Des actes de vandalisme à Bamenda

Une poignée de personnes ont respecté la « déclaration de Yaoundé », malgré le fort déploiement des forces de maintien de l’ordre. Bilan une personne interpellée.
 
Le contraire aurait surpris, quand on sait que Bamenda est réputée comme la ville frondeuse du Cameroun. Lorsque Alexis Dipanda Mouellè, premier président de la Cour suprême siégeant comme conseil constitutionnel, met fin à une journée marathon de proclamation de résultats de la présidentielle en annonçant Paul Biya vainqueur du scrutin à 19h43mn, le calme plat qui règne dans la ville de Bamenda contraste avec l’euphorie des autres grandes métropoles du pays.

Dans la cité capitale du Nord-Ouest, point n’est besoin pour l’un des camps de descendre dans la rue célébrer la victoire de leur champion et pour les militants et sympathisants de l’opposition de manifester leur courroux. Chacun s’est terré chez soi, de peur de l’inconnu. Ce d’autant que la ville était minée, quadrillée depuis 10h par les forces de l’ordre cagoulées, prêts à réprimander toute velléité de contestation. Ce calme est rompu autour de 23h, renseigne une source policière. Les inconditionnels de l’opposition mettent en déroute les forces de l’ordre et montent des barricades à l’aide des cailloux à Meta quater, puis disparaissent. La police en patrouille, arrive sur les lieux et dégagent les cailloux.

Vers 1h au petit matin de samedi, ces adeptes de l’insurrection montent une deuxième, une troisième voire une quatrième barricade respectivement à l’entrée de Savannah Street, Ayaba Street et Sonac Street à quelques encablures de la quincaillerie Quiferou. Le clou de ce ras-le-bol est la montée des flammes. A l’aide du matériel de récupération, notamment les pneus usagés, les étales et autres box dont celui d’une certaine Joanne, exploitante de call box, ces manifestants ont mis du feu sur le trottoir à « l’Avenue Commerciale ». Précisément entre les immeubles qui abritent Futura Presssing et Alizan Restaurant, à environ 400m du tristement célèbre carrefour de la liberté ( Liberty Square). La « battue » des forces mixtes de la police et de la gendarmerie s’est soldée par l’arrestation d’un présumé manifestant, renseignent des sources policières. Cet individu dont l’identité ne nous a pas été révélée a été conduit et placé en garde à vue à la direction de la police judiciaire de Bamenda à Old Town.
 
Cas isolé

En dehors de ce cas isolé, la vie a repris de fort belle manière à Bamenda. Les commerces qui avaient fermé vendredi, jour de proclamation des résultats de la présidentielle, de peur de représailles des assaillants, ont rouvert samedi matin. On se souvient que la société civile et les Fons du Nord-Ouest, tirant les leçons du soulèvement post électoral de 1992, s’étaient réunis séparément les 18 et 19 octobre 2011à Bamenda pour condamner l’appel de la coalition des leaders de l’opposition (John Fru Ndi, Bernard Achuo Muna, Edith Kahbang Walla, Adamou Ndam Njoya, Albert Dzogang, Me Jean De Dieu Momo, Paul Ayah Abine) lancé lundi dernier 17 octobre. Lequel appel dénommé « déclaration de Yaoundé » initiée par ces sept candidats malheureux de la présidentielle du 9 octobre 2011dernier, invitait la population non seulement à rejeter les résultats de ce scrutin, mais aussi et surtout à descendre dans la rue pour manifester leur ras-le-bol et obtenir l’organisation d’une nouvelle élection dans six mois.

La coordination de la société civile du Nord-Ouest, conduite par Nkwenti Simon Azia, dans un communiqué parvenu à notre rédaction, en « appelle fermement à tous les acteurs politiques de faire preuve, plus que jamais, d’un grand amour pour la terre de nos ancêtres, qui va leur permettre de prendre des décisions raisonnables qui vont garantir la justice sociale, la paix, la stabilité et l’unité nationale ».  Elle demande par la suite « aux citoyens de faire preuve de retenue; de soutenir les vertus de la paix et de rester non violent dans l’exercice de leurs droits et privilèges, leurs devoirs et obligations ». Les 17 fons qui s’étaient réunis au palais des congrès de Bamenda, sur invitation des membres du comité central du Nord-Ouest, conduite par l’ex Pm Simon Achidi Achu, le ministre Atanga Nji Paul et le secrétaire d’Etat Fuh Calistus Gentry, avaient également cogité sur les voies et moyens pour contrer le soulèvement dans la région. S’ils estiment que les destructeurs viennent la plupart de temps d’ailleurs, ils sont convaincus que si chacun d’entre eux à son niveau dans son village maîtrise ses sujets, ils peuvent étouffer dans l’œuf tout mouvement d’humeur.

Dans le communiqué de presse sanctionnant les travaux de leur rencontre, les fons « en appellent aux fils et filles de ce pays et en particulier ceux et celles de la région du Nord-Ouest de s’abstenir à prendre part à toute manifestation visant à compromettre la paix de cette nation ». Aussi tempêtent les gardiens de la tradition « la région du Nord-Ouest ne veut être ni un terrain d’expérimentation des protestations et violences post électorales, ni un détracteur irresponsable dont les actes vont conduire au retard du progrès de notre région ». Conscients de cet état de chose, les signataires de ce communiqué, « condamnent de façon véhémente toute tentative d’enflammer l’animosité entre les chers compatriotes. Nous voulons que le Nord-Ouest demeure un havre de paix et un bastion de la justice sociale et du fair-play ». S’ils apprécient ce qu’ils appellent le climat de paix qui a régné avant et pendant la présidentielle, les fons ont espoir que ce climat va perdurer. Enfin, ils en appellent « aux amis étrangers résidant au Cameroun de désister au cautionnement direct ou indirect de toute tentative qui pourrait interrompre la paix et le progrès de ce pays ».

Faut-il le rappeler, les manifestations post électorales de 1992 avaient causé la destruction de biens, casses, incendie des maisons d’habitations et infrastructures routières et scolaires, viol et même la mort calcinée d’un certain Tita Fomokong à Bamenda. Les séquelles de cette violence post électorale de 1992 restent gravées dans les mémoires. Les victimes n’ont jamais, jusqu’à ce jour, obtenu la moindre réparation du préjudice subi.

Donat SUFFO

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