Après les émeutes: La frontière entre le Cameroun et la RCA fermée

Garoua Boulai : ça chauffe !

Après la longue procédure judiciaire ayant opposé le Cameroun au Nigéria au sujet de la presqu’île de Bakassi, voici une autre crise qui risque de conduire inexorablement le Cameroun et la République centrafricaine voisine à la Cour pénale internationale de la Haye au Pays-Bas. Les deux pays se disputent en effet un morceau de territoire de 200 mètres le long de leur frontière. L’on avait, jusqu’ici, enregistré que de petites intrigues assimilables à de la blague entre ressortissants des deux pays résidant ou exerçant à Garoua Boulaï, la ville frontalière.

Mais depuis jeudi 24 novembre 2011, et profitant d’une banale affaire de frais de transport non payé, l’armée centrafricaine est passée à une véritable attaque armée. Au cours de cette agression encore injustifiée, le drapeau tricolore camerounais installé à la frontière a été détaché et brûlé, des effigies du chef de l’Etat camerounais aussi. Des édifices publics ont aussi été saccagés, et la brigade de gendarmerie de la ville attaquée avec à la fin, un chargeur garni, appartenant à un gendarme, emporté. En riposte, trois militaires centrafricains ont été interpellés et gardés par l’armée camerounaise. A l’heure qu’il est, la frontière reste toujours fermée côté camerounais, de même que tous les commerces doivent fermer de 18 heures à 06 heures du matin à Garoua Boulaï.  L’arrogance avec laquelle ces hommes en armes centrafricains ont perpétré leur coup aurait amené les deux chefs d’Etat du Cameroun et de la Centrafrique à se pencher sur le dossier.

Le Messager s’est rendu à Garoua Boulaï où l’atmosphère reste tendue. Les positions des différentes autorités administratives des deux pays remettent ainsi en exergue le débat sur les vraies limites territoriales du Cameroun et de la République centrafricaine au niveau de l’arrondissement de Garoua Boulai. 
 
 
Affrontements. Garoua Boulai : une ville en « Etat d’urgence »

A la suite des affrontements sanglants survenus jeudi dernier, le préfet du Lom et Djerem a fermé la frontière du Cameroun avec la Centrafrique et place la ville en « état d’urgence ».

Nous sommes au poste de police situé à l’entrée de la ville de Garoua Boulaï, ce vendredi 25 novembre 2011. Il est un peu plus de 10 heures. Une longue file de véhicules est stationnée, attendant que ses occupants soient identifiés par les forces de défenses et de sécurité.

« Carte d’identité en mains. Pas de faux gestes et pas de gestes faux », lance un policier en arme. Après identification, le voyageur doit continuer son périple à pied, les véhicules n’ayant pas accès en ville, selon une instruction du préfet du Lom et Djerem, Peter Mbu. A mesure que l’on avance, Garoua Boulaï présente les allures d’une ville fantôme. Les commerces sont fermés, les maisons d’habitations situées en bordure de route aussi. Une odeur d’herbes brûlées par un feu de brousse pollue l’air. Le soleil lui, brille déjà à merveille. Mais la chaleur n’est pas encore au rendez-vous. Les populations elles, ne sont pas visibles. Quelques mètres après, à l’entrée du « camp blanc », un groupe de jeunes patrouillent, armés de gourdins et machettes. Des policiers essayent de les maîtriser.

«  Nous avons déjà trop supporté. Laissez nous aller finir avec ces fous. Trop c’est trop ! » Lance l’un d’eux, visiblement très nerveux. A côté de ceux-ci, devant une société de transfert d’argent de la place, une équipe de secouristes arborant des blouses blanches frappées d’une croix rouge veille au grain. « jeudi 24 novembre, des policiers et civiles camerounais ont été blessés lors de l’attaque armée des Centrafricains. Nous n’avons pas pu intervenir parce que c’est allé très vite. Nous sommes là aujourd’hui en prévision de ce qui peut arriver », explique l’un des secouristes. Plus loin, l’on s’aperçoit que dans un enchevêtrement de plusieurs boutiques, seule la société Congelcam est ouverte.

