Verdict des urnes. Alexis Dipanda Mouellé crée l’émoi

Le suspens a foutu le camp au Cameroun

C’est le constat fait vendredi 21 octobre 2011 lors de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 9 octobre 2011.

Vendredi 21 octobre 2011, il est 10 heures au rond point Madagascar à Douala. Lieu où a débuté la contestation de 2008. Pour mémoire, le député du Social démocratic front (Sdf) l’honorable Jean Michel Nitcheu, y avait organisé un meeting. C’est delà que l’étincelle est partie et a dégénérée en émeutes de la faim.

Ce coin de l’arrondissement de Douala 3eme réputé très frondeur, a été pris d’assaut par les forces de maintien de l’ordre à l’aube du 21 octobre 2011. Formés de groupuscules, les hommes en tenue étaient dispersés dans les débits de boisson et recoin de ce quartier  tristement célèbre au cas où… mais c’était peine perdue ! Les habitants de Madagascar comme nombre de camerounais, n’étaient intéressés ni de près ni de loin par les résultats du scrutin du 9 octobre 2011. Moins encore par les appels à la contestation, initiée par certains candidats de l’opposition pour boycotter le vérité des urnes.

C’est d’ailleurs un jour presque ordinaire. Mototaximen, commerçants et taximen vaquent en toute quiétude à leurs occupations. Mécaniciens, boutiquiers et vendeurs ambulants sont à l’oeuvre. Certains ne trouvent aucun intérêt à suivre les résultats du scrutin du 9 octobre 2011. Pour eux, les dés sont pipés d’avance et le jeu sans suspens. « On sait déjà qui va gagner. Et même avant le vote, on savait qui devait gagner. Autant mieux se concentrer sur ce qui peut nous donner quelque chose à manger que de perdre du temps à suivre ce qu’on sait déjà », clame presque en choeur un groupe de mototaximen. Curieux pour des gens sur qui l’opposition compte généralement pour pousser le pouvoir en place à bout. « S’ils veulent qu’on marche, qu’ils placent d’abord leurs enfants devant et nous allons les suivre. Les souvenirs de 2008 sont encore très vifs dans les familles et nous ne sommes pas prêts à laisser mourir les nôtres pour servir les intérêts  des autres », explique M. Fotso. Pour beaucoup, l’opposition camerounaise, « si jamais il y en a une », a échoué dès le départ. Ils auraient suivi leur mouvement s’ils s’étaient concertés avant le scrutin pour présenter un candidat unique.

De rares Camerounais en qui subsiste encore l’âme patriote, tiennent cependant à ne maquer sous aucun prétexte ce moment historique de la vie de la nation.

Ceux-ci sont installés dans les débits de boisson qui ont par convenance, arrêté le zapping de leur petit écran sur la Crtv , la chaîne de télévision nationale qui diffusait en direct comme nombre de chaînes de télévision camerounaises, les résultats de la présidentielle. Entre déjeuner et soudes discussions autour de la mort du guide libyen Kadhafi, ils regardent le premier président de la Cour suprême, Alexis Dipanda Mouelle, déballer les résultas par département et de la diaspora. La volonté de ceux-ci est malheureusement  très vite fragilisée par l’énergie débordante d’Alexis Dipanda Mouelle, qui passe des heures interminables à publier des chiffres qui finissent par les lasser.  C’est finalement très tard la nuit, après plus de 10 heures de lecture, que le morceau est lâché : Paul Biya est vainqueur du scrutin du 9 octobre 2011 avec plus de 77% des suffrages valablement exprimés. Sans grande surprise pour des habitants de la capitale économique qui  ont aussitôt plongé dans les bras de morphée. Et la vie continue…

Douala  dans  l’indifférence totale

Les populations ont continué à vaquer en toute quiétude à leurs occupations lorsque le premier président de la Cour suprême, Alexis Dipanda Mouellè, annonçait les résultats par départements.

C’est une lapalissade. Les populations de la cité économique n’attendaient plus grand-chose de la proclamation des résultats. D’autant plus que, avouent-elles, ceux-ci étaient connus d’avance, certains média ayant  « largué des chiffres » qui donnaient Paul Biya, candidat à sa propre succession favori.

Nous sommes au rond point Déido. Il est 13 heures précises. Dans ce lieu à forte concentration, des gens vont dans tous les sens. Attablés dans une buvette située à un jet de pierre de la statue géante, hommes et femmes échangent autour d’une bière. A l’extérieur, sur la bretelle qui mène à Bonatonè, les forces de l’ordre se font de plus en plus visibles. Des pick-up et autres cars dans lesquels sont massés policiers et gendarmes armes au poing et casques anti-émeutes bien vissés sur la tête passent et repassent. « Qu’on arrête le cinéma. Nous savons qui des candidats va gagner l’élection. Paul Biya ne peut pas organiser et perdre un scrutin présidentiel. Tout ce folklore va déboucher sur la victoire de Paul Biya. Ça ne sert à rien de regarder la télé. Il vaut mieux passer à autre chose que de perdre son temps ici. Je préfère continuer à transporter les clients », déclare avec véhémence Serge, un conducteur de moto taxi stationné non loin du poste de police du rond point Déido.

