Côte d’Ivoire: Traque annoncée contre les FRCI

Le régime peut-il dévorer ses « monstres » ?

Le compte à rebours semble avoir été déclenché par Alassane Ouattara lui-même, après la révolte des malinkés de Vavoua, pour traquer les éléments Frci indélicats (dozos y compris) – à la gâchette facile et qui se croient au-dessus de la loi – pour revenir enfin à un état presque normal. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres.

A la sortie de la rencontre entre le chef de l’Etat, le ministre délégué à la Défense, le ministre de l’Intérieur et les grands commandements de l’armée, plusieurs décisions ont été prises. Notamment, la poursuite judiciaire à l’encontre de ces 7 éléments des Frci à l’origine de la révolte des malinkés à Vavoua, le retour immédiat des anciens chefs d’unités dans leurs bases d’origine pour procéder à l’encadrement et au désarmement de leurs éléments, avant d’éventuels regroupements.

Ainsi que la création d’une Police militaire pour procéder sous 48 heures à l’inspection et à la traque dans les rues d’éléments incontrôlés et de tous véhicules et motos estampillés Frci inconnus dans les fichiers du parc automobile de l’Armée afin que ces voitures et motos ne circulent plus. Bien beau tout cela. Mais c’est surtout sur la dernière mesure que les Ivoiriens attendent réellement le régime en place. C’est très évident qu’Alassane Ouattara a «fortement été écoeuré» par ce qui s’est passé à Vavoua, avec notamment les tueries de 6 malinkés par les éléments des Frci. Mais, comment pourra-t-il en 48 heures, c’est-à-dire mardi 20 et mercredi 21 décembre, débarrasser ne serait-ce qu’Abidjan de cette invasion d’éléments dits «incontrôlés» qui agissent quotidiennement en toute impunité. Et de là à parler de l’intérieur du pays. Le projet est peut-être réaliste mais vraisemblablement utopique.

Puisque si en 8 mois, le moindre élément Frci n’a pu être retiré des rues encore moins débarrasser des armes lourdes qu’il traine à longueur de journée, par quelle magie Ouattara et ses sécurocrates nettoieront-ils Abidjan et les régions du pays de ces milliers d’éléments Frci méconnus des fichiers et détenteurs d’armes lourdes et de guerre, qui s’adonnent a des rodéos et autres actions de films western en pleine rues ? L’on note toutefois, qu’il y a plus de huit mois, les Ivoiriens dans leur grande majorité n’ont eu de cesse de dénoncer les exactions et autres abus des Frci dont ils sont quotidiennement victimes.

Malheureusement ces complaintes demeuraient inaudibles jusque là. On se souvient même que le ministre délégué à la Défense qui tire aujourd’hui à l’«arme lourde» sur les Frci est celui-là même qui les encensait. Face aux exactions des Frci et autres dozos à l’ouest, Paul Koffi Koffi déclarait que «celui qui ne veut pas des Frci   qu’il aille habiter hors de la Côte d’Ivoire». Tout simplement méprisant de la part d’un ministre de la République.

Les Frci, un véritable problème avec l’ordre et la discipline

Les éléments des Frci ont toujours agi comme s’ils étaient en dehors des règles établies dans une République. Rehaussés du titre de «sauveurs» par le procureur de la République, il ne se passait plus un seul jour sans que des éléments des Frci ne fassent les Unes des journaux nationaux, toute ligne éditoriale confondue.

Dans leur entendement, ils avaient combattu pour installer Ouattara au pouvoir, ce dernier leur était redevable – à vie certainement –, c’est pourquoi ils agissaient et parfois en toute impunité et avec la complicité implicite de la hiérarchie. Ces éléments des Frci dits indélicats ou incontrôlés faisaient la pluie et le beau temps dans les villes et villages abandonnés entre leurs mains. Habitués à vivre et agir comme en pleine rébellion, le régime pourra-t-il se débarrasser véritablement et aussi aisément de ces éléments ? C’est là tout l’enjeu des «grandes» décisions d’Alassane Ouattara, dont son emprise réelle sur les Frci est faite par personne interposée qui n’est autre que le chef de l’ex-rébellion, Guillaume Soro, par ailleurs son 1er ministre, qui surfe à dessein sur cet état de fait pour s’éterniser à la Primature.