Un gendarme, arme au poing, filtre les entrées et les sorties dans ce commerce de poisson. « On  peut avoir  des réserves de riz ou de couscous, mais pas de poissons frais parce que tout le monde n’a pas les moyens de s’acheter un frigo. C’est pourquoi nous permettons aux ménagères de se ravitailler rapidement avant la fermeture, pour ne pas résoudre un problème en créant un autre », confie le gendarme au reporter de Le Messager. En longeant l’axe principal, l’on se rend compte que la frontière n’est plus loin. Il faut être de nouveau identifié et arborer un pare-balles pour entrer dans ce qui ressemble étrangement à un champ de guerre. A côté d’une barre de fer peint en rouge et blanc, le drapeau camerounais flotte. Plus loin, à 200 mètres à peu près, celui de la République centrafricaine se laisse aller au mouvement du vent. Au pied de ce drapeau, est également fixée la frontière centrafricaine. De chaque côté des deux limites territoriales, militaires, gendarmes et policiers armés jusqu’aux dents et prêts à tirer, sont postés. Sur un arbre, côté centrafricain, est perché un soldat portant un missile sol-air, orienté vers le Cameroun. Un peu plus loin, toujours en territoire centrafricain, des milliers de compatriotes de François Bozizé, armés de gourdins et machettes, attendent en quelque sorte  ce qu’ils appellent « l’assaut final ». La tension est donc visible dans les deux camps.

Un policier camerounais, témoin des scènes de ce jeudi noir à Garoua Boulaï explique la genèse de cette situation : « Jeudi vers 09 heures, 04 militaires en tenue et en armes de l’armée centrafricaine sont entrés au Cameroun pour faire des achats comme d’habitude. Par la suite, ils ont demandé à un jeune conducteur de moto de transporter les produits achetés jusqu’en Centrafrique. Ce mototaximan a dit qu’il ne pouvait pas entrer dans le marché parce qu’on risque de lui voler sa moto entre temps. Sans attendre, l’un des militaires a bondi sur lui et à sorti une grenade qu’il a heureusement mal manipulé. C’est là que les gendarmes ont été alertés et sont promptement venus interpeller les trois autres éléments. Celui qui portait la grenade s’est enfui »

En tout cas depuis son arrivée, de reporter de Le Messager à Garoua Boulaï a remarqué, de temps à autre, la tension qui monte, et les soldats de Bozizé, commandés par le colonel Dobgue Adolphe traversant la frontière, et violant le territoire camerounais. Mais la descente sous silence des éléments du bataillon d’intervention rapide (Bir) les oblige à replier. « Ils menacent parce qu’ils veulent qu’on libère les trois soldats interpellés jeudi. Mais ils perdent leur temps. C’est le quatrième élément qui a fui qui est allé alerter ses camarades qui ont envahi Garoua Boulaï, tirant dans tous les sens, s’attaquant aux symboles de la République, en brûlant le drapeau et les effigies de campagne du chef de l’Etat. Vandalisant les édifices publics comme la douane et la gendarmerie où ils ont d’ailleurs emporté le chargeur garni de cartouches d’une kalachnikov», ajoute David Kamsu, le sous-préfet de Garoua Boulaï. Sur le goudron, entre les deux frontières, l’on aperçoit des files de fers calcinés. C’est là que le drapeau camerounais a été brûlé, apprend-on. « Les faits sont regrettables. Nous ne le contestons pas. Sauf que nous tenons à dire que le drapeau camerounais n’a pas été brûlé. Il est détenu par notre préfet. Il s’agit d’actes isolés qui seront punis », rassure un capitaine de l’armée centrafricaine.
 
