Guy André Kieffer: la grande manipulation !

Découverte supposée à Issia du squelette du journaliste franco-canadien. Les zones d’ombre d’une étrange ‘‘découverte’’

Comme par hasard, tout se dénoue après le témoignage de « Gorge profonde ». Le rôle étrange joué par Jean-Yves Garnault, sulfureux espion français. Pourquoi le témoignage du frère de Kieffer intrigue !

Hier, les chaines françaises d’informations passaient en boucle l’information au sujet d’un squelette découvert à Issia et qui se trouverait être celui du journaliste franco-canadien. Si l’annonce de la probable découverte (puisque non encore confirmée par des analyses ADN) du squelette du franco-canadien demeure une avancée spectaculaire dans le dossier, cette découverte présente néanmoins des zones d’ombre qui suscitent plusieurs interrogations. Jusqu’à présent, rien, absolument rien, ne semblait guider le juge Ramaël vers une piste liée à Issia, une ville située à près de 400 kilomètres d’Abidjan. C’est dans cette localité que curieusement les restes de Kieffer auraient été découverts comme par enchantement. Et coïncidence pour coïncidence, Issia est la localité d’origine du ministre Paul-Antoine Bohoun Bouabré dont le nom a longtemps été cité par les médias français dans la short-list des «coupables idéaux» dans l’enlèvement du journaliste franco-canadien.

Il reste que l’affaire Guy-André Kieffer rebondit spectaculairement après l’entrée en scène d’un ex-rebelle qui s’est présenté comme l’un des coauteurs du crime, perpétré selon ses dires «sous commande» d’un homme du clan Ouattara, en première ligne dans la filière cacao. Un des objectifs est d’incriminer le camp Gbagbo. Dans un témoignage diffusé par Le Nouveau Courrier, cet informateur que nous avons surnommé «Gorge profonde» donnait des détails trop troublants pour être rejetés du revers de la main. Notre rédaction n’a pas été sa première confidente. Avant de nous parler, «Gorge profonde» s’est d’abord confié à un homme politique ivoirien de premier plan dont nous taisons pour l’instant l’identité. Ce dernier l’a, selon ses dires, alors dirigé vers un professionnel français du renseignement : Jean-Yves Garnault.

Cet homme au profil trouble, manifestement lié aux services secrets français, exécutant des missions de l’ombre de la Mitterrandie à la fin des années 1990 en France, a travaillé pour le président Gbagbo, notamment dans le domaine délicat des écoutes téléphoniques. Très vite soupçonné de déloyauté, il a été progressivement écarté après le début de la guerre le 19 septembre 2002, mais a réussi à garder son bureau à l’immeuble MUPOSTEL, où il jouait les électrons libres – alimentant notamment Guy-André Kieffer et un certain nombre de journalistes de la presse internationale en «informations » hostiles à son patron officiel. Rallié officiellement à Ouattara durant la guerre postélectorale, il est dans le sillage du nouveau pouvoir, et plus que jamais au service de la France
officielle.

Tout sur le rôle de l’étrange Yves-Garnault, figure française du rensignement à Abidjan

Guy André Kieffer
Guy André Kieffer

C’est Jean-Yves Garnault qui recueille le témoignage de «Gorge profonde», le met en relation avec les services du juge Patrick Ramaël et recueille ce que l’ex-rebelle présente comme des affaires arrachées à Guy-André Kieffer avant sa mort, 72 heures avant l’arrivée à Abidjan de Patrick Ramaël, et qui pourraient servir à confirmer le sérieux de ses propos. Contacté par Le Nouveau Courrier à travers le numéro de téléphone fourni par… «Gorge profonde», Jean-Yves Garnault affirme d’emblée ne rien savoir de l’affaire.

Par la suite, il nous rappelle pour savoir jusqu’à quel point nous sommes informés. Le lendemain de la parution de notre premier article, il nous appelle pour confirmer qu’il a été en contact avec «Gorge profonde», qu’il a effectivement recueilli son témoignage et des effets présentés comme ceux de Kieffer. Mais il affirme avoir été «peut-être manipulé», allant jusqu’à nous accuser d’être à l’origine de cette manipulation, vu notre «bord». Puis il nous suggère d’écrire que lui et nous avons été manipulés, et nous dit que «là haut», on pourrait beaucoup nous en vouloir, et que notre démarche est dangereuse. Si ce n’est qu’une intox de bas étage dont il s’agit, qui pourrait donc nous en vouloir ?

Le fait est que «Gorge profonde» nous a informés, avant que les médias n’en parlent, de la venue «prochaine» de Patrick Ramaël à Abidjan, de ses différents rendez-vous. Il nous a aussi donné le numéro de téléphone ivoirien du juge français, grâce auquel nous l’avons contacté. Très vite, Ramaël nous a demandé de le rappeler… ce que nous avons essayé de faire sans succès par la suite. Le fait est aussi que «Gorge profonde» était en train de négocier des «garanties » avec le magistrat français, quand il a reçu, selon son témoignage, des menaces très claires d’une des figures centrales de l’ex-rébellion, informé de ses contacts avec Jean-Yves Garnault et les services du magistrat français.

