armée africaine, une grande industrie africaine, de s’unir pour être plus forts devant les autres grands groupes du monde. Et je pense que jamais, la tristesse ne m’avait autant habitée. Pour moi qui l’ai connu, qui l’ai soutenu dans différents sommets où il essayait de raisonner ses pairs sur la nécessité de bâtir cette Afrique pour le bienfait des générations futures. Je me souviens des sourires hypocrites et goguenards de ces lâches, ces contremaîtres qui se disent Présidents tournant en rond, renvoyant en permanence à demain, l’urgence… Parce que leurs Maîtres leurs avaient demandé de ne pas accepter l’idée cette Afrique unie et lumineuse, riche et fière, cette Afrique tout en rêve splendide kadhafiste.

Kadhafi est mort, assassiné par Sarkozy-BHL et leur coalition de fascistes ! Oui, il est parti… L’Afrique est orpheline. L’Afrique a perdu son père. Et l’Afrique pleure cette mère Libye. Et l’Afrique pleure… Et ses tonnes de larmes déversées formeront peut-être une rivière qui reviendra peut-être reverdir les tombes, les tombes encore, des milliers de morts, des martyrs, ceux-là qui pensaient qu’il valait mieux mourir que vivre assujetti !

L’Afrique pleure ; Sarkozy lui a ôté l’essence de sa vie ! L’Afrique pleure les meurtres perpétrés par Sarkozy ; Sarkozy dorlote la nouvelle-née de sa femme Carlita… Sarkozy rit et se réjouit de la mort de l’Afrique… Sarkozy rit et se réjouit de la naissance de sa fille… Tandis que les larmes salées de l’Afrique tournoient autour des joues des femmes africaines devenues folles de douleur ; et ce chagrin coincé entre les pupilles des hommes honteux de n’avoir pas su protéger leurs terres, de n’avoir pas su se battre pour leurs familles, apeurés sans doute que Sarkozy-BHL se fâchent et distribuent  ‘autres bombes toutes aussi meurtrières… Apeurés pour rien, pour tout, ignorant qu’il conviendrait de ne pas avoir peur de mourir car un homme indigne n’en n’est plus un, car un homme castré n’en n’est plus un, car vaut mourir que de vivre dans l’indignité !

Et Kadhafi l’avait compris… Et Kadhafi l’avait senti, sans doute choisi par les Dieux, cet homme exceptionnel, savait qu’il valait mieux vivre auprès des Dieux dans la dignité que cette insupportable honte qui submerge l’Afrique incapable… Et Kadhafi l’avait compris, lui si fier qu’il nous couvrait de ce trop-plein de fierté. Qu’allons donc devenir, sans sa subtilité politique, sans cette vision grandiose qui s’en allait au-delà de lui ?

L’Afrique est morte avec Kadhafi ? Peut-être pas… Peut-être prendre un thé et penser à quelque chose de beau, penser et se dire que tout n’est pas fini, que peut-être demain en s e réveillant, le monde aurait changé parce que l’homme africain aura changé… Penser au beau à venir même s’il ne s’agit que d’un rêve… penser que réunir la diaspora  africain-française est déjà beaucoup, que cette petite touche pourrait être un peu d’espoir dans ce monde où l’homme africain n’est pas, où la femme noire n’est pas, où le racisme géopolitique sarkozyste décide que finalement la vie d’un Africain ne compte pas.
Ou si peu. Qu’il peut décider de qui doit vivre. Ou mourir».

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