Les négociateurs en route

Il est 11 heures. Un cortège de véhicules fait son apparition, côté camerounais. C’est le préfet du Lom et Djerem, Mbu Peter, et ses collaborateurs dont deux colonels du bataillon d’intervention rapide (Bir). Presque au même moment, deux véhicules 4/4 de la douane centrafricaine s’immobilisent de l’autre côté. En sortent, le préfet du département de Bouar, Dengbe Jean Sostherne, et ses collaborateurs, dont le maire de Cantoner (une des villes frontalières) et un député à l’Assemblée nationale centrafricaine. Après quelques formalités d’usage, le préfet du Lom et Djerem fonce vers son collègue de Bouar. « Nous sommes venus échanger avec vous, afin de mieux comprendre ce qui s’est passé hier », introduit Mbu Peter. Les deux préfets choisissent le foyer du « camp blanc », en terre camerounaise, comme lieu de négociations. Mais il se pose un problème. Un colonel du Bir rappelle au préfet qu’aucun soldat centrafricain ne doit entrer au Cameroun avec son arme.

Le représentant de Bozizé prend peur et refuse. Mais finalement, il cède sous le conseil de ses collaborateurs qui reconnaissent que c’est une prescription internationale. Les deux cortèges s’ébranlent, direction le « camp blanc ». Une plénière pour élucider les circonstances des émeutes est aussitôt ouverte, sous la présidence du préfet Mbu Peter. Puis, s’en suit un huis clos entre les deux préfets.  Mais alors que les deux états majors attendent dans la terrasse, deux soldats du Bir arrivent en courant et foncent droit vers un colonel du même corps. « Ils ont repris les tirs. Pardon autorisez la riposte. Nous sommes prêts mon colonel !», supplie l’un d’eux, d’une voix grave. Une panique s’en suit. Le colonel commandant les troupes centrafricaines monte rapidement dans une pik-up de la douane de son pays et s’en va. Entre temps, le colonel camerounais court à la rencontre du préfet. Après concertation, le préfet s’oppose à la riposte.

Les deux éléments du Bir retournent rapidement, en compagnie de leur colonel. « Mais quelle est cette armée sans chef et sans ordre », lance le colonel camerounais en sautant dans la pik-up. Entre temps, la tension continue de monter. Le maire de Garoua Boulaï demande aux enfants qui jouent non loin de là, de se mettre à l’abri. Certains changent les positions de leurs véhicules. Les militaires en faction prennent des positions encore plus stratégiques. Le préfet de Bouar sort de la salle de réunion, l’air bouleversé. Il passe quelques coups de fil et lance : « Il y a des brebis galeuses partout. La situation est maîtrisée ». Avant de regagner la salle de réunion. Mais ses collaborateurs initialement désarmés s’ennuient.  Aussitôt, les deux délégations reviennent dans un véhicule camerounais. Les populations très énervées par la reprise des tirs ont immobilisé le véhicule centrafricain transportant le colonel Dobigue Alphonse. C’est grâce au Bir que le pire n’est pas arrivé, apprendra-t-on après.  « La situation est maîtrisée. C’était un tireur isolé qui criait soif, la frontière étant fermée. Nous n’avons même pas d’eau à boire pour nos troupes là-bas, car tout nous vient du Cameroun», rassure ce colonel centrafricain avant d’essuyer une épaisse couche de sueur sur son visage.

Près de deux heures de temps s’écoulent encore. C’est la fin du conclave qui finalement accouche d’une souris. Le préfet Mbu Peter est resté sur ses positions, selon les instructions dit-il, du chef de l’Etat. Ce malgré les supplications  du camp centrafricain. Ainsi, la frontière restera fermée. Les trois militaires centrafricains et quelques civiles interpellés resteront en garde à vue. De même que les débits de boissons sont fermés tous les jours de 18 heures à 6 heures du matin. Les deux délégations se séparent après un cocktail offert par le sous-préfet de Garoua Boulaï. Un cocktail que la délégation centrafricaine a partagé avec dégoût, parce que mécontente de n’avoir pas obtenu l’ouverture des frontières. Une nouvelle crise qu’il va falloir gérer en Centrafrique, car, dit-on souvent, « ventre affamé n’a point d’oreille ». Surtout lorsqu’il fait partie d’un corps aux mains armées.