Depuis, il est injoignable. Et un tout autre épisode de l’affaire Kieffer est en train de se jouer. Comme par hasard, la dépouille du journaliste franco-canadien, qu’il disait être capable de localiser, aurait été retrouvée, mais à plusieurs centaines de kilomètres de la zone qu’il a indiquée. Comme s’il fallait absolument brouiller les pistes…

Le témoignage ambigu du frère de Guy André Kieffer

Quel est l’élément qui a précipité l’arrivée du juge Ramaël à Abidjan ? Pourquoi «Gorge profonde » en savait-il autant ? Que sont devenus les effets attribués à Kieffer qu’il a donnés à Jean-Yves Garnault ? Des questions sans réponses.

Le témoignage de Bernard Kieffer, frère du journaliste, en rajoute à la confusion. Le juge Ramaël aurait entrepris ses fouilles «sur la foi d’informations qu’il a obtenues voilà quelque temps». Alors que le président Gbagbo était au pouvoir. A l’époque, “le juge n’avait pu aller vérifier le témoignage (sur l’emplacement du squelette) car c’était en pleine zone contrôlée par le camp Gbagbo”, a affirmé Bernard Kieffer.

Pourquoi avoir attendu huit longs mois pour aller vérifier des informations disponibles depuis bien longtemps ? Pourquoi, lors de son séjour ivoirien de novembre dernier, Ramaël n’a pas effectué de fouilles à Issia puisqu’il avait déjà les informations qu’il a au final utilisées ? «Il semblerait que la personne qui a informé le juge a vu le corps au moment où il a été enterré à cet endroit-là. C’était un Blanc, il ne savait pas qui c’était. Mais il l’a reconnu quelques jours après, quand il a vu les photos de mon frère dans la presse», ajoute Bernard Kieffer. Qui, en dehors d’une des personnes impliquées, peut donc voir précisément le corps d’une personne enterrée en catimini dans une zone rurale, bien loin – en principe – du tout-venant ? Le fameux informateur du juge a-t-il été mis en examen ? Mystère. Il faut croire qu’en dehors d’une dépouille dont l’identité n’a pas été confirmée par un test ADN, on n’en saura pas plus sur cette sombre affaire où de nombreuses fausses pistes toujours très médiatiques ont déjà été agitées… par le juge Ramaël.

Gérard Koné

Les mille et une fausses pistes du juge Ramaël

Le juge Patrick Ramaël, qui enquête depuis sept ans sur les conditions de la disparition de Guy-André Kieffer, est-il un magistrat clairvoyant ou un politicien portant toge et affectionnant l’agitation médiatique anti-Gbagbo ? En tout cas,quand on fait une rétrospective de son travail sur cette sombre affaire, l’on se rend compte qu’il a souvent été embarqué sur de fausses pistes par des personnes à la crédibilité douteuse, mais dont le point commun est de charger Gbagbo et son entourage.

Que devient la piste Michel Legré?

Dans un premier temps, Patrick Ramaël oriente ses soupçons vers Michel Legré, ami de Guy-André Kieffer qui a «l’avantage» d’être le beau-frère de Simone Gbagbo. Des fuites opportunes dans la presse affirment que Legré a mis en cause sept personnes.

Aubert Zohoré, directeur de cabinet de Bohoun Bouabré, Victor Nembelissini, ancien directeur général de la Banque nationale d’investissement (BNI), rallié à Ouattara pendant la guerre postélectorale, Anselme Séka Yapo, Bertin Kadet, le pasteur Moïse Koré et deux militaires appelés Séry Lia et Gouaméné. Les principaux concernés sont interrogés, à part les deux militaires, dont Bertin Kadet doute de l’existence réelle. Rien ne sort de tout cela. La piste est oubliée, sans que personne ne sache vraiment quel enchaînement avait conduit à la diffusion de cette «liste».

La piste Jean Tony Oulaï

En 2008, Germain Bahagbé, qui se présente comme un membre de la garde rapprochée de Jean-Tony Oulaï, «capitaine» de l’armée ivoirienne, affirme être un des membres du commando qui a tué Kieffer… pour le compte du régime Gbagbo. Le commando dont il parle n’a rien à voir avec les noms cités dans la première phase de l’enquête de Ramaël. Il prétend que Kieffer a été enlevé au Plateau, et non à l’hypermarché Prima Center, comme on l’a d’abord dit.

Ramaël s’enthousiasme pour ce «témoignage», mais Bahagbé se rétracte très vite. Tony Oulaï est mis en examen et incarcéré en France. Un autre témoin, Seydou Berté alias Méité, qui se présente comme le chauffeur de Tony Oulaï, accable son patron présumé en racontant une histoire absolument différente de celle de Bahagbé qui a déclenché la mise en examen de Oulaï. Berté a les faveurs de France 3, qui diffuse son témoignage. Puisqu’il est anti-Gbagbo !

Par la suite, un troisième homme, qui se présente sous le nom de «major Alain Gossé», qui met en cause l’entourage de Simone Gbagbo en la «disculpant», a aussi les faveurs de France 3. Le problème est qu’il s’appelle en réalité Zinsonni Nobila Paul, qu’il est Burkinabé, et qu’il a manifestement une fausse carte d’identité, délivrée en mars 2000, en pleine transition militaire, alors que le processus d’identification était stoppé. Le quotidien Nord-Sud avait de son côté, en juillet 2010, évoqué un certain «Lago Charles», «principal témoin de l’affaire Kieffer», qui était à l’origine de fouilles infructueuses de la juge Brigitte Jolivet dans la forêt du Banco. La «découverte» à Issia du corps de Guy-André Kieffer éclaircira-t-elle toutes ces zones d’ombre et ces mille et une fausses pistes complaisamment relayées par la presse française et les titres pro-Ouattara ?

Philippe Brou

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