En demandant le sursis à statuer sur l’affaire jusqu’à l’issue du pourvoi en cassation, le Tribunal de grande instance du Mfoundi, affiche clairement ses intentions de ne pas vouloir juger l’ex-Minéfi, mais de le maintenir le plus longtemps possible en détention préventive à la maison d’arrêt de Kondengui.
Le dilatoire se poursuit dans l’affaire qui oppose l’ex-Minéfi, Polycarpe Abah Abah au ministère public (Etat du Cameroun) et le Crédit foncier. Au cours de l’audience qui a eu lieu mardi dernier, le Tribunal de grande instance du Mfoundi réuni dans sa collégialité autour de Gilbert Schlick (le président du Tribunal de grande instance du Mfoundi) qui dirige le collège des juges, a donné droit à la demande du ministère public qui sollicitait la suspension des débats, jusqu’à ce que statue et se prononce la Cour suprême.
On se souvient que les conseils de l’ex-ministre de l’Economie et des Finances avaient saisi la Cour suprême par un pourvoi en cassation, contre l’arrêt rendu le 8 novembre 2011, par la chambre criminelle de la cour d’appel du Centre. Après un tel « désistement » maquillé du Tgi du Mfoundi, les avocats de Polycarpe Abah Abah qui ont toujours décrié le mauvais jeu et condamné une certaine forme d’enlisement de la procédure, accusent à nouveau le coup. A les croire, tout est organisé pour que l’on maintienne leur client le plus de temps possible en détention préventive, en violation flagrante de la loi.
En guise de rappel, l’on se souvient que la décision de rendue de la chambre criminelle de la cour d’appel du Centre du 8 novembre 2011, avait été jugée courageuse, au point d’étonner. Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de l’accusé Polycarpe Abah Abah et des parties civiles, en matière criminelle, en appel, en collégialité et à l’unanimité des membres, la chambre avait dit en conséquence que le renvoi de l’accusé devant le Tgi du Mfoundi pour quatre chefs d’accusation sans l’accomplissement de certaines formalités substantielles est nul par application des articles 03 et 251 du code de procédure pénale.
Dans la même foulée, la chambre avait renvoyé le dossier de procédure devant le premier juge pour vider sa saisine au fond ; soit entre autre, sur les autres faits de la poursuite contre Abah Abah ; à savoir, ceux de coaction de détournement de deniers publics de la somme de 4.901.459.955fcfa au préjudice du Crédit foncier du Cameroun, établissement public, ensemble et de concert avec Manga Pascal. En clair, la chambre criminelle de la cour d’appel du Centre, infirmait quatre des cinq chefs d’accusation retenus contre l’ex-Minéfi. Devant cette décision de rendu, le ministère public s’était pourvu en cassation en saisissant la Cour suprême.
Entre fuite en avant et procès sans fin
Après un nouvel enrôlement de l’affaire au Tgi et au cour de la première audience, le ministère public avait clairement demandé au tribunal se surseoir à statuer sur l’affaire au motif que le ministère public s’étant pourvu en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel du Centre. Le ministère public expliquait sa démarche quant à une certaine contrariété de la décision et que pour une bonne harmonie de la justice, la Cour suprême devait d’abord se prononcer. Face à un tel jeu de cache cache, le collège des avocats de la défense, invoquant l’article 503 du code de procédure civil qui dit que le pourvoi en cassation n’est pas suspensif de la poursuite de la procédure, avait demandé au tribunal de ne pas suivre le ministère public dans sa démarche. Malheureusement. Au cour de l’audience du 17 janvier dernier, le Tgi a vidé son délibéré et par un jugement avant dire droit, a prononcé le sursis à statuer sur l’affaire, jusqu’à l’issue du pourvoi en cassation, formulé par le ministère public.
Pour les practiciens du droit, l’affaire Abah Abah est enterrée pour quelques années encore. « Lorsqu’on sait que dans l’affaire de Mounchipou, la Cour suprême n’a jamais statué sur le pourvoi de ce dernier, ce n’est pas avec l’affaire Abah Abah que la Haute juridiction va se hâter. « Le jugement rendu par le Tgi est une espèce de renvoi sine die. On ne reparlera de cette histoire que lorsque la Cour suprême aura décidé de s’y pencher. En tout cas, nous allons faire appel et repartir à nouveau à la cour d’appel du Centre. On assiste à un déni de justice ; on ne veut pas juger notre client » se plaint Me Jean Calvin Bilong, avocat de la défense. Selon lui, il y a lieu de craindre que la Cour suprême ne se presse pas manifestement, dans cette affaire. Dénonçant les manœuvres dilatoires, le collectif des avocats pense que la présente procédure tend à empêcher l’ouverture de ce procès au cours duquel la défense entend présenter les preuves de l’innocence de l’ex-Minéfi, Polycarpe Abah Abah.
Souley ONOHIOLO