Frontière Rca-Cameroun. Zone tampon : Source éternelle de discorde

Le Cameroun et son voisin, la République centrafricaine se discutent chacun la paternité de ce morceau de terre de 200  mètres le long de la frontière.

Entre la barrière frontalière du Cameroun et celle de la République centrafricaine, se trouve un espace intermédiaire de 200 mètres de long. C’est d’ailleurs sur cette parcelle que les drapeaux des deux nations sont implantés. Mais les infrastructures construites à ce niveau sont bien camerounaises. Cependant, les citoyens centrafricains continuent de croire dure comme fer que ce territoire est une zone tampon, appartenant aux deux pays à la fois. Selon le sous-préfet de l’Arrondissement de Garoua Boulaï, cette parcelle a été la source de plusieurs incompréhensions par le passé.

Pourtant, « lors de l’une de ses visites dans le département de Bouar, le président de la République centrafricaine, François Bozizé, est arrivé à la frontière. Au moment du bain de foule, l’un des éléments de sa garde rapprochée a violé ce territoire et l’a convié à saluer les Camerounais qui étaient de la fête. Le président, d’un geste de la main, lui a dit de rentrer », explique David Kamsu. Mais cet argument est aussitôt rejeté par le préfet de Bouar, Dengbé Jean Sostherne, qui pense qu’on ne doit pas juger les opinions d’un président de la République par ses gestes. « La gestion du problème lié à cette portion de terre n’est plus à notre niveau. Les présidents centrafricains François Bozizé et camerounais Paul Biya  en ont longuement parlé lors de leur rencontre à Bertoua en 2010. Chacun des deux sait à qui appartient cette terre », argumente ce préfet apparemment jeune, vêtu d’un pantalon jean et d’une chemise de soie. 

Selon lui, les compétences préfectorale et même régionale sont mal placées pour gérer ce dossier très avancé au plus haut niveau des deux Etats. Les populations elles, semblent un peu égarées sur le sujet, au regard des faits qui se déroulent sur le terrain querellé. « Finalement je ne sais pas à quel pays appartient cette parcelle. Mais dans nos comportements quotidiens, tout laisse croire que c’est une partie du territoire camerounais. Nous avons par exemple fait la campagne électorale là bas sans problème. Mais ce que je ne comprends pas, c’est que la chefferie qui existait là bas a été dissoute », se remémore Moustapha Diallo, un habitant de Garoua Boulaï d’âge mûre.  Même le préfet Mbu Peter, du Lom et Djerem, ne passe pas par quatre chemins pour accorder la paternité de ce territoire au Cameroun. « Lors des travaux de bitumage de la route par l’Union européenne, le protocole indiquait bien que la route s’arrête en territoire camerounais, au niveau de fin goudron. Aucune contestation n’a été soulevée. Il est incompréhensible qu’aujourd’hui l’on crée le terme « zone tampon » pour distraire les attentions », défend énergiquement cet administrateur civil principal.

Il rejoint ainsi le point de vue d’un haut gradé de l’armée camerounaise qui indique que « la barrière frontalière et le drapeau avaient été, selon ma compréhension de la chose, placés par rapport aux infrastructures existant. La douane devait être proche de la barrière pour un meilleur suivi. Et comme les seuls bâtiments pouvant abriter le commissariat et la douane se trouvaient en  plein en territoire camerounais et non à la frontière, on y a fixé la barrière. Mais avec ce problème nouveau, il est bon que l’on construise de nouvelles infrastructures au lieu indiqué.».  Cette confusion est d’autant plus troublante que même aux archives de la sous-préfecture de Garoua Boulaï, aucun document récent n’existe sur cette parcelle. « Ceux qui vous disent qu’il y a des documents spéciaux sur cette affaire se trompent. Les Centrafricains eux mêmes savent que c’est une partie du territoire camerounais. Je ne sais quelle mouche les pique depuis quelques années », confie un agent de la sous-préfecture de cette ville frontalière. Au niveau de Bertoua, l’on balaie ce problème du revers de la main et nous envoie à la présidence de la République centrafricaine, pour trouver ces documents fantômes. « Aucun document n’existe en dehors de ceux relatifs à la délimitations faite par les allemands. Les chefs des Etats centrafricain et camerounais n’ont jamais signé aucun accord à Bertoua. Cela ne se passe pas aussi facilement que vous le croyez », argumente un cadre en service au gouvernorat de l’Est, approché par le reporter du Messager.