Pour l’heure, nous attendons de voir les mesures prises être véritablement appliquées sur le terrain, au grand bonheur des populations qui n’en demandaient pas moins depuis des mois. Ouattara pourra-til mettre de l’ordre dans les Frci ?

Ouattara encore dans un coup de bluff ?

Le régime Ouattara a annoncé le lundi 19 décembre, au sortir d’une rencontre du chef de l’Etat avec le grand commandement de l’Armée suite aux événements de Vavoua dimanche dernier, de prendre des mesures draconiennes contre les éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci) qui ont fait 6 morts dans cette localité dans une affaire banale. Parmi ces mesures prises, le retrait des soldats qui paradent à souhait dans les rues d’Abidjan comme sur l’ensemble du territoire national – donc leur encasernement – ainsi que des véhicules avec lesquels ils circulent, etc.

En somme, Alassane Ouattara veut lutter contre l’impunité des Frci qui commettent chaque jour des exactions en tout genre sur populations. Des mesures, a-til dit, qui seront exécutées en 48 heures. Mais même si les ambitions du chef de l’Etat sont nobles et les objectifs louables, d’autant plus que la résolution de cette question est le souhait certainement le plus attendu par la majorité des ivoiriens, il n’en demeure pas moins que l’on a des raisons – légitimes du reste – de douter de la réalisation effective de ce engagement pris lundi par le chef de l’Etat. Car plusieurs faits récents voire lointains nous permettent d’être septiques. En effet, au lendemain de la «capture» du président Laurent Gbagbo le 11 avril dernier, Alassane Ouattara, dans l’euphorie de la ‘‘victoire’’, avait promis dans son discours, de régler la question de la sécurité dans les deux mois qui devaient suivre, soit à la fin juin. Une situation d’ailleurs qui avait conduit à ne pas respecter sa promesse de campagne en maintenant Guillaume Soro, le patron de l’ex-rébellion au poste de premier ministre au détriment du Pdci.

Résultat des courses, huit mois après, les Ivoiriens continuent de vivre dans l’insécurité ambiante. Sous les exactions et autres actes de terreurs que sèment les Frci au quotidien, au vu et au su de toutes les autorités. A ce sujet, plusieurs rapports des organisations internationales et de l’Onuci n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme. On se souvient également des nombreuses menaces des ministres de l’Intérieur Hamed Bakayoko, de la Défense Paul Koffi Koffi et de la haute hiérarchie militaire contre ces soldats indélicats qui se comportent comme une milice. Mais ces mises en garde et cette lutte contre l’impunité brandies régulièrement comme un épouvantail tardent à prendre forme et constituent même jusqu’à présent un coup d’épée dans l’eau.

Ouattara, champion des délais non tenus En 1990 déjà, Alassane nous situait sur ses capacités à réaliser parfois ses promesses. Alors qu’il était premier ministre de Côte d’Ivoire, on a encore en mémoire que l’actuel chef de l’Etat avait promis redresser en 100 jours l’économie du pays qui était dans le rouge. La suite, on la connaît. Cette sortie subite du chef de l’Etat après ces tueries de Vavoua, pendant que des tueries, exactions et autres actes de barbaries des Frci se déroulent sur l’ensemble du territoire national en toute impunité et sans grande réaction, sonne donc comme un coup de bluff, mieux, comme une opération de communication du pouvoir pour contenter les Ivoiriens et tenter d’atténuer leur exaspération et leur colère qui ne cesse de gronder face a la situation sécuritaire toujours préoccupante. Et aussi rassurer la communauté internationale qui veut voir des signaux concrets dans le sens de l’amélioration de la sécurité dans le pays. Une opération de com’ bien relayée d’ailleurs par les médias.

Gérard Koné / Benjamin Silué

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