Poursuivant avec la même verve, un autre conducteur de fulminer : « A mesure que l’on approche de la fin de la proclamation des résultats, la victoire de Paul Biya se confirme. Alexis Dipanda Mouelle est en train de faire ce qu’on lui a demandé de faire. Il lit depuis 11 heures, soit déjà depuis 7 heures d’affilée, il s’égosille à lire  les noms, chiffres et pourcentages des 23 candidats. Une façon de perdre du temps et de garder le suspense. Il ne sait pas que les Camerounais ne sont pas dupes et qu’ils savent tout ce qui se passe autour d’eux ? », se demande-t-il. Non sans grincer les dents. Outre ces débrouillards qui tous les jours doivent se lever à l’aurore pour aller à la recherche de leur pitance, des camerounais travaillant dans plusieurs secteurs d’activités sont, vendredi 21 octobre dernier, restés de marbre lors de la publication des résultats par la Cour suprême siégeant en lieu et place de la Cour constitutionnelle.

Olivier Sando, cadre dans une micro finance à Akwa est furieux. « C’est le contraire qui pourra nous surprendre. Même ma grand-mère peut vous dire sans ambages qu’elle sait qui va rempiler pour un autre mandat. Des Camerounais le savaient à l’avance. Du moment où, ceux en charge de la gestion des élections dans notre pays sont tous ou presque du parti au pouvoir. Et bien plus, l’opposition au Cameroun ne parle pas de la même voix. En témoigne le nombre de candidats en lice.  Il faut qu’on évite cette corvée à tous les invités et à tous les téléspectateurs des chaines de télévisions  et les auditeurs  des radios qui auraient bien aimé éviter. On se demande bien à quoi cela rime! Il faut une élection à deux tours », exige-t-il. Et de regretter le fait que les Camerounais n’auront pas droit à un discours différent de ceux déjà entendus jusqu’ici.

« Il faut changer les règles du jeu. Qu’est ce qui nous prouve que le président actuel fera mieux que lors des précédents mandats ?» se questionnent les populations de Douala de moins en moins préoccupées par la politique et tout ce qui va avec. Une attitude, pensent des politologues, qui pourrait s’expliquer par le manque de confiance accordée à ceux qui nous gouvernent et à l’impossibilité d’une alternance tant que le régime actuel sera aux commandes.

Torpeur. Les « Yaoundéens » se terrent chez eux

La capitale camerounaise a vécu au ralenti durant la journée de la proclamation des résultats de la présidentielle d’octobre. Entre temps, la ville était quadrillée par les forces de l’ordre.

Vendredi 21 octobre 2011, la ville de Yaoundé ressemblait presque à une ville fantôme. C’est que la plupart des habitants de la capitale avaient peur des potentiels troubles au moment où la Cour suprême proclamait les résultats du scrutin du 9 octobre. Contrairement donc à leurs habitudes de début de week-end, on n’a pas vu grand monde dans les rues. Du côté du secteur où se trouve la quasi-totalité des ministères, les fonctionnaires ont tôt fait de fermer leurs bureaux et de rentrer chez eux. Une source au ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (Minepat), nous fait savoir que « de hauts responsables ont demandé à leurs collaborateurs de rentrer à partir de midi ».

Mais, le mot d’ordre de la prudence ne concernait pas que les travailleurs de l’Etat. Au marché central, même si beaucoup de commerçants sont restés dans leurs boutiques en suivant en direct les résultats, de nombreux autres ont plié bagages et sont rentrés chez eux. Selon Guy, vendeur de chaussures, cette prudence a été accentuée lorsqu’ils ont appris que certains leaders de l’opposition s’apprêtaient à manifester devant le Conseil supérieur de l’Etat. « Les gens disent qu’ils ne vont pas les suivre. Mais, s’il y a un choc entre la police et ces opposants, cela pourrait s’enflammer », expliquait-il.
 
Expectative

Cette même annonce de manifestation a également suscité de la prudence  chez les populations dans les quartiers. A Mokolo, Madagascar, Cité verte ou encore à Biyem Assi où nous nous sommes rendus,  les populations dans leur ensemble étaient terrées chez elles. Pas de grands rassemblements dans les rues. Même les inconditionnels de Bacchus ont laissé leur sport favori pour rester chez eux et « attendre ce qui va se passer ». Au marché de Biyem Assi, certaines ménagères ont été aperçues en train de faire des emplettes. « Pour parer à toute éventuelle », nous expliquait l’une d’elles.

Autre conséquence de cette « prudence généralisée », ceux qui étaient sortis de chez eux pouvaient circuler en toute quiétude. Pas de grands embouteillages comme on a l’habitude d’en voir au carrefour Abbia, à Mvog Mbi ou encore au carrefour Biyem Assi. Il faut dire que la forte présence des forces de l’ordre dans les grands axes ou alors les « zones à risque » de la capitale n’était pas pour rassurer les gens. L’administration camerounaise a ainsi posté un camion anti émeutes au carrefour situé devant « l’hôtel des députés », à moins d’un kilomètre de la Cour suprême. Un important contingent de policiers et gendarmes ont passé une grande partie de la journée au quartier Elig Edzoa, selon un habitant de ce quartier qui nous a informé. De source policière, plus de 3 000 policiers et gendarmes ont été déployés pour la seule ville de Yaoundé. Des centaines parmi eux officiaient en civil, pour une meilleure infiltration parmi les citoyens. Mais, au finish, tout ce déploiement n’aura servi, à la plupart, que de se gaver de bière dans les bars. Puisque l’étincelle tant redoutée n’a pas eu lieu.

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