Au final, ce problème de délimitation de la frontière du Cameroun avec la République centrafricaine mérite d’être clarifié au plus vite. Ce, pour éviter le scénario de conflit armé comme cela a été le cas avec le Nigeria au sujet de la presqu’île de Bakassi

Après la crise.  Biya et Bozizé à couteaux tirés ?

Bozizé François promet de radier les militaires auteurs des attaques et demande la réouverture immédiate de la frontière. Biya refuse et menace de la fermer définitivement. Peur sur la ville de Garoua Boulai.

La situation est très préoccupante à Garoua Boulaï depuis le jeudi 24 novembre dernier, date à laquelle des soldats centrafricains ont déchiré et brûlé le drapeau camerounais et les effigies et de campagne de Paul Biya. Ils se sont ensuite attaqués à la douane camerounaise et à la brigade de gendarmerie, emportant le chargeur garni de cartouches d’une kalachnikov appartenant à un gendarme.

A la suite de cette expédition militaire encore injustifiée, le préfet du Lom et Djerem a pris un arrêté pour ordonner la fermeture de la frontière entre les deux pays. « Sur très haute instruction du chef de l’Etat qui est très préoccupé par cette affaire, j’ai signé un arrêté portant fermeture de la frontière entre le Cameroun et la République centrafricaine. C’est lorsque tous les problèmes auront été résolus que nous pourrons attendre d’autres instructions du chef de l’Etat lui-même », précise Mbu Peter à son homologue centrafricain au début de la réunion de crise. L’arrêté dont il fait allusion va plus loin. Il indique clairement que pendant cette période de fermeture, tout transit entre les deux pays serait suspendu aux personnes et aux biens de toute nature. Même les pistes et autres voies de contournement sont impérativement mises sous surveillance et tout trafiquant entre les deux pays serait systématiquement interpellé et les effets saisis. L’arrêté précise encore en ses articles 4 et 5 : «Le présent ordre impose la fermeture obligatoire des débits de boissons et autres lieux de distraction et loisir, chaque jour, de 18 heures à 06 heures du matin, le contrôle systématique des forces de maintien de l’ordre et de sécurité est ainsi prescrit durant la période. Les personnes et les marchandises suspectes seront immédiatement conduites en fourrière à la brigade de gendarmerie aux fins d’enquêtes ».

Une brigade de gendarmerie transformée en véritable camp militaire depuis le début de cette tension. Mais le préfet de Bouar, Dengbe Jean Sostherne, trouve que cette mesure conservatoire est suicidaire pour les Centrafricains qui se ravitaillaient en majorité au Cameroun. Il plaide ainsi pour un amoindrissement de la mesure. « Je suis très consterné d’apprendre que vous avez fermé la frontière alors que nous sommes là pour trouver une solution au problème. Le chef de l’Etat François Bozizé qui est très préoccupé par la situation m’a personnellement demandé de préparer la procédure de radiation des militaires incriminés et de présenter toutes les excuses de l’Etat centrafricain à l’Etat camerounais », pleurniche l’autorité préfectorale centrafricaine. Mais cette main tendue ne semble pas émouvoir Mbu Peter. 

Il estime que les faits sont graves pour que les choses se résolvent si facilement. « Vos éléments ont déchiré et brûlé le drapeau et les effigies de campagne du chef de l’Etat à cause, nous a-t-on dit, d’une banale affaire de payement de frais de transport. Le chef de l’Etat camerounais veut savoir si ces militaires n’ont pas agi à la solde d’un groupe tapis dans l’ombre. C’est quelque chose qu’on n’a jamais vu, même avec des pays en guerre. Qu’allez-vous faire du chargeur garni emporté ? » Interroge le préfet.
 
Prisonniers

A la suite de l’affrontement, le détachement du Bataillon d’intervention rapide  (Bir) posté à Mombal, une bourgade située à 40 kilomètres de Garoua Boulaï est promptement arrivé sur les lieux, avant de mettre aux arrêts deux éléments de l’armée centrafricaine auteurs des attaques. Les deux soldats, selon des sources dignes de foi, auraient été transférés à Bertoua pour exploitation. Mais le colonel Dobigue Adolphe, commandant des troupes centrafricaines, veut savoir le sort qui leur sera réservé. « Le président a déjà engagé le processus de radiation des éléments en garde à vue chez-vous. Pouvez-vous nous les remettre pour action ? »  Interroge ce haut gradé de l’armée voisine. Pour seule réponse, le préfet Mbu Peter réitère que rien ne dépend plus de lui ; et que l’affaire est personnellement piloté par le chef de l’Etat qui veut à tout prix savoir les motivations profondes des militaires interpellés. Au moment où nous allions sous presse, aucune des doléances de l’Etat centrafricain n’avait encore était satisfaite. Les trois prisonniers eux, auraient été, selon une source militaire, transférés à Bertoua, d’où ils partiront pour Yaoundé, où les attend une équipe mixte d’enquêteurs de la délégation générale à la sûreté nationale (Dgsn) et de la direction générale des renseignements (Dgre)

« C’est une histoire très sérieuse car elle vient d’un pays abritant des rebelles. Surtout que cela arrive quelques mois seulement après une élection contestée par les opposants. Le drapeau et les effigies brûlés parlent beaucoup.  C’est pourquoi c’est le président lui-même qui pilote le dossier, vous ne pouvez pas bien comprendre ça », confie l’officier supérieur de l’armée camerounaise.
 
Dengbe Jean Sostherne: « La déstabilisation du Cameroun ne viendra pas de la Rca »

Le préfet de Bouar, département dans lequel est situé le village Cantonner, frontalier avec Garoua Boulaï, explique sa compréhension de la situation. Il plaide également pour une normalisation rapide de la situation.
 

Est-ce que les faits tels que relatés par le sous-préfet de Garoua Boulai sont fondés selon vous?

En tant que numéro un de la préfecture, je suis très désolé des évènements qui ont eu lieu. La République centrafricaine et le Cameroun sont deux pays frères et la déstabilisation du Cameroun ne pourrait venir de la Centrafrique et vice versa. Nous avons toujours ménagé nos efforts pour qu’il y ait une collaboration et une entente franches afin que les biens et les personnes circulent librement dans la sous-région d’Afrique centrale. Vous savez que le Cameroun aide beaucoup la République centrafricaine. Nos articles viennent du Cameroun, de même qu’il y a des Camerounais qui font du commerce en Centrafrique.

Au niveau de la frontière, c’est en fait un seul peuple, car nous parlons la même langue. Un pareil évènement ne doit donc pas créer la distance entre deux frères. Revenant sur votre question, je dois simplement dire que la narration du sous-préfet de Garoua Boulaï me paraît vraisemblable au regard de ce qui m’a été rapporté par mes collaborateurs. La seule chose que je tiens à rectifier c’est que le drapeau camerounais n’a pas été brûlé comme le prétend le sous-préfet. Je peux vous le montrer (il sort un drapeau camerounais en mauvais état, attaché à l’aide d’une corde en soie). Maintenant, je voudrais présenter les excuses de l’Etat centrafricain au Cameroun. Le président de la République a déjà ordonné des mesures fortes pour ces militaires indélicats que je considère comme des brebis galeuses qu’on peut trouver partout.
 
Maintenant que c’est arrivé, est-ce que vous à votre niveau vous envisagez une nouvelle stratégie de gestion de la frontière ?

Il est simplement question que chacun dans son quartier général fasse un travail minutieux. S’il s’agit de s’entendre pour faire une opération mixte, on le fera au niveau de la frontière, parce que comme vous savez depuis la rencontre de Bertoua entre la République centrafricaine et la République sœur du Cameroun, on s’est convenu sur beaucoup de points et je crois que avec ces évènements on va accélérer le processus et le chronogramme préétabli depuis Bertoua en 2010.
 
Quel est le contenu du chronogramme de Bertoua au sujet de cette frontière ? Est-ce que lors de cette rencontre entre les deux chefs d’Etat la question de la zone tampon avait été posée ?

Cette question, je vous l’ai dit en off, ne dépend plus des autorités préfectorales ou régionales. Elle est bien au niveau le plus élevé de l’Etat. Ne revenez plus dessus.
 
Mais vous semblez maîtriser cette question de frontière à l’ordre du jour à Bertoua 2010 plus que les autorités camerounaises !

Heureusement que ce n’est par une question. Si cela en était une, je ne répondrai pas.
 
Et pourquoi ?

Passez à autre chose maintenant monsieur le journaliste, nous sommes là pour jouer le sapeur pompier et non pour envenimer la situation.
 
Mais vous jouez le sapeur pompier ici alors que vos éléments sont en train de tirer dans l’air à la frontière. Votre armée n’a-t-elle pas un chef ?

Vous dites que ce sont nos éléments. Je peux dire que ce sont les vôtres parce que personne de nous deux n’était là quand on tirait il y a quelques minutes. Faisons attention aux informations brutes que nous recevons. (Puis il sort son téléphone et parle quelques secondes). Je vous ai dis que fermer la frontière n’est pas la solution. Les gens n’ont pas de l’eau à boire de l’autre côté car tout s’achète au Cameroun. C’est pourquoi un mécontent a tiré.
 
Vous qui semblez mieux maîtriser le contenu des dossiers de frontière. Dites-nous si la Rca a des projets d’investissements dans la zone tampon querellée ?

J’ai dit et  le redis. Je réitère que la gestion de ce dossier n’est plus au niveau départemental ou régional. Les documents qui sont en notre possession sont les mêmes que détiennent nos frères Camerounais. Quand les Blancs sont venus tracer leur ligne à partir de la conférence de Berlin de 1877, nous n’étions pas là. Nous n’étions même pas encore nés. Et je crois que la véritable documentation de l’Afrique se trouve en Europe. A partir de l’interprétation des documents en Allemagne on aura une solution par rapport à cela. Ce n’est pas cette portion de terrain là qui va nous diviser.
 
Qu’allez-vous faire du militaire qui s’est échappé avec une grenade et qui a alerté les autres, auteurs des émeutes ?

C’est à partir des petits problèmes que la guerre mondiale a commencé. En République centrafricaine, il y a un dispositif légal qui régule les problèmes de ce genre. Il y a un  tribunal  militaire. S’il a posé des actes, je crois que l’estrade ne pose pas de problème. Le radier comme le veut notre président c’est bon, mais il faut aussi qu’il s’explique. Ce qu’il faut aussi noter, c’est qu’il devient urgent de réglementer le transport par moto dans la ville de Garoua Boulai, car ces transporteurs sont souvent complices des malfaiteurs la nuit et moto taximen le jour. A la partie camerounaise, je dis nous sommes des frères et cousins. Il n’y aura jamais de guerre entre nos deux pays frères. La preuve, je suis venu ici sans garde de corps et sans armes. Je suis comme chez moi. Je n’ai pas peur.

Joseph Flavien KANKEU
A Garoua Boulai

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